Électricité-eau: votons pour le monopole public!

Électricité-eau: votons pour le monopole public!

L’initiative cantonale «Energie-Eau: notre affaire!» (IN-126), que solidaritéS a contribué à impulser, a abouti avec le soutien de toute la gauche, des verts, des syndicats (CGAS, SIT, SSP, Communication…), avec l’engagement des milieux antinucléaires (Coordination Energie, ContrAtom) et d’autres associations comme attac-GE notamment… Elle a recueilli plus de 12 000 signatures, déposées début mars 2005.

L’initiative confirme et explicite constitutionnellement le monopole de service public des Services Industriels de Genève (SIG) en matière d’électricité, d’eau et de gaz. Elle défend cette entreprise publique contre les velléités de marchandisation et de privatisation de prestations essentielles à la population. Elle vise à combattre les dégâts en matière de sécurité et de qualité de l’approvisionnement, d’emploi, d’écologie, de contrôle démocratique, que le «tout-au-marché» entraîne dans son sillage.

Cette initiative, au stade de sa validation formelle par le Grand Conseil genevois, s’est trouvée confrontée vendredi dernier à des manoeuvres particulièrement antidémocratiques de dernière minute de la droite néolibérale emmenée par le libéral Christian Luscher.

Tripatouillages
antidémocratiques

A signaler d’abord que le parlement genevois n’a pas respecté les délais légaux de publication des rapports sur la question et a traité ce sujet en «procédure d’urgence», violant le droit à être entendu des initiant-e-s. Puis, la manœuvre de splitting/invalidation de l’IN 126 s’est déroulée en s’appuyant sur trois arguments fallacieux:

1. Le prétendu «défaut d’unité de la matière» de l’IN 126, alors qu’elle pose une question simple: veut-on que les SIG conservent leur monopole de service public, actuel et historique, dans le domaine des «fluides» qu’ils distribuent.

La droite a plaidé que l’initiative «pourrait» être divisée en plusieurs parties, par rapport auxquelles les citoyen-ne-s «pourraient» vouloir se prononcer différemment. Argument qui s’applique à quasi tous les textes constitutionnels acceptés par le peuple à Genève depuis des années, qui devrait alors s’appliquer également à l’initiative la plus récente déposée… par le Parti libéral lui-même!

Il aurait pu s’appliquer aussi à l’une des dernières modifications constitutionnelles concernant les SIG, adoptée à la quasi-unanimité par le Grand Conseil et qui a fait l’objet d’un vote populaire en 1999. Ce projet prévoyait trois modifications distinctes, à l’art. 158 de la constitution, celui-là même que vise l’IN 126.

De plus, le rapporteur de majorité PDC a osé prétendre qu’il faudrait en la matière traiter de manière «plus rigoureuse» les projets «issus d’une initiative populaire» que ceux «proposés par l’autorité» ce qui est scandaleux. En démocratie directe, les auteurs d’un projet, qu’ils soient citoyen-ne-s rédigeant une initiative, ou Conseillers d’Etats appuyés par une équipe de fonctionnaires doivent être jugés à la même aune!

2. La prétendue «non conformité au droit supérieur» actuel du monopole public en matière électrique, alors que Fribourg, Vaud et Neuchâtel… ont édicté des dispositions légales, analogues et incontestées. Alors que la LME-bis aux Chambres n’a pas été adoptée, n’a pas encore même été débattue aux Etats, et sera contestée par un référendum fédéral annoncé, dont personne n’a le droit de préjuger l’issue, les projets néolibéraux ont été invoqués comme un «droit supérieur» par anticipation.

3. La prétendue «non conformité au droit supérieur» actuel du monopole public en matière de gaz, alors que les dispositions fédérales existantes, datant des années soixante, ne concernent pas le consommateur-trice final, usager-ère des SIG, mais seulement le transport de gaz dans les gazoducs à haute pression, et que les projets de libéralisation-privatisation du marché du gaz, la «Loi sur le marché du gaz» (LMG) ont été enterrés, après le refus populaire de la LME. Le Conseil fédéral a même renoncé à déposer son message à ce sujet, pourtant annoncé pour… 2001.

Electricité: ils n’ont pas osé!

Au final, deux de ces arguments ont seuls prévalu: l’imposition du «splitting» de l’initiative et l’invalidation de son volet «gaz». Ainsi, on se trouve face à deux initiatives «nouvelles» et séparées, qui devraient passer simultanément en votation. L’une confirmant le monopole électrique des SIG, l’autre confirmant leur monopole en matière d’eau.

Au moment où nous mettons sous presse, le Comité d’initiative doit encore se déterminer sur les suites qu’il entend donner à ce vote du parlement genevois. Sur le plan du droit, il y a matière bien sûr pour les initiant-e-s à un recours gagnant au Tribunal fédéral, les arguments de nos adversaires étant tout à fait «bidons», comme l’a d’ailleurs démontré avec brio le Conseiller d’Etat Cramer lors du débat parlementaire. A tel point que l’opération de la droite apparaît surtout comme une manœuvre dilatoire, visant à gagner du temps, en priant pour que les Chambres votent rapidement la libéralisation-privatisation électrique en chantier, en espérant aussi que le référendum fédéral qui lui sera opposé ne puisse bénéficier du «préavis» des citoyen-ne-s genevois sous forme d’appui populaire à notre initiative. Il faut savoir en effet qu’un recours au TF «suspend» les délais de traitement de l’initiative pour un temps indéterminé… Bref, il s’agit pour la droite d’éviter de donner, en temps utile, la parole aux citoyen-ne-s genevois.

Assez tardé, aux urnes!

Ainsi on peut penser que les initiant-e-s devraient accepter de ne pas recourir au TF et se battre pour un vote rapide, dès cet été, sur les deux initiatives «nouvelles» dont le parlement a «accouché», priorisant ainsi le fait de donner la parole aux citoyen-ne-s, sur le respect de l’intégrité de leur texte initial et se réservant de revenir ultérieurement sur la question du gaz.

Rien ne s’y oppose! Sur la question du monopole électrique, les débats ont eu lieu depuis des années, les avis et les fronts sont clairs. Sur la question du monopole en matière d’eau, il est aujourd’hui incontesté… Le Conseil d’Etat lui-même a d’ailleurs défendu l’idée d’un contre-projet à l’initiative portant exclusivement sur un monopole cantonal en matière d’approvisionnement et de distribution de l’eau. Mais en l’état de la décision du parlement, un tel contre-projet avec les délais supplémentaires qu’il peut induire lui aussi (jusqu’à un an) n’a plus de raison d’être, puisque le gouvernement et ceux qui le suivront peuvent «simplement» faire campagne en faveur du volet «eau» de l’IN 126…

Pierre VANEK