Ne pas changer le climat! ... et le système?

Grève: contre toute attente, ce mot que la classe dirigeante suisse a si copieusement œuvré depuis des décennies à rendre obsolète, refait surface. Sauf que cette fois-ci, c’est la jeunesse qui s’en empare. Indifférente aux pessimismes qui la disaient endormie et rebelle aux menaces des directions, elle choisit le chemin de la grève pour se mobiliser. Et prend le temps d’organiser son mouvement.

Car après la grève du 18 janvier et des manifestations massives le samedi 2 février, plus de 300 jeunes se sont réuni·e·s à Berne lors d’une rencontre nationale de deux jours pour coordonner les actions du mouvement et discuter des perspectives.

Les revendications adoptées sont claires: la «justice climatique» est l’une des quatre exigences centrales, à côté de la réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre à zéro en Suisse d’ici 2030. On mesure bien que ces revendications ne pourront être atteintes ni dans la configuration actuelle du système politique suisse, ni du capitalisme en général. Le mouvement précise ainsi que, si cela s’avérerait nécessaire, ces mesures «devraient être accompagnées d’un changement de système».

Cette radicalité n’est pas sans fondement. Elle s’appuie sur la perception claire que nous sommes face à une urgence historique. Elle est galvanisée par la masse et l’internationalisme du mouvement. La confiance pour exiger ce que élites et dirigeant·e·s nous présentent comme «impossible» est gagnée grâce aux dizaines de milliers qui marchent en défiant mépris et indifférence.

Il est évident pour beaucoup que la crise climatique pose nécessairement la question de la sortie du capitalisme, même si le mouvement ne se déclare pas anticapitaliste. Néanmoins, la conscience politique de cette jeunesse mobilisée a effectué des bonds de géants. D’ores et déjà, le mouvement a dépassé le simple appel à l’effort individuel et c’est bien l’ensemble du système qui est visé, en particulier l’élite politique et économique. Personne ne peut prédire son évolution, mais sa capacité à s’inscrire dans la durée, à se structurer et mener des débats de fond de manière démocratique est de bon augure. L’évolution du mouvement dépendra de son aptitude à élargir la mobilisation et à approfondir la démocratie et la participation à tous les niveaux.

Dans ce contexte, les mouvements anticapitalistes ont un rôle à jouer. Il est essentiel de poursuivre les contacts avec celles et ceux, au sein de cette jeunesse, qui recherchent des réponses plus radicales. Mais nous avons aussi beaucoup à apprendre de ce mouvement, qui, avec ses mots d’ordre, ses formes d’action et sa capacité à mobiliser aussi massivement dans des délais aussi courts, a très largement débordé toutes les organisations classiques.

Dimitris Daskalakis