14 juin 1991: Grève des femmes

14 juin 1991 : Grève des femmes - Les femmes bras croisés, le pays perd pied!

Les femmes bras croisés, le pays perd pied!

«Dire que ça va faire dix ans qu’on a voté l’égalité…». C’est de ce constat désabusé qu’est partie l’idée de la journée d’action du 14 juin 1991. Le mot d’ordre de grève des femmes est rapidement lancé pour montrer la nécessité de la révolte. L’ampleur du mouvement a dépassé toutes les attentes. Plusieurs centaines de milliers de femmes se réunissent, occupent les places, crient leur indignation. Retour sur cette journée dans la perspective d’une grève féministe en 2019.

Genève

La vague fuchsia

À Genève, l’idée de la grève – lancée par un petit groupe de femmes syndiquées de la Vallée de Joux et diffusée par le Congrès de l’USS – rencontre un terrain favorable dans les milieux féministes qui se mobilisent depuis des années pour préparer chaque 8 mars. Les commissions femmes de l’Union des syndicats du canton de Genève portent le projet au départ, vite rejointes par d’autres associations, la plupart issues du MLF, et par le jeune Bureau cantonal de l’égalité.

Plusieurs événements rassemblent des femmes en 1990: un 8 mars particulièrement festif et multiculturel, en automne un projet de loi sur les quotas à l’Université de Genève (avec comme objectif 40% d’enseignantes en 30 ans). La vague monte en puissance quand F Information organise, au printemps 91, une quinzaine de réflexion sur le thème brûlant «femmes pauvres dans ville riche» à la Maison de Quartier de la Jonction. Une première mouture du Manifeste du 14 juin avec ses neuf revendications est alors distribuée à un public large de professionnelles du social, d’artistes, de femmes de ce quartier populaire et de femmes précarisées. La vague monte en puissance et se prépare à déferler sur tout Genève. À chaque rencontre du Collectif d’organisation, le cercle des participantes s’agrandit: l’ambiance est chaleureuse et ouverte, les femmes sans affiliation se sentent bien accueillies par les féministes habituées à travailler ensemble.

On part du principe que toutes les femmes pourront participer, les salariées qui ne travailleront pas ce jour-là comme les femmes au foyer ou isolées qui pourront rejoindre les actions de quartier. Une couleur, un logo et un slogan vont unir toutes les femmes: la couleur fuchsia, rose pétant, l’image d’une femme aux bras croisés, omniprésente sur les affiches, les T-shirts, les pin’s, et le slogan «Les femmes bras croisés, le pays perd pied», qui vaut pour toutes.

Malgré tout, le trac domine les organisatrices à la veille de la grande journée: la grève est un terme choquant, on nous reprochait «d’aller trop loin» (lors de la conférence de presse, j’ai cru avoir dit une bêtise tant les journalistes se sont exclamés lorsque j’ai annoncé que nous allions vers une grève des femmes). Allions-nous réussir? Combien serions-nous? Rentrerions-nous dans nos frais? Quand ce vendredi matin nous avons reçu la banderole de tête commandée, Marina Decarro et moi avons eu un coup au cœur: elle était trop petite et comprenait une grave faute d’orthographe. Nous l’avons tout de même empoignée, espérant de tout cœur que les femmes nous suivraient. Nous avons su ensuite par la presse que la manifestation avait réuni 5000 personnes! Le beau temps était avec nous. C’était une véritable journée d’été ensoleillée.

Dans la brochure Fuchsia (dont il reste quelques exemplaires), les actions de cette journée ont été recensées. Sur les lieux de travail le matin, dans les usines et les grands magasins, peu de grévistes, mais des pauses prolongées, des rythmes plus lents, des ouvrières vêtues de fuchsia, et le port ostensible d’un badge. Dans la fonction publique, davantage de femmes osent faire grève, organisent des discussions sur les différences de salaire et de fonction dans les halls d’entrée, et accueillent le public avec des tracts. Dans les secteurs social et hospitalier, il est difficile de débrayer, mais on informe les patient·e·s et usagères sur les inégalités et les raisons de la grève. Dans les garderies et les écoles primaires ont lieu des pauses prolongées, des leçons pratiques de partage des tâches, des animations spéciales dans les cycles. Dans le secondaire supérieur, on compte encore plus d’actions pédagogiques (tables rondes, films, pétitions). À l’Université, une grande partie du personnel s’est mise en grève. Il y a beaucoup de prises de parole et de débats, et un «jeu de l’oie» très fréquenté, monté par des membres de la Conférence Universitaire des Associations d’EtudiantEs (CUAE).

À midi, un gigantesque pique-nique rose a rassemblé une foule de fonctionnaires et d’étudiant·e·s au parc des Bastions, et quantité d’autres repas en plein air se tiennent sur les lieux de travail (usines, écoles, magasins), dans la zone industrielle, dans les communes et dans les quartiers de la ville: Eaux-Vives, Grottes, Pâquis et Servette, dans la cour des Schtroumpfs que rejoignent les fonctionnaires, descendues en cortège, des organisations internationales. Moment fort et émouvant, ponctué d’un discours de Ruth Dreifuss, alors secrétaire générale de l’USS.

La grande manifestation de l’après-midi, partie de Carouge, a zigzagué à travers les petites rues et les chantiers de la Maternité, touchant des quartiers populaires. Elle est ponctuée de théâtre de rue, de performances, de prises de parole aux endroits symboliques, d’actions (sprayage d’un cinéma porno, changements de noms des rues). Elle est accompagnée de fanfares et saluée par les cloches. À la fin, on rejoint une fête grandiose à l’Alhambra, avec des clowns, des discours mûrement préparés ou improvisés, du théâtre, des lectures, des chansons. Une ambiance comme jamais vécue.

Le lendemain, les affiches des journaux «Elles étaient 500000 en Suisse» ont encore donné du bonheur. «J’en ai plein les yeux et le cœur», «cette solidarité m’a donné l’aperçu d’un possible inespéré», témoignent-elles le 15 juin. La vague d’espoir a soulevé la chape de la résignation.

Maryelle Budry


Fribourg

Femme, où est ton avenir?

«Je m’appelle Antoinette Charrière

Donzallaz. Je suis mère d’une famille nombreuse et j’habite un charmant village dans la campagne glânoise, Chavannes-les-Forts. Avec mon mari, six enfants, des poules, des chats et une tortue, nous louons une ancienne ferme et je m’y sens bien. Aujourd’hui, je fais la grève pour que mes filles puissent choisir leur façon de vivre et de travailler, soit à la maison, soit à l’extérieur, qu’elles puissent obtenir des postes à temps partiel, pas seulement au niveau des professions libérales, mais aussi des places de travail jugées plus modestes dans l’industrie et dans les usines.

Aujourd’hui, je fais la grève pour que mes fils soient aussi responsables de l’éducation de leurs enfants, qu’ils apprennent à partager les tâches domestiques et qu’ils admettent le choix de vie de leur épouse.

Aujourd’hui, je fais la grève pour que toutes les femmes qui désirent concilier maternité et carrière puissent réaliser leurs envies. Je fais aussi la grève pour que les femmes qui travaillent soient plus tolérantes et ne minimisent pas le travail domestique. Il faut qu’elles comprennent qu’on peut choisir de rester à la maison et qu’on peut aussi s’épanouir. Pourtant, la situation des femmes au foyer, ce n’est pas la panacée. La sécurité sociale pénalise les femmes. Ainsi, une femme divorcée qui n’a pas travaillé à l’extérieur se voit amputée d’une bonne part de sa rente AVS.

Si, pour diverses raisons, une femme veut ou doit reprendre une activité, elle n’a pas cotisé au 2e pilier. Elle devra donc combler ce trou. Le travail au foyer et l’éducation des enfants ne comptent pas dans notre société. Cet état de fait doit changer et ce 14 juin peut contribuer à une reconnaissance des tâches éducatives et domestiques.

Aujourd’hui, je fais la grève en solidarité avec toutes les femmes qui sont opprimées et exploitées. Mon emploi du temps quotidien me permet de m’organiser de telle façon que je peux facilement me consacrer à mes engagements. Je milite dans divers mouvements: association de parents d’élèves, association glânoise des locataires, Amnesty International, Magasins du Monde, etc.

Tant qu’il y aura des femmes qui refuseront de ressembler au sex-symbol de Top Models ou Dallas, tant qu’il y aura des femmes et des hommes qui militeront au sein d’organisations pour améliorer la condition humaine, alors je crois qu’on peut encore changer le monde.»

Discours d’Antoinette Charrière, Grève des Femmes, 14 Juin 1991, Fribourg


Hilda et Françoise

Hilda Birbaum et Françoise Rouiller travaillent à la Cafag, dans l’industrie du cartonnage. Elles ont participé à une réunion pour préparer la journée du 14 juin, organisée quelques semaines auparavant par le Syndicat du livre et du papier (SLP). Avec quelques collègues, elles sont venues au grand rassemblement de midi sur la Place Python. Une journaliste de La Liberté les a accompagnées sur leur place de travail.

Une montagne de boîtes bleues attend sur la table. Les ouvrières travaillent deux par deux. Hilda Birbaum, 59 ans, est maîtresse de table. Elle transmet son savoir-faire à Françoise Rouiller, une jeune ouvrière de 20 ans. Aujourd’hui, Hilda et Françoise exécutent des boîtes de rangement pour bobines de films. Produit fini: une solide boîte rectangulaire bleue, doublée d’une gorge habillée de noir sur laquelle se glisse le couvercle. Au départ, une carcasse en carton gris que huit manipulations successives amèneront à sa forme définitive. Elles travaillent des lots de 350 ou 400 boîtes.

Au bout de la table, l’encolleuse. Habiller une carcasse, c’est renforcer les angles de la boîte et du couvercle, glisser la gorge dans la boîte, coller le papier de couleur, étiqueter. Françoise encolle le papier noir par lots de 25, Hilda colle la feuille noire sur la gorge, pose la boîte, recommence. Puis, c’est le tour des étiquettes. Hilda les applique et vérifie en même temps la qualité de la boîte. Elle traque les bulles d’air qui auraient échappé à son attention – la colle était trop ou pas assez liquide – nettoie les traces de colle, efface les empreintes de doigts. Françoise approche les couvercles habillés la veille et ferme les boîtes. Elle les pose par paquets de cinq sur la palette. Un homme vient chercher la palette pleine: départ vers l’emballage pour l’envoi.

Michèle Roquancourt

La Liberté, 14 juin 1991


Vaud

Trois grévistes se souviennent

Juin 91, période difficile de ma vie de femme, seule avec mes enfants, je me débats entre mon travail et des horaires insensés, une enfant malade, les charges de la maison et les soucis d’argent. Je n’ai plus le temps d’avoir une activité politique ni même de lire les journaux. Dans le bus qui m’amène au travail, je croise une femme qui porte une grande écharpe rose foncé. Elle me sourit l’air entendu. Je ne comprends pas. Arrivée à l’hôpital, des collègues m’expliquent que les femmes sont en grève et que celles qui ne peuvent ou ne veulent pas faire la grève mais qui sont solidaires portent aujourd’hui un vêtement, un foulard ou un collier couleur fuchsia. À midi, je file en ville acheter une belle fleur en tissu fuchsia et retourne au travail en l’arborant fièrement sur ma blouse blanche.

Toute la journée, je vais croiser des femmes qui montrent par ce simple signe leur solidarité ainsi que leur volonté de dire non aux inégalités de salaire, de revenus, de légitimité sociale et politique, aux inégalités dans les responsabilités éducatives ou dans les possibilités de progression professionnelle, et leur désir de se battre pour le respect de leur parole, de leur intégrité et de leur dignité et contre toutes les formes de violence dont les femmes sont victimes. Pour moi, c’était cela, la grève des femmes.

Marie-Claude Hofner

Je me souviens du 14 juin 1991. Des femmes, des hommes aussi, solidaires, une mobilisation nationale incroyable. En Suisse, la grève politique est illicite, mais les femmes sont descendues en fuchsia dans les rues, les femmes au foyer, tous les corps de métier. Elles se sont réunies et ont croisé leurs bras pendant une heure sur leur lieu de travail. Une déferlante pour dire «ça suffit», «mieux qu’un rêve, une grève», ou «d’habitude on range, aujourd’hui on dérange». L’expression d’un malaise profond, d’une sainte colère. Le 14 juin 1981, à la suite d’une votation populaire sur l’égalité des droits, rien ou presque n’avait changé dix ans plus tard.

Je me souviens de l’ambiance dans les rues. Il y avait du soleil, j’étais enceinte de huit mois. Avec Marie Perny, nous avions une compagnie de théâtre, le Théâtre Musical, et un répertoire de chansons des années 30, humoristiques et décalées. On chantait «Toujours au turbin du soir au matin, moi j’en ai marre», «La crise est finie, nous nageons dans le bonheur», «Partout en Suisse on est heureux, c’est le pays le plus merveilleux», «La femme est faite pour l’homme, comme le pommier pour la pomme et le pneu pour l’auto», «J’ai un faible pour les forts, j’aime les toreadors». Nous chantions au milieu de toutes ces femmes. Il y avait de la joie, de la malice, un brin de provocation et l’envie profonde que ça change. Un ras-le-bol du paternalisme ambiant, du non-­respect de nos droits. Salaire égal, assurance-maternité, crèches, temps partiel, partage des tâches domestiques…

Aujourd’hui, en 2018, où en sommes-nous? Les mentalités ont quelque peu évolué, mais l’injustice sociale, la paupérisation, le non-respect des femmes sont toujours aux premières loges.

Heidi Kipfer

Après des mois d’activité dans le collectif Femmes en grève pour construire la mobilisation du 14 juin 1991 (diffusion de dizaines de milliers de tracts, prises de parole au 1er Mai, envoi de badges, de cartes postales, de T-shirts aux femmes qui les commandaient par la poste), quelle joie de voir le succès de la grève des femmes! Il est impossible de recenser toutes les actions et toutes les activités imaginées par les femmes pour rendre visible le travail gratuit réalisé au sein des familles. Le slogan qui rend le mieux compte de cet état d’esprit est «d’habitude on range, aujourd’hui on dérange!»

Beaucoup d’entre elles sont allées travailler en portant un badge, un T-shirt ou n’importe quel accessoire fuchsia pour marquer leur adhésion à la grève des femmes. Elles se sont organisées pour participer à des pauses prolongées, à des débrayages, aux pique-niques et aux manifestations qui ont constellé les villes et villages de Suisse. À force de persévérance, d’inventivité, de solidarité, de prise de conscience et d’organisation, ces milliers de femmes sont arrivées à faire entendre leurs revendications, concrétisant de manière éclatante à l’occasion de la grève des femmes le slogan «Ensemble nous sommes fortes».

Geneviève de Rahm


Neuchâtel

«D’habitude on range, aujourd’hui on dérange!»

C’est par un manifeste énonçant «Les dix raisons pour faire grève le 14 juin» que dans le canton de Neuchâtel toutes les femmes ont été invitées à participer personnellement à cette mobilisation. Adressé aux Suissesses comme aux immigrées – salariées, chômeuses, femmes au foyer – ce manifeste rappelait que, selon l’UNICEF en 1989, «les femmes accomplissent les 2/3 des heures de travail, mais ne reçoivent qu’un dixième des salaires et ne possèdent pas un centième des biens mondiaux».

Le manifeste pointait non seulement les inégalités dans le monde du travail, mais dénonçait aussi le partage inégal des tâches à la maison, le harcèlement et les violences à l’encontre des femmes. Largement diffusé au cours du mois de mai par les collectifs de préparation de la grève des femmes et publié sur une page entière dans les médias locaux, ce manifeste formulait des revendications précises pour changer cette situation inacceptable. Avec l’aide des syndicats, le comité de préparation de la grève des femmes du 14 juin avait aussi distribué des tracts spécifiques dans le secteur hospitalier et dans les lieux de formation, aux vendeuses et aux travailleuses dans l’horlogerie et la métallurgie. Des recommandations et revendications précises ont aussi été adressées dès le 8 mars à plusieurs entreprises du secteur privé comme au secteur public pour exiger une concrétisation du principe de l’égalité entre femmes et hommes inscrit dans la Constitution dix ans plus tôt. Un programme culturel spécial, organisé dans plusieurs cinémas et théâtres entre le 10 et le 20 juin, témoignait de la diversité des solidarités mises en place pour que l’article constitutionnel garantissant l’égalité entre femmes et hommes au travail, dans la formation et dans la famille, voté le 14 juin 1981, ne reste pas lettre morte.

En dépit de menaces – comme celle de la Direction générale de l’Express/Impartial qui, par une circulaire datée du 23 mai 1991, avertissait les employées qu’«un arrêt du travail ou toute autre action génératrice de perturbation constituerait une violation de la garantie de la paix du travail […]» et qui précisait que «le temps perdu sera déduit du salaire, sous réserve d’autres mesures» – des milliers de femmes ont participé sous toutes sortes de formes à la grève du 14 juin, tant dans le Haut du canton que sur le Littoral et au Val-de-Travers. Une mobilisation d’une ampleur qui a surpris tout le monde, y compris le comité neuchâtelois de préparation à la grève des femmes qui regroupait des féministes individuelles et des déléguées issues de 16 associations, syndicats et partis politiques de gauche.

À 9 heures, les cloches ont sonné dans tout le canton pendant dix minutes donnant ainsi un signal fort: femmes bras croisés, le canton reste immobilisé! À Marin, plus de 50 ouvrières sont sorties à 9 heures sur le parvis d’EM-Microelectronic et ont longuement prolongé leur pause en se regroupant devant l’usine. «C’est une victoire» s’est réjoui une ouvrière espagnole au chômage partiel, venue rejoindre ses collègues dans l’espoir qu’elles affrontent l’interdit. «On travaille à double, au boulot et à la maison, et on ne gagne jamais autant qu’un homme.» D’abord refusée par la direction, cette grève a fini par être tolérée. La FTMH (le syndicat de la métallurgie et de l’horlogerie), elle, a offert une rose à chaque ouvrière qui avait osé faire le pas.

À La Chaux-de-Fonds et au Locle, où une équipe de Temps Présent avait décidé de suivre pendant dix jours les préparatifs de cette grève, des ouvrières en ont profité pour demander devant la caméra à leur patron si, pour un travail de valeur égale, elles bénéficiaient toutes du même salaire que les hommes. Empoignant le téléphone, le directeur du groupe Dixi a demandé au chef d’atelier si les régleuses qui gagnaient environ 10% de moins que les régleurs faisaient ou non le même travail que leurs collègues masculins. C’était le cas pour cinq d’entre elles. Le patron s’est du coup engagé à réparer cette injustice: «D’ici à l’automne, nous allons réajuster le salaire de ces cinq employées», a-t-il promis, tout en précisant que les autres ouvrières (environ 240) n’étaient pas concernées.

À l’hôpital de Perreux, les directeurs, chefs de clinique et chefs de service ont offert le café aux employées durant une pause prolongée. Au Château, c’est un apéro qui a été servi à plus de 200 personnes, mais les conseillers d’État qui y ont participé, «y ont bu, mais s’y sont tus… », lisait-on le lendemain dans L’Impartial. Par des blocages de l’entrée des grands magasins, les grévistes ont libéré du temps et des espaces de parole pour les vendeuses, vêtues en fuchsia et arborant un badge pour revendiquer des hausses salariales et le droit de s’asseoir. En solidarité avec les caissières et les vendeuses, des hommes portant le badge «les femmes bras croisés, le pays perd pied» ont momentanément remplacé leurs collègues dans plusieurs magasins. Dans les gymnases, les élèves ont été invités à voir un film avant d’être libérés pour pouvoir participer aux cortèges, repas, rencontres et débats organisés en plein air. Les élèves de l’École de commerce, qui n’avaient pas obtenu congé, sont venues en ville déguisées en ménagères. À Fleurier, cette journée a été marquée par un lâcher de ballons à 14h30 et une rose offerte aux participantes. Seilles, balais, torchons fuchsia accrochés aux fenêtres de nombreuses maisons rappelaient partout que ce jour-là, les femmes ne feraient pas le ménage.

Dans la nuit du 13 au 14 juin, plus de 50 rues avaient changé de nom, dont 31 pour la seule ville de La Chaux-de-Fonds. La Place de la Gare s’est muée en Place de la Jeune-Fille-au-Pair, l’Avenue Léopold-­Robert s’est transformée en Avenue de l’Horlogère-à-Domicile. À Neuchâtel, la Rue du Bassin a été rebaptisée Rue de l’Égalité. On y trouvait aussi la Rue des Vendeuses et la Rue des Belles Rebelles. À la place de la statue de la Fontaine de la Justice, fâcheusement brisée quelque temps avant, se trouvait un panneau «Des siècles d’inégalités + 10 ans? C’est trop, j’me tire».

Marianne Ebel


Assises romandes

«Vers une grève des femmes* le 14 juin 2019»

Samedi 2 juin, 150 femmes* se sont réunies à Lausanne. L’accueil a été enthousiaste. Les femmes* ont décidé d’ouvrir une année féministe avec l’objectif d’aboutir à une grève des femmes * le 14 juin 2019.

«Nous en avons assez! Nous ne sommes ni respectées, ni rémunérées selon les normes fixées par la loi. Dans la rue et au travail, le sexisme atteint nos vies, nos corps. Suissesses, immigrées, réfugiées, quels que soient la couleur de notre peau, notre orientation sexuelle, notre statut social et notre âge, nous sommes exposées à des violences et discriminées d’une manière ou d’une autre».

L’actualité montre que les autorités politiques traînent les pieds et cautionnent les injustices au lieu de sanctionner ceux et celles qui ne respectent pas les droits des femmes*. Le Conseil fédéral vient de mettre fin au programme d’encouragement des structures d’accueil extra-familial. Le Conseil des États a même raboté le projet de contrôle des salaires déjà largement insuffisant. Les priorités des femmes n’étant jamais les priorités politiques, nous avons décidé de passer à l’offensive.

En Suisse, nous n’avons que trop patienté, trop attendu, trop supporté. Nous avons décidé aujourd’hui de nous organiser pour faire respecter nos droits et montrer que lorsque les femmes* s’arrêtent, le monde s’arrête.

Nous appelons dès au­jour­d’hui, toutes les femmes* intéressées à rejoindre le mouvement.

Communiqué de presse, 2 Juin

Contact: grevefeministe@gmail.com