S’en prendre aux chômeurs c’est s’attaquer a tous les travailleurs

S’en prendre aux chômeurs c’est s’attaquer a tous les travailleurs


Le 18 juillet dernier, 69000 signatures à l’appui du référendum contre la révision de la Loi sur le chômage (LACI) étaient déposées à Berne! La date du vote était déjà fixée au 24 novembre prochain et le gouvernement, comme les patrons, annonçait sa détermination à faire passer – coûte que coûte – la révision combattue.



C’est pour le 15 août déjà que la Chancellerie réclamait le texte des référendaires destiné à la brochure qui sera adressée aux électeurs-trices en novembre.



La Coordination genevoise contre le chômage et la précarité a proposé – dans ce cadre – le texte que nous publions ci-dessous, volontairement plus long que la portion congrue de 2250 signes, attribué par la Chancellerie. S’il combat bien sur les péjorations entraînées par la révision, ce texte est aussi critique par rapport à l’assurance-chômage en général, notamment quant à son rôle de précarisation de l’emploi de tous les travailleurs. Il critique en outre les réductions de recettes de l’assurance-chômage entérinées par la révision…



L’USS n’en a pas voulu et a insisté pour le maintien d’un texte présentant une vision bien plus idyllique d’une assurance chômage «ayant fait ses preuves» et mettant en avant la baisse programmée pour 2004 des recettes de l’assurance, avec la loi actuelle déjà, comme un facteur sur lequel s’appuyer pour s’opposer à la révision…



Le débat sur ces questions n’est évidement pas clos. Nous y reviendrons. En attendant, signalons que pour démarrer la campagne en vue du vote, une manifestation suivie d’une fête aura lieu à La Chaux-de-Fonds vendredi 27 septembre, date anniversaire de notre victoire de 1997, en votation populaire, contre l’AFU qui réduisait les indemnités des chômeurs-euses! (pv)



Pour adapter l´assurance chômage à la courte embellie économique de 2000-2001 et au meilleur fonctionnement des Offices régionaux de placement, le Parlement a redimensionné la loi sur l´assurance-chômage en limitant les prestations destinées aux personnes mises à l´écart du marché du travail. Mais, le Conseil fédéral a encore quelques idées de démantèlement comme la privatisation partielle de l´assurance-chômage. Cela impose d´autant plus de renvoyer ce premier train de mesures à son expéditeur afin d´empêcher ses effets contre les chômeurs et contre les travailleurs et afin de bloquer toutes velléités de déréglementation ultérieure.

L´Europe à géométrie variable


Très européen, le patronat helvétique justifie la réduction des prestations de chômage pour s´aligner sur les pratiques communautaires et éviter que des «sans-emploi» viennent bénéficier des bonnes prestations helvétiques. C´est oublier un peu vite que les indemnités de chômage ne sont pas exportables à l´étranger et que le «chômeur touriste» devrait donc rester en Suisse et se plier à la loi nationale.



De plus, toucher le chômage suisse implique d´y avoir travaillé, même un seul jour, les employeurs en sont donc pleinement responsables. On peut également s´étonner que les patrons suisses ne s´alignent pas sur l´Europe pour améliorer les protections légales contre les licenciements. La faillite de Swissair a bien montré que des plans sociaux autrement plus sérieux pour les ex-employés étaient arrachés ailleurs qu´en Suisse.



L´exemple de Swissair démontre d´ailleurs clairement qu´aucun travailleur n´est à l´abri. Déjà durant la crise des années 90, chacun a connu un ou des proches mis au chômage sacrifiés à la prétendue « efficience » du système économique. En outre, les annonces du Conseil fédéral justifiant la réduction du rendement des capitaux du 2e pilier par la mauvaise santé de la Bourse indiquent concrètement que des emplois vont passer à la trappe. D´ailleurs, entre mai 2001 et mai 2002, le chômage partiel a été multiplié par quinze!

Assurance miniprix pour miniprestations


Les autorités ont surtout taillé dans les prestations pour se contenter d´une assurance-chômage peu chère. Il leur importe donc d´éliminer statistiquement les chômeurs. C´est ainsi que les deux grandes mesures de cette révision provoquent leur exclusion partielle de l´assurance. A l´entrée, puisque la durée de cotisation ouvrant le droit aux prestations passera de six mois à douze mois. Puis lors d´une sortie «anticipée» de l´assurance par la réduction du nombre de jours indemnisés de 520 aujourd´hui à 400. Loin de créer une seul nouvelle place de travail, ce dispositif amènera les chômeurs en «fin de droit» six mois plus tôt à l´aide sociale cantonale ou communale. Aujourd´hui déjà avec 520 jours indemnisés, quelque 1500 chômeurs arrivent chaque mois en «fin de droit». Une réduction de la durée ne va évidemment pas améliorer cette situation.



Les autorités fédérales ont en outre décidé de réduire définitivement la cotisation ordinaire à 2% au lieu de 3%, ce qui coupe 1,9 milliard de francs dans les recettes. Elles ont abandonné aussi le prélèvement supplémentaire de 2% sur les hauts salaires – proportionnellement moins touchés par le chômage – occasionnant une autre perte de 270 millions de francs par année. Ces deux réductions représentent presque un tiers des recettes totales de l´assurance-chômage en 2001.

Machine à gommer les chômeurs…


Les autorités helvétiques ont calibré la révision de l´assurance-chômage pour 100 000 chômeurs en moyenne annuelle. Or, non seulement nous n´en sommes pas loin (90 705 chômeurs en juin), mais la définition statistique du chômeur «pur» est très restrictive. Il suffit d´être inscrit à un cours ou à un programme d´emplois temporaires, de bénéficier d´un gain intermédiaire durant le mois, d´être malade ou accidenté pour être considéré comme «demandeur d´emploi» . La réalité des chiffres change alors: cette catégorie compte 140 000 personnes en tout. Sans parler des 11 000 chômeurs partiels de mai 2002 dont la perte d´heures de travail totale équivaut à 3300 plein temps. Le nombre officiel de chômeurs ne reflète donc pas la réalité du manque d´emplois en Suisse. Par ses dispositions restrictives, la nouvelle assurance-chômage contribuera encore à gommer des chômeurs. L´obligation de cotiser douze mois avant de toucher le chômage imposera à de nombreux jeunes employés ou de femmes reprenant un emploi de rester dans leurs premiers «petits boulots» au moins un an. Leurs premières indemnités de chômage seront donc calculées sur des salaires vraiment minimaux.

…et à précariser l´emploi


Ainsi, la loi actuelle sur le chômage et sa révision n´agissent pas uniquement sur les chômeurs, mais aussi sur les travailleurs en emploi. Cette loi prescrit qu´en effet, un emploi dit convenable peut être payé jusqu´à 30% de moins que le salaire effectivement perdu par le chômeur. Cette disposition ne peut que raboter les salaires réels pour tendre à les ramener au niveau des salaires d´embauche minimaux. Or, réduire la durée du chômage de 120 jours revient à avancer d´autant l´échéance de la reprise d´un tel emploi «convenable»… La concurrence des chômeurs envers les travailleurs en place n´en sera que plus vive. La hausse du salaire net, promise grâce à la réduction de la cotisation paritaire de 3 à 2%, va donc s´envoler en fumée pour les salariés, mais le gain en pouvoir d´achat restera bien réelle pour les employeurs.



Ainsi, cette réduction des cotisations constituera un transfert de pouvoir d´achat des chômeurs, qui perdront un quart de leurs prestations financières, vers les employeurs, vers les hauts cadres bien payés et vers les salariés en emploi dans l´immédiat. Pour ces derniers toutefois, les mécanismes de dérégulation du marché du travail introduits dans la loi réduiront les salaires à long terme.



Le désengagement de la Confédération de la lutte contre les conséquences du chômage organise également un transfert de charges sur l´aide sociale des cantons et des communes et, plus directement, sur les familles pour leur faire prendre en charge les frais désormais plus couverts par l´assurance-chômage fédérale.



Enfin, d´autres petites modifications réduisent les droits des chômeurs et doivent être éliminées. Et les quelques améliorations prévues dans la révision, meilleurs couvertures des chômeuses qui accouchent, des chômeurs malades, accidentés et à très bas revenus, doivent être conservées.

(ms/nl 3.8.02)