Chili

50 ans du coup d’État au Chili

À l’occasion des 50 ans du coup d’État perpétré au Chili, qui a renversé le président Salvador Allende et son gouvernement issu de l’Unité populaire, ouvrant une période de terreur, l’Association Chili Genève 1973–2023 a proposé à la population une grande variété de rendez-vous : expositions, conférences, films, théâtre, défilés, recueillements, concerts…

Une femme regarde les documents de l'exposition sur l'exil chilien en Suisse
Vue de l’exposition No Memorials, 50 ans de mémoires de l’exil chilien à Genève.

Le jour même du 11 septembre a été marqué notamment par plusieurs débats qui ont eu lieu à Uni-Mail, auxquels plusieurs d’entre nous ont pris part. Une table-ronde a eu lieu à midi, retransmise en direct sur librAdio. Le soir, un acte commémoratif a eu lieu dans l’auditoire au nom particulièrement approprié de l’étudiant suisse et chilien Alexei Jaccard (enlevé en 1977 en Argentine et emprisonné au Chili avant de « disparaître »). 

Si l’une des présentations a sur la fin pu contenir des aspects campistes, ce sont surtout les témoignages des invité·e·s et du public qui ont marqué. En effet, chacun·e se souvenait clairement de ce qui l’occupait ce 11 septembre 1973, au moment où les cris « golpe de estado » ont retenti à leurs oreilles. 

Celles et ceux qui, au Chili ou ailleurs dans le monde, ont vu leur vie basculer, leurs rêves et espoirs se briser en même temps que le palais de la Moneda tombait. Et celles et ceux qui ici ont manifesté et apporté leur soutien par des réseaux solidaires pour accueillir les exilé·e·s.

Et à côté des mort·e·s, des diparu·e·s et des emprisonné·e·s qu’on commémore toujours, cette fois-ci le peuple chilien exilé a pu avoir une place pour y déposer aussi son témoignage. L’exposition No Memorials, au travers d’objets divers, d’une performance artistique de Marisa Cornejo forte et de plusieurs archives, met en lumière les chemins de l’exil chilien, cet exil pour lequel il n’existe pas de plaques, de commémorations, de mémoriaux. 

Le devoir de mémoire est ainsi rempli, permettant également la poursuite des réflexions sur les impacts de la lutte chilienne sur les luttes d’aujourd’hui, 50 ans après.

Poursuivre le débat

À noter que la portée internationale du coup d’État de Pinochet et de ses complices chilien·ne·s et étasunien·ne·s, largement reconnue comme le début d’une phase d’affirmation ultra-violente de l’hégémonie néolibérale, fait qu’aujourd’hui les lectures se réclamant de l’expérience de l’Unité Populaire sont variées. Cela va des tendances d’un «réformisme radical» au sein de la social-démocratie à toutes les tendances anticapitalistes et révolutionnaires, parmi lesquelles certaines ne sont pas clairement anti-impérialistes. 

La poursuite du débat sur la question est donc non seulement nécessaire mais capitale, non seulement pour le Chili d’aujourd’hui toujours aux prises avec l’héritage de la dictature, mais pour le monde entier aussi.

Nous devons en effet approfondir un regard critique de cette expérience du «chemin vers le socialisme par la voie pacifique», de pourquoi elle a échoué, et quelles en sont les leçons. De nombreu·x·ses jeunes, chilien·ne·s ou non, étaient présent·e·s. Iels veulent comprendre le passé, pour construire au présent un outil d’émancipation sociale.  

La force du processus chilien réside dans les gens d’en bas, les sans-voix, qui sont devenus les protagonistes essentiels de cette révolution naissante, dont l’énergie créatrice, certes pleine de contradictions, a été stoppée par le coup d’État et surtout par la répression qui s’en est suivie.

Comme l’écrivait Franck Gaudichaud, en conclusion de son livre Chili 1970-1973. Mille jours qui ébranlèrent le monde : 

« Si l’Unité populaire continue à nous interpeller, c’est qu’elle raconte les difficultés immenses d’un changement radical de société et d’une démocratisation pleine et entière à tous les niveaux, qui puisse réconcilier émancipation et représentation, participation démocratique et appropriation sociale. La question de l’indépendance du mouvement ouvrier, celle de l’autonomie des mouvements sociaux, les relations parfois difficiles – mais à la fois nécessaires – entre espace protestataire et champ partisan, entre gauches sociales et gauches politiques, la place de l’État et son rôle, doivent apparaître au cœur des réflexions sur cette période. Ceci sans nous faire oublier que, dans un tel moment de polarisation, une élite menacée dans ses intérêts fondamentaux est capable de s’appuyer sur le terrorisme d’État et l’interventionnisme de puissances étrangères pour rétablir ses privilèges. »

Marie Leblanc-Rigal   Sébastien Bertrand

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Quelques références