RFFA: une campagne de la peur

RFFA une campagne de la peur

Dans la dernière ligne droite avant le vote sur la réforme fiscale et financement de l’AVS (RFFA), la campagne bat son plein. Si le camp bourgeois avec le parti socialiste suisse insistent sur les « compensations sociales » aux mirobolants cadeaux aux actionnaires, leur campagne reste essentiellement construite sur la peur. Une peur savamment distillée grâce à la menace de délocalisations: si le peuple venait à refuser RFFA, alors les multinationales partiraient, générant des pertes d’emplois massives. À l’inverse, en cas de oui, de nouvelles entreprises viendraient s’installer et créeraient des emplois.

Ce chantage à l’emploi, véritable épine dorsale de leur campagne, est totalement fallacieux. Même avec un refus de RFFA, l’immense majorité des entreprises multinationales resteront. Et pour cause: en comparaison internationale, la Suisse offre des conditions cadres exceptionnelles pour le patronat: degré de qualification du personnel, stabilité politique, qualité des infrastructures, cotisations sociales faibles, etc. Dans la liste des critères de compétitivité recensés par le Crédit Suisse, la fiscalité n’occupe d’ailleurs que la quatrième position. Même en maintenant son taux d’imposition actuel (env. 24%), la Suisse resterait hyper-concurrentielle. Pour les entreprises, trouver des taux plus bas signifierait renoncer à la qualité des conditions cadres. Celles qui partiraient sont des sociétés volatiles qui n’ont que leur siège social en Suisse, ou qu’une boîte aux lettres. La menace sur l’emploi est donc largement surestimée, surtout qu’elle s’appuie sur des chiffres totalement fantaisistes.

Les partisan·ne·s de RFFA exagèrent également les potentiels effets bénéfiques de la réforme. Plusieurs études ont démontré l’absence de corrélation significative entre baisse de la fiscalité sur les bénéfices et création d’emplois. Ceci est d’autant plus vrai qu’environ 80% des actionnaires des grandes entreprises suisses vivent à l’étranger, comme par exemple les cheiks du Qatar, qui font partie des actionnaires principaux de Crédit Suisse, ou le Fonds souverain de Singapour, qui s’est acheté d’importantes parts d’UBS. Ainsi, l’argent gagné par les actionnaires n’a que peu de chances d’être réinjecté dans l’économie suisse.

Cette campagne centrée sur le chantage à l’emploi ne relève pas que d’une simple option idéologique: elle permet d’occulter les conséquences réelles de RFFA sur l’emploi. En effet, la réforme menace très directement des dizaines de milliers d’emplois dans les services publics et dans les entreprises privées qui dépendent de mandats publics.

C’est bien ce coup de force qu’il s’agit de dénoncer et de combattre. Derrière les menaces sur l’emploi privé, la bourgeoisie veut faire passer une offensive contre le secteur public tout en offrant de formidables cadeaux aux actionnaires. Nous devons évidemment mettre toutes nos forces dans cette bataille pour construire de réelles résistances face à cette politique. Que RFFA passe ou non, ces pôles de résistances sur les lieux de travail, dans la rue ou au travers de collectifs anti-austérité, seront très importants dans l’après-19 mai. Alors profitons de cette campagne pour les consolider!

Pablo Cruchon