Fédération de Russie

Fédération de Russie : Vers un nouveau «procès de Moscou»

L’expression « Procès de Moscou » fait référence aux procès truqués qui permirent à la dictature stalinienne d’éliminer toute la vieille garde bolchévique. C’est donc un mélange de répression féroce et de caricature de justice. Le texte d’Ilya Boudraïtskis montre comment Poutine et son homme de main Medvedev préparent une répétition juste un peu moins assassine de ce grand spectacle répressif. L’objectif est de paralyser toute forme d’expression politique autonome. Ce fut déjà le cas lors de la répression qui s’abattit sur le mouvement luttant contre le saccage de la forêt protégée de Khimki, près de Moscou, ce pourrait être le cas à Voronej, où Glencore s’apprête à massacrer une région entière. Dans toutes ces situations, l’isolement international des militant·e·s russes est une arme pour Poutine. Sachons l’en priver.

Cela fait tout juste un an que le compte à rebours du troisième mandat de Vladimir Poutine a commencé. Le 7 mai 2012, le cortège présidentiel s’est rendu au Kremlin en traversant les rues inhabituellement vides du centre de Moscou, cerné par la police. Cette étrange cérémonie avait été précédée de plusieurs mois de protestations massives qui ont mis fin à la «stabilité» politique présentée par le régime comme une de ses plus grandes réalisations. 

La manifestation qui avait réuni des milliers de personnes à Moscou le 6 mai, veille de l’inauguration du mandat de Poutine, constituait une des actions les plus larges. Elle s’est terminée par une confrontation avec la police, inédite par son ampleur et sa durée. Au moyen d’une provocation évidente de la police, le caractère non violent du mouvement, sur lequel avait tant insisté la frange libérale de ses leaders, a été remis en question de manière à faire de l’ensemble des milliers de par­ti­cipant·e·s à la manifestation les potentiels accusés de l’action pénale sur les «troubles massifs de l’ordre public» qui a été ouverte par la suite. Cette affaire, dans le cadre de laquelle, un an plus tard, des dizaines d’ac­cusé·e·s risquent d’écoper de peines d’emprisonnement prolongées, alors que des dizaines d’autres continuent de subir perquisitions et arrestations, constituera (et constitue déjà) le plus grand procès politique dans l’histoire du régime actuel. 

Ce n’est pas d’un nouveau cas de violation des droits de l’homme dont il s’agit ni d’une tentative de la part des organes répressifs de briser et de soumettre certains individus proches du sommet de l’élite russe. « L’affaire du 6 mai » est d’une nature différente de celle des procès politiques symptomatiques de la « stabilité » poutinienne, tels ceux de M. Khodorkovski ou l’affaire Pussy Riot. Ce à quoi nous assistons aujourd’hui, c’est à la réponse ferme des autorités à la question du pouvoir, posée par les masses, sur les places moscovites en 2011 et 2012. Pratiquement, tout participant aux manifestations de l’année dernière est susceptible de se retrouver sur le banc des accusés. Et le procès à venir sera l’occasion de faire comprendre à toutes celles et ceux qui songent à s’engager dans une participation politique active que toute résistance est inutile et que le pouvoir est omnipotent.

A l’heure actuelle, de nombreux éditorialistes libéraux tentent d’établir un parallèle avec la terreur stalinienne. Bien qu’il soit impossible d’en comparer l’ampleur et la signification historique, les mécanismes par lesquels le pouvoir met en place ce procès politique ont en effet quelques points communs avec cette période sombre de notre histoire. « L’affaire du 6 mai » s’articule autour d’un scénario combinant la découverte d’un complot contre l’Etat, des vices de procédure, l’usage de la torture et une importante couverture de la part de la propagande officielle. Aujourd’hui, pour la gauche russe, il est d’une importance cruciale d’attirer l’attention internationale sur ces nouveaux « Procès de Moscou », mais aussi d’aider les camarades du monde entier à comprendre, au travers de cet exemple tragique, l’évolution répressive irrésistible du régime politique en place en Russie.

 

Que s’est-il passé le 6 mai?

 

Après que Vladimir Poutine s’est assuré un nouveau mandat présidentiel aux élections du 4 mars 2012, en recourant à la fois à une immense pression administrative exercée sur les électeurs et électrices, à des falsifications massives et à une rhétorique populiste mensongère, beaucoup pensaient que les mobilisations avaient perdu leur raison d’être. Les espoirs naïfs de milliers d’op­po­sant·e·s volontaires qui se sont engagés comme observateurs et observatrices des élections et pensaient mettre fin à la tricherie se sont brisés. Les deux actions qui ont eu lieu dans la foulée des élections, les 5 et 10 mars, ont vu le potentiel de mobilisation du mouvement se tarir par rapport aux mois précédents. Les prises de parole des leaders de l’opposition libérale reflétaient bien la désorientation et l’absence d’un plan d’action. Quand, vers la mi-mai, le leader du Front de gauche, Sergueï Oudaltsov, a appelé à battre le pavé à la veille de l’entrée en fonction de Poutine, la plupart des observateurs et observatrices n’ont pas caché leur scepticisme. 

Le Front de gauche est une petite formation, apparue vers le milieu des années 2000. Elle regroupe aussi bien des ex-membres de groupes staliniens et post­stali­niens que des socialistes anti-­autoritaires. Elle a commencé à être connue du public au début de la contestation, en décembre 2011. Son succès était surtout dû à la figure de son leader, Sergueï Oudaltsov, un brillant orateur ayant participé à diverses actions à l’issue desquelles il se faisait presque systématiquement arrêter. À l’instar du populiste de droite Alexeï Navalny, il est devenu l’une des figures les plus populaires du mouvement. Cependant, Sergueï Oudaltsov a toujours fait l’objet de critiques au sein de la gauche russe : on l’a accusé de vouloir minimiser la question du socialisme dans ses interventions, d’avoir tendance à faire des compromis inutiles avec l’opposition libérale et d’avoir recours à des pratiques antidémocratiques et autoritaires au sein de son organisation. Presque toutes ces accusations sont justifiées. Cependant, dans la conscience des masses, Oudaltsov est non seulement un des leaders du mouvement d’opposition, mais il est également le seul représentant connu de son aile gauche. De cette manière, son appel à une nouvelle manifestation sous l’accroche «Marche des millions» a rencontré un certain écho auprès de la gauche, alors que les libéraux s’enfonçaient dans le pessimisme. 

Mais ce jour-là, contrairement à ce qu’annonçaient toutes les prévisions, plus de 60 000 personnes ont rejoint la manifestation. Alors que le cortège s’approchait du point de rassemblement, la police a provoqué les ma­ni­fes­tant·e·s en leur barrant l’accès à cette place. L’argument principal était que le nombre réel de parti­ci­pant·e·s à la manifestation dépassait de loin le nombre prévu, et que la place Bolotnaïa, où devait avoir lieu le meeting, ne pourrait les accueillir tous et toutes. C’est évidemment absurde : le 10 décembre 2011, cette immense place vide, en plein centre de Moscou, a accueilli le premier meeting « pour des élections justes », auquel ont participé près de 80 000 personnes, selon différentes estimations. Il était évident que la police cherchait un prétexte pour donner une leçon sévère au mouvement.

Tous ceux et celles qui ont voulu franchir le cordon policier se sont fait molester sans pitié et arrêter. Cette violence sans précédent de la part de la police a suscité la résistance d’une partie des ma­ni­fes­tant·e·s, qui ont tenté de s’opposer aux arrestations et décidé d’occuper la place tant que les personnes arrêtées ne seraient pas libérées. Selon les données officielles, près de 30 policiers ont été blessés au cours de la dispersion de la manifestation. Les confrontations du 6 mai ont duré quelques heures. À terme, près de 650 personnes ont été interpellées, et une partie d’entre elles ont passé la nuit au poste. 

 

 

Un mois de mai 2012 assez chaud

 

Le jour suivant, des milliers de contestataires sont de nouveau descendus dans les rues pour aller à la rencontre du cortège présidentiel. Dès le matin, le centre-ville était l’arène d’une opération policière de grande envergure pour nettoyer la voie empruntée par le président, non seulement des activistes, mais aussi des passants en général. La journée s’est de nouveau terminée par des postes de police pleins à craquer. Cependant, au cours des jours suivants, des centaines de personnes ont continué à descendre dans les rues, comptant bien venir à bout des forces de police et établir un lieu de contestation permanent sur l’une des places du centre-ville. Leurs espoirs ont été comblés, le soir du 9 mai, lorsque la police a abandonné la pratique des arrestations massives, certains de ses collaborateurs refusant de répondre à des ordres considérés comme insensés.

À partir de ce moment, et pendant près de deux semaines, un camp de protestataires a pu s’organiser sur l’un des boulevards du centre-ville. Le nombre de par­ti­ci­pant·e·s oscillait entre quelques centaines et quelques milliers de personnes. Quelques jours après l’établissement de ce camp, il était clair que la gauche radicale jouait un rôle important dans cette initiative. Ce sont les activistes du Mouvement socialiste de Russie (RSD) et les anarchistes qui ont lancé l’idée de tenir des assemblées réunissant tous les par­ti­ci­pant·e·s pour mettre en place des stratégies et régler la vie quotidienne du camp. L’endroit a été baptisé « Occupy Abaï », du nom du poète kazakh Abaï – le camp se trouvant au pied du monument à sa mémoire. Bien que ce camp ait été en fin de compte démonté par la police, ses deux semaines d’existence ont écrit l’une des pages les plus importantes de l’histoire des protestations moscovites. L’événement a mis en évidence tant la possibilité d’avoir recours à de nouvelles formes d’action politique, basées sur la démocratie directe, que la popularité croissante de la gauche radicale.

Parallèlement, les autorités ont annoncé l’ouverture d’une action pénale fondée sur l’article réprimant «l’organisation et la participation à des troubles massifs de l’ordre public». L’attaché de presse de Vladimir Poutine, Dmitri Peskov, a prononcé une déclaration agressive : «de mon point de vue, la police a été assez tendre. J’aurais voulu qu’elle y aille plus fort. Il ne s’agissait pas des provocateurs auxquels s’attendaient les autorités de Moscou».

 

 

Un grand procès politique

 

Dès le 27 mai, la première accusée pour «recours à la violence envers la police» e été une anarchiste de 19 ans, Alexandra Doukhanina, qui a été arrêtée. D’autres arrestations ont été effectuées au cours des mois d’été. Presque toutes les personnes appréhendées sont restées en détention préventive jusqu’à la fin de l’instruction, en dépit du fait que leurs avocats aient assuré que leurs client·e·s ne quitteraient pas la ville et ne présentaient pas un danger pour la société. Les dé­te­nu·e·s représentaient toute l’hétérogénéité du mouvement. On trouvait parmi eux des activistes de gauche, comme les anarchistes Doukhanine et Stepan Zimin, l’activiste du front de gauche Vladimir Akimenkov et le militant LGBT antifasciste Nikolaï Kavakzskiï. Il y avait également des re­pré­sen­tant·e·s de groupes d’extrême droite qui avaient pris part activement aux manifestations dès le départ, comme Rikhard Sobolev et Iaroslav Belousov. Cependant, parmi les ac­cu­sé·e·s, on trouvait surtout des « activistes civils », sans appartenance politique claire, dont l’expérience politique se limitait à quelques manifestations de masse. Il semblait par moment que l’instruction ciblait au hasard, visant des parti­ci­pant·e·s à l’une ou l’autre manifestation, de façon à créer une atmosphère de peur généralisée.

Pourtant, toutes ces arrestations étaient guidées par une logique. Dès le départ, près de 200 juges d’instruction de différentes régions du pays avaient été mis sur « l’affaire du 6 mai». Ils et elles étaient notamment chargés de mener une analyse détaillée des informations fournies par la vidéosurveillance sur les lieux des confrontations afin de démasquer les par­ti­ci­pant·e·s «ayant eu recours à la violence». Parallèlement, l’instruction était chargée d’une mission beaucoup plus ambitieuse : lier ces épisodes de façon logique en construisant le scénario d’une conspiration dans laquelle les mani­festant·e·s auraient été des marionnettes entre les mains habiles de supposés organisateurs et organisatrices. 

Sans précédent par son ampleur et par les ressources mobilisées pour la traiter, « l’affaire du 6 mai » a rassemblé toutes les structures répressives de la Russie de Poutine dans une symphonie parfaite. La police procédait à des arrestations inattendues de suspects, le FSB (Service fédéral de sécurité) et le Centre de lutte contre l’extrémisme utilisaient leurs bases de données relatives aux activistes politiques, tandis que l’instruction et que la mise en place du scénario du procès revenaient au Comité d’enquête (SK) de la Fédération de Russie. Cette structure, créée très récemment, joue un rôle de plus en plus important dans la vie politique du pays. Depuis le début de l’année 2011, le SK est une organisation complètement indépendante du Parquet général, chargée d’enquêter sur les affaires les plus retentissantes et les plus importantes. Il est dirigé par Alexandre Bastrykin, originaire de Saint-Pétersbourg et ami personnel de Vladimir Poutine, actuellement l’une des personnes les plus influentes de l’appareil d’Etat. « L’affaire du 6 mai » est de la plus haute importance pour Bastrykin et son organisation, puisque l’avenir du SK et l’accroissement de son budget dépendent de la réussite de cette opération.  

 

 

Anatomiïa Protesta l’anatomie de la contestation

 

Pour que le scénario du procès soit complet, il ne manquait plus que des commanditaires secrets. Ainsi, le 5 octobre 2012, l’une des principales chaînes de télévision russe, NTV, diffusait un film du type « document d’enquête » qui contenait des accusations fantasmagoriques à l’égard de l’opposition, notamment envers Sergueï Oudaltsov. Cette opération de propagande de qualité médiocre faisait état des liens qu’Oudaltsov aurait entretenus avec des services secrets étrangers. Par ailleurs, les activités du Front de gauche qu’il dirige étaient présentées comme des manigances de la part d’ennemis intérieurs du pays. En guise de preuve principale, le film contenait l’enregistrement d’une discussion à laquelle participaient Sergueï Oudaltsov, l’activiste du Front de gauche Léonid Razvojaev, le membre du Mouvement socialiste de Russie (RSD) Konstantin Lebedev et l’un des proches conseillers du président géorgien, Guivi Targamadzé. La discussion portait, entre autres choses, sur le transfert d’une importante somme d’argent de provenance géorgienne «pour la déstabilisation de la Russie»

En dépit du fait que les visages des protagonistes n’étaient pas visibles, et que la bande-son avait été de toute évidence ajoutée à la vidéo a posteriori, deux jours plus tard, le Comité d’enquête s’en servait pour ouvrir une action en justice. Konstantin Lebedev a ainsi été arrêté le 17 octobre, alors que Sergueï Oudaltsov était relâché à l’issue de son interrogatoire, après avoir signé un engagement de ne pas quitter la ville. Le 19 octobre, le troisième acteur de cette nouvelle « affaire », Léonid Razvojaev, tentait de déposer une demande d’asile politique auprès de la représentation de l’ONU en Ukraine. À peine était-il sorti de l’immeuble de cette représentation que des inconnus le jetaient violemment dans une voiture et lui faisaient traverser la frontière illégalement. Une fois en Russie, dans un lieu inconnu, il était soumis à la torture, ainsi qu’à des menaces à l’encontre de sa famille. On lui a même fait signer une « autodénonciation volontaire » et une déposition, selon laquelle il reconnaissait entretenir des liens avec des services secrets étrangers et préparer un soulèvement dont Konstantin Lebedev et Sergueï Oudaltsov étaient complices. 

 

 

Nouvelle attaque en 2013

 

A la fin de l’année dernière, l’instruction était donc en possession de tous les éléments nécessaires à la construction d’un procès politique bien étayé et de grande ampleur : les parti­cipant·e·s de base, mais surtout les di­ri­geant·e·s donnant les instructions, dépendant tous de services secrets étrangers. Dès lors que les contours de « l’affaire du 6 mai » étaient bien dessinés, les autorités pouvaient procéder à une nouvelle série d’arrestations. À l’heure actuelle, 27 personnes sont sur les bancs des accusés et la liste est toujours ouverte. La dernière arrestation, celle de l’activiste du Front de gauche Dmitri Roukavichnikov, a eu lieu le 2 avril. L’instruction promet de mettre un terme à l’enquête et de remettre l’affaire entre les mains du tribunal d’ici l’été, ce qui signifie qu’entre-temps, on peut s’attendre encore à d’autres arrestations. 

« L’affaire du 6 mai » a déjà entraîné son lot de drames humains. Ainsi, le 17 janvier 2013, après que sa demande d’asile a été refusée, l’un des suspects, Alexandre Dolmatov, s’est donné la mort dans un centre de déportation de Rotterdam. L’activiste Vladimir Akimenkov a une mauvaise vue depuis sa naissance, et cette situation n’a cessé d’empirer depuis qu’il se trouve en détention. Pour le moment, sa vision est réduite à 10 % pour un œil et à 20 % pour l’autre. Mais cela ne constitue pas, pour la Cour, une base suffisante pour transformer sa détention préventive en interdiction de quitter le territoire. Au cours d’une séance, les juges ont déclaré cyniquement qu’une telle concession ne pourrait lui être accordée qu’à condition qu’il soit complètement aveugle. Mikhaïl Kosenko, qui souffre de troubles psychiques, a demandé à passer de la détention préventive à une assignation à résidence. Mais l’instruction a jugé qu’il était « dangereux pour la société » et s’apprête à l’envoyer en traitement obligatoire.

Pour le moment, 16 des 27 ac­cu­sé·e·s se trouvent en détention. Cette pratique brutale a déjà poussé quelques activistes ne souhaitant pas être envoyés sur le banc des accusés à quitter la Russie et à demander l’asile politique dans d’autres pays. Parmi eux, on trouve le militant du Mouvement socialiste de Russie Philippe Dolbounov. Les «organisateurs et organisatrices» supposés sont aussi dans une situation difficile. Sergueï Oudaltsov a été assigné à résidence en mars, ce qui l’exclut pratiquement de la vie politique. Notre ancien camarade Konstantin Lebedev a trouvé un arrangement avec l’instruction et se trouve aussi assigné à résidence. Ce sont les déclarations de Léonid Razvojaev, obtenues sous la torture et qu’il a démenties par la suite, qui fonderont les accusations. 

« L’affaire du 6 mai » devrait jeter une ombre de plus sur l’ensemble du mouvement de contestation qui connaît, depuis l’automne de l’année dernière, un affaiblissement évident. La répression le pousse à reconnaître sa propre impuissance face à l’Etat. Malheureusement, la propagande agressive des médias progouvernementaux et les déclarations de certains accusés ont permis de jeter le discrédit sur le mouvement aux yeux d’une part importante de la population. Aujourd’hui, l’avenir politique du mouvement est étroitement lié à l’issue de ce sombre procès politique. 

D’un autre côté, il convient de relever le rôle actif joué par le « Comité du 6 mai », une organisation réunissant des activistes des droits de l’homme, de la gauche et du camp libéral, qui vient en aide aux dé­te­nu·e·s et leur fournit un soutien juridique en organisant régulièrement des actions qui visent à attirer l’attention de l’opinion publique sur toute cette affaire. Mais ce travail est largement insuffisant. Le manque d’attention internationale sur « l’affaire du 6 mai » se fait largement sentir. Dans ce contexte, les actions de solidarité initiées par la Quatrième Internationale et d’autres groupes de la gauche radicale européenne, en décembre 2012, constituent un point de départ important, auquel il est essentiel de donner suite.

 

Ilya Boudraïtskis *

Traduit du russe par Matilde Dugaucquier.

 

* Membre fondateur du Mouvement socialiste de Russie (MSR), qui résulte de la fusion, en mars 2011, de la « Ligue socialiste Vperiod » (en avant), section de la Quatrième internationale en Russie, avec le mouvement « Socialiste résistance ». Le MSR est aujourd’hui l’une des organisations politiques les plus directement visées par la répression.

  


Appel pour la journée de solidarité internationale

 

Sauvons les terres fertiles russes du Voronej contre l’exploitation minière du nickel par Glencore!

 

Dans le cadre de la journée internationale de la terre nourricière, le mouvement russe «Pour la défense du Khoper», parc naturel de Russie centrale dans la région du Voronej, organise le 21 avril une journée de solidarité internationale contre le projet dévastateur d’exploitation du nickel, au détriment des terres noires particulièrement fertiles de cette zone agricole.  

Le dangereux projet d’extraction minière du cuivre et nickel dans la zone très fertile du Voronej a été décidé par le Gouvernement de la Fédération de Russie, signé par Vladimir Poutine en décembre 2011, alors qu’à l’ère soviétique, connaissant déjà ces gisements, les autorités avaient renoncé en 1977 à leur exploitation. L’exceptionnelle qualité de ces terres noires agricoles et la proximité des parcs naturels avaient motivé ce choix.

Au contraire, le gouvernement Poutine a décidé de ne plus considérer cette zone comme agricole, cédant aux intérêts de l’industrie minière, bafouant la Constitution et foulant aux pieds la consultation démocratique. Le géant Norilsk, exploitant le nickel en Sibérie, a laissé ce projet aux mains d’Ural Metal and Mining Company (UGMK), mais après de nombreuses irrégularités, le «concours» a été remporté par le combinat de Mednogorski, usine de cuivre et de souffre (MCSP) avec le soutien financier de Glencore international AG, en absence de mesures de protection de l’environnement, pourtant prévues dans le protocole du dit concours! Les autorisations pour les premières explorations et évaluations ont déjà été données et elles débuteront cette année.

Les habitants des territoires autour du site se sont progressivement mobilisés, à la suite des appels de Ecologia 21 et de Savekhoper, pour aboutir à une manifestation de 10’000 personnes à Borissoglebsk le 4 juin 2012. Depuis lors, les opposants au projet rencontrent une répression féroce, dans le silence médiatique russe. Le WWF et Greenpeace soutiennent cette résistance.

En effet, tout l’hydrosystème de la région serait endommagé, tant les nappes phréatiques que la rivière Khoper, affluant important du Don, avec de graves répercussions sur le bassin de la mer d’Azov. D’autre part, les parcs naturels sont une réserve pour plusieurs espèces en voie de disparition et des forêts de chênes pluricentenaires, certains vieux de 500 ans, sont aussi menacées. Mais l’enjeu social pour l’avenir des travailleurs agricoles de cette région est primordial: un déplacement de population sera inévitable avec un tel projet minier, mettant au chômage toutes les forces actives de la région.

A l’occasion du récent sommet mondial des sociétés de trading à Lausanne, et de la mobilisation contre ces pirates, pilleurs, pollueurs et affameurs, des contacts ont été établis avec des militants russes de la région concernée. Nous devons poursuivre la lutte contre l’accaparement des terres agricoles, contre les projets extractivistes destructeurs de l’environnement, menaçant la santé et l’avenir de populations entières, et contre les intérêts des multinationales comme Glencore, dont le seul but est le profit.

Nous appelons donc à la solidarité avec la mobilisation des habitants du Voronej le dimanche 21 avril; rendez-vous sur la Place des Nations à 14 h.

 

Groupe écosocialiste de solidaritéS