1948 - 2008 : Palestine colonisée, peuple dépossédé

1948 – 2008 : Palestine colonisée, peuple dépossédé

Ce supplément du journal
solidaritéS no 125, est téléchargeable dans sa
version complète, en couleur et illustrée, en cliquant
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Campagne du Collectif Urgence Palestine (CUP) à l’occasion du
60e anniversaire de création de l’Etat d’Israël et de la
Nakba – la catastrophe pour le peuple palestinien

Le 15 mai 2008 marque le 60e anniversaire de la déclaration
d’indépendance de l’Etat d’Israël. Le mythe d’«une
terre sans peuple pour un peuple sans terre» a servi à
occulter pendant longtemps la Nakba, la catastrophe causée par
l’expulsion forcée de plus de 700 000 Palestinien-ne-s et par la
destruction de centaines de villages entre 1947 et 1949.

Les expulsions et la dépossession du peuple palestinien de ses
droits historiques se perpétuent jusqu’à nos jours par
l’occupation militaire de la Cisjordanie, de la Bande de Gaza et de
Jérusalem-Est, la construction du Mur, l’implantation de
colonies, les discriminations à l’égard des
Palestinien-ne-s d’Israël et le refus de reconnaître le
droit au retour des réfugié-e-s.

Les activités organisées du 27 avril jusqu’à la
fin du mois de mai par le CUP et par certaines de ses organisations
membres doivent servir à réhabiliter le long combat du
peuple palestinien pour la reconnaissance de ses droits et pour la
reconnaissance du déni de justice depuis 1948.

Cette reconnaissance est un préalable indispensable à
toute solution de paix qui doit être basée sur le respect
des droits humains, la reconnaissance du droit à
l’autodétermination du peuple palestinien et l’application du
droit international pour toutes les populations concernées. La
Suisse, comme l’ensemble de la communauté internationale doit
intervenir pour la reconnaissance et l’application de ces droits.

La lutte du peuple palestinien traverse une des phases plus difficiles
de son histoire. Assiégés à l’intérieur de
la Bande de Gaza et dans les enclaves de Cisjordanie, on demande aux
Palestinien-ne-s de négocier une paix alors qu’ils sont soumis
à un blocus économique, à des incursions
militaires meurtrières quotidiennes et au grignotage incessant
de leur territoire par la continuation de la construction de colonies.

Plus que jamais, les militant-e-s de la solidarité
internationale avec le peuple palestinien appellent à participer
aux meetings et autres manifestations prévues au mois de mai.

Tobia Schnebli • militant du Collectif Urgence Palestine (CUP)-GE

Organisations membres du CUP-Genève: Association Droit
pour Tous, CETIM Centre Europe Tiers-Monde, Femmes en Noir –
Genève, GSsA Groupe pour une Suisse sans Armée,
Meyrin-Palestine, Parrainage d’enfants Palestine, Ligue Suisse des
droits de l’Homme  GE, solidaritéS, CUP Nyon – La
Côte, Secours social palestinien, SIT Syndicat interprofessionnel
de travailleurs-euses, SSP/Vpod Syndicat des services publics, UNIA-GE,
Aide sanitaire Suisse aux Palestiniens, Association Suisse-Palestine…


La Nakba a 60 ans…

60 ans d’expulsion

Au cours des mois qui ont précédé et suivi la
création de l’Etat d’Israël, en 1948, les trois quarts de
la population arabe ont été expulsés. Les
bombardements des villes côtières, les attaques sur les
villages isolés, l’expulsion des civils des zones
urbaines, les massacres opérés par les groupes militaires
sionistes ont expulsé la population indigène arabe hors
de sa terre natale. En quelques mois, le «transfert» par la
force a déraciné plus de 700 000 personnes.

Expulsion planifiée

Cette expulsion, analysée minutieusement par de nombreux
chercheurs, éclairée par les derniers travaux de
l’historien israélien Ilan Pappé, s’est
déroulée de façon systématique et
planifiée. La direction sioniste, constitué autour de
David Ben Gourion, avait en sa possession des informations
détaillées concernant les villes et villages arabes et
sur les capacités de résistance des Palestiniens. Ces
données ont fourni la base des plans militaires (Plan Dalet)
pour l’expulsion de la population arabe hors du futur Etat
d’Israël.

Eliminer les traces

Dans les années qui ont suivi sa création, Israël a
mis en place toute une stratégie visant à occulter toute
trace de la présence arabe sur cette terre. 347 villages
palestiniens ont été rasés, les noms des lieux
«hébraïsés», les vestiges
archéologiques enfouis sous des parcs d’attractions, les
maisons vidées de leurs occupants ont été
déclarés «biens vacants» et
réquisitionnées pour les nouveaux immigrants.
L’interdiction de retour dans leurs foyers a été
prononcée contre les personnes déplacées de
quelques kilomètres. Les réfugié-e-s, tentant le
retour depuis leur exil, furent punis sévèrement,
beaucoup furent abattus. Le nouvel Etat israélien s’est
approprié une grande partie des terres palestiniennes.

Mythes

Ce nettoyage ethnique de la Palestine a été
profondément enfoui par une historiographie officielle qui a
entretenu les mythes «fondateurs» de la
société israélienne, du mythe sioniste
précurseur d’«une terre sans peuple pour un peuple sans
terre» à celui du «départ volontaire»
des Palestiniens encouragés par les appels des dirigeants arabes
en 1948. L’entreprise coloniale israélienne a été
transformée en un bienfait «faisant fleurir le
désert».

Pour que la vérité historique soit rétablie, il
aura fallu une volonté farouche des Palestinien-ne-s pour
reconstituer l’histoire de leur tragédie la «Nakba»
ainsi que les recherches critiques d’une nouvelle
génération d’historiens israéliens.  


La dépossession se poursuit !

Les discriminations et les expulsions se sont poursuivies
également après la première expulsion de masse de
la population palestinienne liée à la création de
l’Etat d’Israël en 1948…

En 1967, 430 000 Palestinien-ne-s ont été
expulsé-e-s hors de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.
Depuis 2002, avec la construction du Mur dans les territoires
occupés et à Jérusalem, la politique
d’expulsion connaît une nouvelle aggravation: destructions
de maisons, expropriations des terres et privation du droit de
séjour. En Israël même, ce sont aujourd’hui en
premier lieu les Bédouins du Néguev qui sont
touchés par une destruction de leur culture et de leur mode
d’habitat, et par des transferts forcés. Mais les
Palestinien-ne-s, resté-e-s dans leurs villages après 48,
voient aussi leurs maisons détruites, selon un nouveau plan de
«développement» visant à
accélérer le transfert de la population palestinienne
hors d’Israël.

Expulsés par la colonisation

Inhérente au projet sioniste depuis ses origines à la fin
du XIXe siècle, la colonisation a reçu son
véritable élan après la guerre des Six Jours
grâce aux gouvernements travaillistes en place. L’arrivée
au pouvoir du Likoud en 1977 a encore accéléré
cette dynamique. La faillite du processus d’Oslo dans les
années 90 s’explique aussi par l’augmentation du nombre de
colons en Cisjordanie qui passe de 100 000 en 1992 à 151 000 en
1996. Il faut souligner que toutes les colonies installées dans
les territoires palestiniens occupés sont illégales
d’après le droit international.

Aujourd’hui 400 000 colons israéliens vivent en
Cisjordanie et à Jérusalem Est. Les territoires
palestiniens sont désarticulés, enclavés et les
perspectives d’autonomie sont plus que réduites.

A côté de Jérusalem, la vallée du Jourdain
fait actuellement partie des régions prioritaires pour la
politique israélienne de colonisation et d’annexion. Une
moitié de ce territoire est déjà
contrôlée par des colonies et des parts
supplémentaires importantes ont été
déclarées zones militaires interdites. Il ne reste aux
agriculteurs palestiniens que 4 % de leurs terres arables.
L’accès à la vallée est totalement
contrôlé par l’armée. Depuis avril 2006, seuls les
Palestinien-ne-s domicilié-e-s dans la vallée du Jourdain
et âgé-e-s de plus de 30 ans ont le droit de franchir les
check points. Avec la destruction massive des habitations et des puits,
tout est fait pour rendre la vie dans la vallée impossible aux
Palestiniens. Ceci constitue aussi un processus d’expulsion silencieuse.

Expulsés par la construction du Mur

Depuis 2002, Israël construit un Mur de 730 kilomètres de
long en Cisjordanie occupée. Il sépare les colonies
juives, les sources d’eau, ainsi que les terres arables, des villes et
villages palestiniens; le déplacement et l’accès
à ces cultures sont devenus inaccessibles aux Palestinien-ne-s.
D’après des déclarations officielles, le gouvernement
veut annexer la moitié des surfaces des terres palestiniennes
soustraites vgrâce au tracé du Mur.

De nombreux Palestinien-ne-s ne peuvent même plus atteindre leur
lieu de travail en Cisjordanie et sont souvent coupés de leurs
parents, de leurs hôpitaux et de leurs écoles. La
situation est très grave à Jérusalem où,
à cause de la construction du Mur, 80 000 habitant-e-s
palestiniens se sont vus privés du droit et de la
possibilité de se déplacer librement dans leur ville et
d’accéder aux services du centre, que ce soit pour
l’accès aux soins médicaux, pour se rendre au travail, ou
simplement pour des achats ou des visites.

Avec la résolution ES-10/15 du 20 juillet 2004,
l’Assemblée générale des Nations Unies a
entériné l’avis de droit de la Cour Internationale de
Justice qui a condamné l’édification du Mur parce
qu’elle est contraire au droit international. La résolution
exige que l’Etat israélien mette un terme à sa
construction, démantèle les parties construites et
répare les dommages causés. Elle affirme aussi que:
«Tous les Etats sont dans l’obligation de ne pas
reconnaître la situation illicite découlant de la
construction du Mur et de ne pas prêter aide ou assistance au
maintien de la situation créée par cette construction;
tous les Etats parties à la quatrième Convention de
Genève relative à la protection des personnes civiles en
temps de guerre, du 12 août 1949, ont en outre
l’obligation, dans le respect de la Charte des Nations Unies et
du droit international, de faire respecter par Israël le droit
international humanitaire incorporé dans cette convention;
[…]»

Expulsés par la destruction de maisons

Le Comité israélien contre la destruction de maisons
(ICAHD) estime à 12 000 le nombre de maisons palestiniennes
détruites arbitrairement depuis 1967, dont plus de 4000 rien que
dans les sept dernières années. Le nombre de sans-abris
est estimé à 50 000. Les maisons sont détruites
par l’armée à l’aide de bulldozers, de pelleteuses et
d’explosifs, souvent sans préavis. A l’arrivée des
unités de démolition, les personnes touchées n’ont
souvent que quelques minutes pour rassembler quelques affaires et
quitter leur maison.

Le siège de Gaza: un crime contre 1,4 million de civils

Depuis que le gouvernement israélien a déclaré
Gaza «zone hostile», 1,4 million de civils subissent une
punition collective sans précédent de la part de la
puissance occupante.

Des dizaines de personnes sont mortes suite à la pénurie
de médicaments ou par l’impossibilité de se rendre
dans des hôpitaux extérieurs. Les besoins les plus vitaux,
comme l’eau potable, l’électricité, la
nourriture, les fournitures nécessaires et les pièces
détachées essentielles pour le fonctionnement des
hôpitaux manquent cruellement. Le bouclage total,
l’emprisonnement d’une partie «superflue de
l’humanité» fait partie du rejet de la reconnaissance du
peuple palestinien avec ses droits
inaliénables.   


Notes bibliographiques

• Ilan Pappe, Le Nettoyage ethnique de la Palestine, Fayard, Paris, 2008.
S’appuyant sur des documents d’archives, des journaux personnels de
dirigeants et des témoignages directs, l’historien reconstitue
minutieusement l’entreprise systématique d’expulsion et de
destruction opérée par les forces sionistes en Palestine
entre 1947 et 1949.

• Dominique Vidal (avec Sébastien Boussois), Comment Israël expulsa les Palestiniens (1947-1949), L’Atelier, Paris, 2007.
Ce livre, qui constitue une édition actualisée et
augmentée du Péché originel d’Israël
(L’Atelier, 1998 et 2002), présente une synthèse des
ovrages des «nouveaux historiens» israéliens
consacrés  aux racines du conflit
israélo-palestinien et dont beaucoup n’ont toujours pas
été traduits en français.


• Rashid Khalidi, Palestine, Histoire d’un Etat introuvable, Actes Sud, 2007.
Titulaire de la chaire Edward Saïd à Columbia University,
l’auteur décrit le jeu des principaux acteurs qui ont
enfermé la Palestine dans une «cage de fer». Livre
de référence et synthèse indispensable de 1920
à nos jours.


• Michel Warschawski, A tombeau ouvert. La crise de la société israélienne, La Fabrique, Paris, 2003.
Le militant pacifiste franco-israélien lance un
réquisitoire contre l’«intégrisme militaire»,
le messianisme, la «mentalité coloniale» et le
racisme qui gangrènent la société
israélienne.


• Ella Shoat, Le Sionisme du
point de vue de ses victimes juives. Les Juifs orientaux en
Israël, La Fabrique, Paris, 2006.

L’auteure analyse les racines historiques de l’«oppression
structurelle que subissent les Juifs orientaux en Israël» et
montre comment le sionisme, idéologie eurocentrée et
coloniale, a conduit à l’acculturation et à la
dévalorisation des Arabes juifs.


• Histoires d’Israël
«Manière de voir» bimestriel du Monde diplomatique,
n° 98, avril-mai 2008, coord. par Dominique Vidal.

Notes bibliographiques ci-dessus tirées de cette publication.