Services publics après deux ans de lutte...

Services publics après deux ans de lutte…

Décembre 2003. Le projet de budget 2004 est refusé par la majorité de droite du Parlement genevois. Celle-ci exige une réduction drastique du déficit sans proposer de nouvelles recettes. Le Cartel intersyndical du personnel de l’Etat et du secteur subventionné manifeste bruyamment son inquiétude sous les fenêtres du Grand Conseil.

Printemps 2004. Toujours pas de budget. Les douzièmes provisoires ne permettent pas la création des postes nécessaires. Sous l’impulsion du Cartel, l’assemblée du personnel décide de faire grève les 4 et 14 mai. A l’issue de ces mouvements, plus de 10 000 personnes défilent dans les rues et exigent du Conseil d’Etat: 1. l’ouverture immédiate de négociations avec le Cartel sur les conditions de travail et les prestations. (1ère rencontre le 18 mai); 2. un budget 2004 qui respecte les mécanismes salariaux et crée les postes nécessaires (résultat: mécanismes salariaux partiels, 80 postes de moins que demandé!); 3. le retrait du projet de loi visant la suppression du statut, ainsi que de celui qui supprimait l’indexation semestrielle (finalement votée); 4. le paiement des heures de grève (aucun geste ne sera fait dans ce sens).

Fin juin 2003. Un budget 2004 largement amendé à la baisse par la droite est finalement accepté. Le Cartel rencontre une délégation du Conseil d’Etat à cinq reprises jusqu’en août. Il réaffirme les éléments des résolutions du personnel et son refus de se laisser enfermer dans des projets tels Genève-pilote, projet de management de l’Etat, ou le plan financier quadriennal. Ce dernier fixe au budget des objectifs financiers qui ne permettent pas de restaurer les mécanismes salariaux ni de répondre à la question des effectifs. Lors de ces rencontres, selon le service des finances, l’application ­de ces mécanismes est chiffrée à 98 millions (celle des demi-mécanismes, comme en 2004, à 51 millions). On nous dit que la négociation est possible… 98 millions, c’est impossible mais, dans tous les cas, ce ne sera pas moins que les 51 millions. Quand le budget est déposé, même ce dernier montant, pourtant présenté comme minimum, ne sera pas respecté! Par ailleurs, on nous garantit que des négociations avec le Cartel autour du projet de budget 2006 démarreront rapidement.

Automne 2004. Semaine d’action des secteurs pour la défense des prestations, manifestations et assemblées, journée de grève, protestation. La mobilisation peine et la résignation commence à poindre.

Début 2005. Lancement d’une pétition du personnel s’opposant au projet de loi sur l’abolition du statut (PL 9275) et campagnes de signatures pour les référendums contre la péjoration des conditions d’aide sociale (personnes handicapées, bénéficiaires de l’assistance sociale, chômeurs-euses) et contre la privatisation rampante des TPG. Le 21 avril, le Cartel remet à la chancellerie plus de 15 000 signatures du personnel contre le PL 9275. Le 24 avril, les électeurs-trices refusent l’ensemble des lois anti-sociales. Le 26 avril seulement, l’ébauche d’une discussion sur le budget 2006 a lieu entre la délégation du Conseil d’Etat et le Cartel. Demande est faite que chaque partenaire établisse une grille de ses revendications ou propositions. Le Cartel présente onze revendications, qui touchent aux mécanismes salariaux, à l’emploi, aux conditions de salaire et de santé du personnel. Il maintient comme un strict minimum que soient accordés la pleine indexation, ainsi que le 0,75% non perçu sur l’augmentation du coût de la vie de 2004, et que les mécanismes salariaux soient appliqués (progression de l’annuité et de la prime de fidélité), même s’ils ne sont temporairement pas versés. Les subventions ne doivent pas être amputées et les effectifs rester en corrélation avec les besoins. Dans son attitude, le conseil d’Etat a régulièrement évoqué les difficultés financières du canton et le «principe de réalité», minimisant le rôle catastrophique joué par la réduction de l’imposition des grandes fortunes et bénéfices. Aucune nouvelle recette n’a été évoquée ni recherchée.

Fin août 2005. Très peu de choses sont accordées pour 2006. Très peu mais quoi? C’est par la Tribune de Genève , que le personnel apprend que les annuités et les primes de fidélité doivent être supprimées… Aucun démenti de ces affirmations ne sera fait par le gouvernement. La TdG insiste également sur le non-sens d’une loi sur les traitements, rarement appliquée, qu’il faudrait modifier. Face à ces nouvelles et graves attaques, le 2 septembre, l’assemblée des délégués du Cartel décide de quitter la séance de (non) négociations, puisque aucune ouverture n’est proposée, et qu’aucun compte n’est tenu des revendications du personnel. Les raisons d’une telle décision sont exposées à Madame Brunschwig Graf, qui promet de réagir dans la presse. Dans l’intervalle, elle tance le Cartel pour avoir quitté «sans raison» les négociations et refusé de collaborer à GE-Pilote.

Et maintenant… Doit-on vraiment servir de caution à une politique anti-sociale, qui diminue les prestations à la population, peine à prendre en main la question du chômage ou de l’assistance sociale, qui prétend résoudre la crise actuelle en favorisant les nantis et en ponctionnant le personnel de l’Etat? Doit-on vraiment préférer la politique du strapontin occupé par un sourd-muet à celle de la chaise vide? Notre vision de la fonction publique est très différente. Nous privilégions des services à la population qui préfèrent l’intégration professionnelle et sociale à l’assistance passive, qui favorisent le développement personnel et collectif et non la logique du profit, qui développent des savoirs et des savoir-faire dans un cadre solidaire, plutôt que la compétition effrénée et la «sélection des plus aptes». C’est pourquoi, nous appelons à une large mobilisation pour la défense de services au public, qui échappent à la logique marchande de la rentabilité économique. Nous ne reprendrons le cours des négociations que s’il y a quelque chose à négocier, mais ne fonctionnerons jamais comme chambre d’enregistrement. Une première étape de ce combat coïncide avec la journée nationale de défense des services publics, le 15 septembre, où nous nous rassemblerons devant l’Hôtel de Ville.

Andrée JELK PEILA