Les phases de développement de la crise écologique capitaliste - Première partie: des sociétés «primitives» à la révolution industrielle

Première partie: des sociétés «primitives» à la révolution industrielle

Nous reproduisons ici la première partie d’un essai de notre ami Daniel Tanuro, qui traite de l’histoire longue de la crise écologique capitaliste. Dans cette première partie, il aborde la période qui précède la révolution industrielle de la fin du 18e siècle. Nous publierons la seconde partie dans notre prochain numéro.

Homo sapiens, notre es­pèce, a pour nature de produire socialement sa propre existence. Elle le fait par le biais du travail, grâce auquel elle transforme en valeurs d’usage les ressources naturelles qu’elle ne consomme pas telles quelles. Médiation indispensable entre l’humanité et son environnement, ce travail est une activité consciente : son résultat préexiste dans le cerveau du producteur sous la forme d’un projet que le travailleur adapte au fur et à mesure de l’exécution, et dont il fait ensuite un bilan. Cette capacité de penser le travail a pour corollaires :

 

1. La recherche des moyens techniques et sociaux d’en accroître la productivité. 

2. La nécessité d’une communication et d’un apprentissage social?.

3. Le fait que chaque génération se hisse pour ainsi dire sur les épaules des précédentes – autrement dit le développement humain. 

 

Ces caractéristiques distinguent notre espèce des autres animaux sociaux tels que les fourmis, les abeilles ou les termites, dont le mode social de production est instinctif et ne se modifie par conséquent qu’au rythme de l’évolution biologique.

 

 

La Terre est-elle «malade de l’humanité»?

 

Le fait que la capacité de se développer soit un trait distinctif de l’espèce humaine a pour conséquence que celle-ci a inévitablement sur son environnement un impact à court terme supérieur à celui des autres animaux. C’est le cas même dans les sociétés les plus « primitives » de chasseurs-cueilleurs, car la production d’outils, de vêtements et de logements, même sommaires, nécessite évidemment de prélever, de transformer et de rejeter après usage des quantités de ressources naturelles qui excèdent les besoins physiologiques. 

Certains en concluent que la crise environnementale d’aujourd’hui n’est que la reproduction en plus grand et à l’échelle globale des crises environnementales locales du passé, l’aboutissement logique d’un « engrenage de la technique » qui va de la maîtrise du feu à celle de l’énergie atomique (en admettant que celle-ci soit « maîtrisée »), en passant par la domestication d’autres espèces animales et l’invention de l’agriculture. En d’autres termes, le progrès humain – quantitatif et qualitatif – serait inévitablement destructif.

Cette vision est popularisée depuis plusieurs décennies par de nombreux auteurs, comme Hans Jonas, Jacques Ellul ou, plus récemment, André Lebeau (voir la liste des références citées, en fin de dossier). Tous accusent « la technique » d’être responsable de la dégradation de l’environnement. Pour Ellul comme pour Lebeau, le « système technicien » qui existe depuis les premiers pas de l’humanité possède une logique propre et celle-ci est incompatible avec les limites naturelles. 

En réalité, « la technique » est ici considérée à un tel niveau d’abstraction et de généralité que, à travers elle, c’est Homo faber qui tend à être désigné comme une menace pour « la nature ». C’est pourquoi, en général, cette approche de la question écologique flirte peu ou prou avec la boutade de James Lovelock qui concluait son Hypothèse Gaïa en plaisantant sur le fait que la Terre serait «malade de l’humanité». Elle rejoint ainsi celle d’autres auteurs (les époux Ehrlich, Jared Diamond, Jean Dorst, par exemple) qui posent plus ou moins directement et explicitement l’accroissement de la population comme le moteur de la destruction du milieu. Rien d’étonnant dès lors à ce que quantité d’ouvrages verts consacrent Malthus comme le fondateur de l’écologie – en passant sous silence le fait que l’auteur du Principe de population se souciait de l’environnement comme un poisson d’une pomme.

En vérité, l’essentiel de la production intellectuelle contemporaine sur la question écologique charrie ce genre d’idées plus ou moins misanthropiques, qui ne sont pas sans similitudes avec le dogme du « péché originel ». Qu’ils fassent le procès de « la technique » ou celui de « la population », la plupart des ouvrages grand public ont en commun de faire abstraction des modes de production, des rapports sociaux et des lois de population qui en découlent. La conclusion commune de ces analyses anhistoriques est que l’humanité devrait faire une révolution culturelle afin de se contenir, de changer ses comportements, voire de renoncer au développement, dans le but de protéger « la nature », et de se protéger elle-même éventuellement.

 

 

Développement contre environnement?

 

Une révolution culturelle dans la vision des relations entre l’être humain et (le reste de) la nature est en effet nécessaire – on y reviendra – mais c’est pur idéalisme de croire qu’elle serait possible indépendamment des luttes sociales pour un bouleversement profond de la base économique de la société, car c’est de celle-ci que la culture découle en dernière instance. L’impasse du raisonnement est encore plus flagrante chez ceux qui dénoncent (à juste titre) l’idéologie de la domination humaine sur la nature… tout en estimant que l’être humain devrait dominer sa propre nature et en changer pour éviter la catastrophe environnementale ! On est là dans des contradictions inextricables dont les seules issues pratiques risquent d’être le soutien pragmatique au «capitalisme vert», ou le ralliement au despotisme éclairé des experts verts – prôné par Hans Jonas… ou les deux à la fois.

A l’encontre de ces conceptions essentialistes, on doit constater que les rapports entre le développement – technique et démographique – et l’environnement ne sont pas linéaires. Il n’est tout simplement pas vrai que tout progrès technique serait inévitablement synonyme de destruction environnementale. Prenons trois exemples : 

1. Il est probable que, dans certaines régions du monde, l’invention de l’agriculture a permis de soulager des écosystèmes stressés par des populations de chasseurs-cueilleurs qui utilisaient le feu comme technique de chasse. 

2. Au 15e siècle, en Europe occidentale, la hausse de la productivité agricole résultant de la découverte du fait que la jachère trisannuelle pouvait être abandonnée au profit d’une culture de légumineuses (parce que celles-ci fixent l’azote de l’air et constituent ainsi un « engrais vert ») a freiné la déforestation, l’érosion des sols et le pacage forestier des troupeaux. 

3. De nos jours, s’il est indiscutable que la solution de la crise écologique n’est pas avant tout technique et requiert une diminution de la production matérielle, elle passe néanmoins par une forme de développement?; en effet, éviter un basculement climatique grave, par exemple, nécessite la transition vers un système énergétique économe, basé exclusivement sur la mise en œuvre et l’amélioration des technologies de conversion des sources renouvelables.

 

De même, il n’est pas vrai qu’une population plus nombreuse entraînerait automatiquement une déforestation accrue, donc une érosion plus importante et la destruction des écosystèmes – comme l’affirme notamment Jared Diamond dans son best seller Effondrement

 

 

Une contrainte systémique

 

Dans un livre écrit plusieurs années auparavant, Ester Boserup avait déjà renversé la thèse de Malthus. Celui-ci soutenait que la population humaine augmente exponentiellement tandis que la productivité agricole ne progresse que linéairement. Or, Boserup a montré au contraire que la croissance démographique peut être nécessaire pour passer à des techniques agricoles plus intensives qui peuvent, à certaines conditions, améliorer durablement la fertilité des sols, donc la qualité de l’environnement. 

Mutatis mutandis, le raisonnement est encore valable aujourd’hui : en effet, une agriculture organique de proximité, la gestion d’un système énergétique renouvelable et décentralisé, la réforme écologique des villes et la restauration des écosystèmes nécessiteront une grande quantité de main-d’œuvre. Dès lors, la population que le capitalisme considère avec mépris comme « excédentaire » devrait, dans une autre logique, être considérée comme un atout pour une politique écologique.

Il ne s’agit pas d’opposer un schéma mécaniste optimiste à un autre, pessimiste, mais de voir que le développement humain et l’environnement entretiennent des relations dialectiques. La technique et la démographie jouent évidemment un rôle (personne ne prétendra que le doublement de la population au cours des trente dernières années n’a eu aucun impact écologique !), mais la manière dont elles influent sur les équilibres environnementaux dépend des rapports sociaux que les êtres humains nouent dans la production. Certains exemples donnés ci-dessous le montrent :

 

Pourquoi la transition vers les énergies renouvelables reste-t-elle marginale alors que leur potentiel technique suffirait à couvrir plus de dix fois les besoins de l’humanité ? Parce que les ressources fossiles restent plus profitables pour le capital, que les industries qui en dépendent constituent le noyau dur d’un système techno-­industriel productiviste, et que les réserves non encore exploitées de pétrole, de charbon, de gaz figurent à l’actif du bilan des multinationales.

 

Pourquoi la population « excé­dentaire » n’est-elle pas employée à protéger et à restaurer les écosystèmes dans le sens d’une économie soutenable (au vrai sens du terme) ? Parce que ces « services à l’environnement » ne sont pas producteurs de valeur et que le capital a besoin en permanence d’une masse de chômeurs et de chômeuses pour faire pression sur les salaires et les allocations sociales.

 

Ce ne sont ni « la nature hu­maine » ni « la technique » qui expliquent les réponses données aujourd’hui à ces questions, mais les règles de fonctionnement du mode de production. Ce sont elles qui déterminent les rapports de la société avec son environnement et, en fin de compte, la perception culturelle de celui-ci. Pour comprendre la crise écologique contemporaine, il faut donc pénétrer dans la sphère de la production capitaliste.

 

 

Produire des utilités ou des marchandises?

 

D’une manière très générale, on distingue deux grands types de production sociale : la production de valeurs d’usage – autrement dit d’utilités – et la production de valeurs d’échange – autrement dit de marchandises. Le second type est caractéristique du capital en tant que rapport social. Dès le premier chapitre de l’ouvrage qu’il lui a consacré, Karl Marx pointe entre les deux une série de différences, dont l’une au moins est essentielle du point de vue écologique : alors que la production de valeurs d’usage a pour but la satisfaction d’un besoin, la production de valeurs d’échange a pour but la réalisation d’une plus-value qui prend la forme abstraite de la valeur, la forme argent. 

L’accumulation sous cette forme paraissant potentiellement illimitée, il en découle que la production de valeurs d’échange s’affranchit des limites des besoins humains existants. Cette différence contient en germe le formidable dynamisme productiviste du capital. Du coup, elle éclaire une nouveauté radicale de la crise écologique depuis deux siècles : dans les sociétés antérieures, les dégradations de l’environnement découlaient du sous-développement des forces productives?; sous le capitalisme, elles découlent de la tendance à la surproduction.

On peut, à la suite de Marx, approfondir la comparaison : le producteur de valeurs d’usage qui écoule ses excédents sur le marché vend pour acheter, l’argent ne sert que d’intermédiaire dans un genre de troc amélioré et le cycle économique s’arrête en fin de compte par l’acquisition d’un équivalent?; par contre, le producteur de valeurs d’échange achète pour vendre afin d’accumuler de l’argent qui lui servira à gagner plus d’argent en investissant dans un nouveau cycle – quitte à créer pour cela de nouveaux besoins. D’intermédiaire facilitant les échanges, l’argent devient ici levier et finalité de la production. Le capital est né. Somme d’argent qui court à la recherche d’une plus-value sous les coups de fouet de la concurrence, il est condamné, sous peine d’être écrasé, à grandir et à bouleverser constamment les techniques, les formes d’organisation et les besoins. 

Cette tendance à révolutionner sans arrêt la production et la consommation explique une deuxième nouveauté radicale de la crise écologique moderne : alors que le mécanisme des dégradations environnementales était globalement identique dans toutes les sociétés précapitalistes (déforestation abusive et érosion des sols), le capitalisme produit constamment des formes nouvelles, en élimine certaines en en créant d’autres, souvent plus graves. Il y a sans arrêt « du nouveau sous le soleil », comme dit John McNeil.

 

 

Privatiser les «communs»

 

Au risque de simplifier, on peut dire que l’épopée du capital moderne commence avec les enclosures, en Angleterre, dès la seconde moitié du Moyen-Age. Au cours de cette longue vague d’appropriation des terres, les seigneurs féodaux, ruinés par leurs guerres, chassent les paysans des « communs », y installent des moutons afin de fournir de la laine à l’industrie drapière naissante, et exploitent les forêts à leur profit en vendant du bois aux villes et à la construction navale. Commencé dès le 12e siècle, ce processus se déploie surtout du 15e au 18e. Avec un triple résultat : l’apparition d’une masse de pauvres sans feu ni lieu – les futurs prolétaires – l’amorce de la transformation des ressources naturelles en marchandises et une accumulation d’argent entre les mains de la classe dominante. 

Par la suite, la transformation des « communs » en propriété privée gagnera le reste de l’Europe et du monde, sous différentes formes. Sans cela, le capitalisme n’aurait tout simplement pas pu se développer. Car une chose est indiscutable : s’ils n’y avaient pas été obligés par leur séparation brutale d’avec la terre nourricière, jamais les producteurs ne se seraient résignés à vendre leur force de travail contre des salaires de misère, d’abord dans les champs, ensuite dans des usines ou des mines casernes, insalubres et dangereuses.

La dynamique capitaliste d’accumulation et de bouleversement constants pose évidemment la question des limites du développement sur une planète finie. Jusqu’où ira ce système de « destruction créatrice » ininterrompue ? J.S. Mill voulait croire que ses maîtres auraient la sagesse de le stabiliser au-delà d’un certain point. Balayant cette illusion, Marx répond avec justesse que le capital n’a «d’autre limite que le capital lui-même», ou encore «qu’il est la tendance sans borne et sans mesure à dépasser sa propre limite». En clair : il n’a pas de frontières, son accumulation se déploie d’emblée sur le marché mondial et elle ne s’arrêtera pas d’elle-même tant qu’il y aura de la main-d’œuvre à exploiter et des ressources à piller. Et de conclure par cette formule fameuse et prémonitoire : «le capital épuise les deux seules sources de toute richesse: la Terre et le travailleur». Il le fait à l’échelle planétaire, ce qui permet de saisir la troisième nouveauté de la crise écologique capitaliste : elle n’est plus locale, comme dans les autres sociétés, mais globale.

Ecrite il y a plus d’un siècle par un auteur que la plupart des Verts considèrent à tort comme productiviste, cette analyse est infiniment plus utile pour appréhender nos problèmes actuels que toutes les théories à la mode sur « l’engrenage technique » et la « nature humaine ». En dépit de certaines ambiguïtés, elle permet, on l’a vu, de comprendre pourquoi la crise écologique moderne commence brutalement au 19e siècle, de la distinguer de celles qui l’ont précédée et d’identifier les transformations socio-­économiques qui l’ont préparée au cours des siècles précédents. Elle permet aussi de retracer les différentes étapes qui nous ont amené dans l’impasse actuelle, et de saisir à travers celles-ci le lien indissoluble entre l’exploitation de la force de travail et le pillage des autres ressources naturelles. Ce dernier point est décisif, car il détermine la stratégie à déployer afin d’ouvrir une issue qui, pour être efficace, ne peut être que conjointement sociale et environnementale – autrement dit « écosocialiste ».

 

 

Mercantilisme, forêts et fourrures

 

Au cours de son développement, le capital a franchi une série de stades qui ont eu chacun un impact écologique particulier. Comme on le sait, le capital a d’abord existé sous ses formes marchande et financière. Avant la révolution industrielle, c’est-à-dire avant la formation du capitalisme proprement dit, les dégâts écologiques causés par le système mercantiliste ont été notamment la destruction des forêts et des populations d’animaux à fourrure. 

Dès le 16e siècle, il n’était pas rare que les seigneurs européens qui s’appropriaient les bois communaux tentent de se justifier au nom de la protection de la ressource, menacée selon eux par la propriété collective. En réalité, leurs professions de foi écologiques avant la lettre ne les ont pas empêchés de déboiser à un rythme tel que les autorités publiques, en France (Colbert) et en Angleterre, durent prendre des mesures de sauvegarde. Non par souci écologique mais parce que la disparition des massifs forestiers mettait en péril la construction navale et les premières industries utilisant le bois ou le charbon de bois.

Ne présentant pas pour les puissances de l’époque d’intérêt stratégique comparable à celui des arbres, les animaux à fourrure n’ont pas bénéficié du même genre de protection. Une série de données à ce sujet ont été rassemblées par J. B. Foster dans son ouvrage Vulnerable Planet. A la fin du 18e, la faune sibérienne avait été à ce point éradiquée que les chasseurs russes durent déplacer leurs activités vers les îles septentrionales de l’Océan Pacifique, où ils décimèrent 250 000 loutres de mer en quarante ans. La faune d’Amérique du Nord paya aussi un lourd tribut : castors, loutres, ratons laveurs, ours, martres, loups furent traqués sans retenue pour finir en descente de lit ou en manteaux, et remplir l’escarcelle des commerçants. Dix à quinze millions de castors auraient été tués au cours du seul 17e siècle.

 

 

Sucre, esclavage et usure des sols

 

Une autre cause de destruction écologique du mercantilisme fut la ruée sur le sucre de canne. Un cas intéressant parce qu’il souligne combien l’exploitation de la force de travail et celle des autres ressources naturelles vont de pair sous le capitalisme. La canne fut en effet la première monoculture tropicale destinée à l’exportation vers l’Europe. Un système de production basé sur le travail servile existait à Madère et aux Canaries dès le 15e siècle. Christophe Colomb voulut le reproduire à Hispaniola, dans les Caraïbes. Moins de 30 ans plus tard, les Amérindiens étaient décimés par des maladies importées et des conditions de travail effroyables. La traite des Noirs commença.

La surexploitation féroce des millions d’hommes et de femmes victimes du commerce triangulaire a été suffisamment décrite pour ne pas y revenir. Les conséquences écologiques de l’avidité des planteurs sont moins connues. Eduardo Galeano en brosse un tableau saisissant : «Le sucre a détruit le nord-est du Brésil. Cette région de forêt tropicale a été transformée en savane. Naturellement propice à la production alimentaire, elle est devenue région de famine. Là où tout avait poussé avec exubérance, le latifundio destructeur et dominateur ne laissa que roc stérile, sol lessivé, terres érodées. (…) Le feu utilisé afin de nettoyer le terrain pour les champs de canne dévasta la faune en même temps que la flore: le cerf, le sanglier, le tapir, le lapin, le paca et le tatou disparurent. Tout fut sacrifié sur l’autel de la monoculture de la canne.»

Mais les riches aussi ont leurs problèmes. Une contradiction du capital marchand et du capital financier résidait en ceci que les intérêts versés sur les prêts aux expéditions lointaines ainsi que la vente de marchandises acquises à bas prix (grâce à l’exploitation du travail, à la spoliation des peuples conquis et au pillage des ressources) faisaient couler dans les métropoles des flots de numéraire excédant largement les possibilités de la production de valeurs d’échange industrielle ou agricole, marginale à l’époque. Tout le 16e siècle connut par conséquent une inflation importante. Elle ne diminua sérieusement que lorsque de plus grandes quantités de capital argent désertèrent le commerce et la banque pour s’investir dans l’industrie et/ou dans la grande agriculture industrialisée.

C’est ainsi que s’amorça l’évolution qui allait déboucher 150 ans plus tard sur la Révolution industrielle. Les quelques manufactures cédèrent la place à des fabriques de plus en plus nombreuses au sein desquelles des masses d’ouvriers dépossédés de leur savoir d’artisan ou de paysan servaient des machines mues par la vapeur. L’énergie provenait de la combustion de la houille. Rendu possible par la productivité de l’agriculture capitaliste, ce tournant brusque marque véritablement l’entrée dans la crise écologique capitaliste moderne. 7

 

Daniel Tanuro

Intertitres de notre rédaction

 

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Références citées

Ester Boserup, Évolution agraire et pression démographique, trad. française de 1970, 224 p., coll. Nouvelle bibliothèque scientifique, Flammarion.

Jean-Paul Deléage, Daniel Hémery et Jean-Claude Debeir, Les servitudes de la puissance, Flammarion, 1992.

Jared Diamond, Collapse. How Societies Choose to Fail or to Survive, Penguin books, 2005.

Jean Dorst, Avant que nature meure, Delachaux et Niestlé, 1965.

Paul et Anne Ehrlich, The population bomb, Buccaneer books, 1968.

Jacques Ellul, Le Système technicien, Calmann-Lévy, 1977.

Eduardo Galeano, Les veines ouvertes de l’Amérique latine, Plon, 1981.

Hans Jonas, Le principe responsabilité, Poche, 1999.

Joel Kovel et Michaël Löwy, Manifeste écosocialiste, 2001, europe-solidaire.org

André Lebeau, L’engrenage de la technique, Gallimard, 2005.

James Lovelock, La Terre est un être vivant, l’hypothèse Gaïa, Flammarion, 1999.

Marcel Mazoyer et Laurence Roudart, Histoire des agricultures du monde. Du néolithique à la crise Contemporaine, Seuil, 1997.

John McNeil, Du nouveau sous le soleil. Une histoire de l’environnement au XXe siècle, Champ Vallon, 2010.