Violences en Croatie… et en Suisse

Que ce soit sur le territoire national ou de manière externalisée, les politiques migratoires suisses ne respectent pas les fondements des droits humains et font preuve d’une immense violence. Une manifestation à Lausanne dénonçait cette situation.

Des manifestants pour l'accueil des réfugiés à la place Bel-Air de Lausanne
Manifestation Stop Dublin Croatie, Lausanne, 1er avril 2023

Depuis octobre 2022, une campagne dénonçant les renvois Dublin vers la Croatie a été lancée par différents collectifs romands militant dans le domaine de la migration. À travers une conférence et d’un communiqué de presse, les multiples violences vécues en Croatie par les personnes requérantes d’asile, alors présentes en Suisse, ont été dénoncées publiquement et transmises aux autorités suisses. Par ailleurs, ces actes violents avaient déjà été signalés par différentes ONG, dont l’Organisation Suisse d’Aide aux Réfugié·e·s (OSAR) depuis plusieurs années. 

Quelle est le rôle des autorités suisses là-dedans ?

Dans un premier temps, comprenons que la Suisse, même en faisant partie des accords de Dublin III, peut appliquer une clause de souveraineté et refuser de renvoyer les individus concernés dans le pays Dublin qui leur est associé. Bien que certains enjeux politiques soient mis en cause vis-à-vis de l’UE, la Suisse ne rompt pas sa participation à ces accords en n’exécutant aucun renvoi vers la Croatie. D’autre part, rappelons que, selon la Constitution suisse, les personnes réfugiées ne peuvent être refoulées sur le territoire d’un État dans lequel elles sont persécutées et où elles risquent la torture ou tout autre traitement cruel et inhumain.

Nous voyons alors que la base légale offre la possibilité de stopper ces renvois, ou en tous cas de les mettre en pause. Mais qu’en est-il de son application ? Selon le Secrétariat d’État aux Migrations (SEM), bien qu’il reconnaisse l’existence de refoulements illégaux aux frontières, la situation à l’intérieur de la Croatie lui semble sure. En renvoyant les personnes directement sur le territoire national croate, la Suisse considère qu’elles seront bien accueillies et protégées. Dans un discours de mars dernier, Elisabeth Baume-Schneider, pourtant du parti socialiste, a réaffirmé les propos du SEM et estime que les renvois vers la Croatie n’ont pas à être suspendus. Enfin, le tribunal administratif fédéral a également confirmé récemment cette posture de par sa jurisprudence.

Sur le plan vaudois, les autorités cantonales disposent d’une marge de manœuvre permettant également de mettre en pause voire de ne pas exécuter les renvois, au simple risque d’une sanction économique. Mais, malgré une mobilisation des collectifs locaux et d’élu·e·x·s de différents bords politiques au Grand Conseil dont Hadrien Buclin et Mathilde Marendaz. Isabelle Moret, elle, ne s’est pas mouillée et a pris position en autorisant de perpétuer les pratiques de renvoi vers la Croatie, toujours en se cachant derrière le discours du SEM.

Il y a bien de la violence et des traitements inhumains dans d’autres pays, et la Suisse n’y fait pas exception. En refusant d’entendre et de croire les témoignages de personnes concernées et des ONG, les autorités suisses font, à nouveau, preuve d’un racisme structurel épatant. Les paroles de personnes étrangères et racisées sont décrédibilisées et les idées nationalistes prennent le dessus afin de limiter le plus possible l’accueil de requérant·e·x·s d’asile.

Des politiques migratoires violentes ?

En Suisse, les pratiques de renvois sont dangereuses et mortifères, comme l’exemplifie la situation de Y, requérant d’asile, qui a failli se défenestrer lorsque la police est venue le chercher, à 5 h du matin dans sa chambre, en vue d’un renvoi vers la Croatie. L’arrestation, qui s’est déroulée le 23 mars, a pu être mise en suspens grâce à l’intervention de militant·e·s. Suite à cela, elles ont appris qu’il s’agissait d’une erreur, d’une mauvaise communication entre le service de la population et la police et que l’arrestation était supposée être annulée. 

Mi-avril, dans le canton de Fribourg, un événement similaire se déroule. Une femme se fait arrêter en vue d’un renvoi, puis libérée, n’étant pas la personne recherchée. Dans les deux cas recensés, les personnes, déjà fragilisées psychologiquement par leur parcours migratoire ainsi que par l’attente d’un renvoi, ont dû être hospitalisées en urgence. 

Ces « erreurs » produites par les autorités suisses ont failli leur coûter la vie, et ont provoqué des séquelles considérables. La non-prise en considération de la violence pschologique dans les politiques migratoire est inacceptable et se concrétise même parfois de manière dramatique par la mort, comme nous l’ont tristement prouvé les suicides de requérant·e·x·s d’asile au cours des derniers mois.

Alors, quand est-ce que les politiques migratoires deviendront humaines ? Nous ne le savons pas. Ce qui est par contre certain, c’est qu’en attendant que les autorités suisses prennent leurs responsabilités, des vies de personnes migrantes sont détruites.

CJ