Histoire

Histoire : 150 ans du 1er congrès de l'AIT

En septembre 1866 se tenait à Genève le premier congrès de l’Association Internationale des Travailleurs (AIT). Une promenade commentée des lieux de mémoire ouvrière et une soirée de réflexion ponctueront les commémorations. Entretien avec Patrick Auderset, coordinateur du Collège du travail qui a participé à l’organisation de ces manifestations.


Les congressistes devant la brasserie Treiber – Bibliothèque de Genève

Du 24 au 29 septembre prochain auront lieu plusieurs événements pour célébrer les 150 ans de la tenue à Genève du 1er congrès de l’AIT, quelle est la genèse de ce projet?

L’hiver dernier, à l’approche du 150e anniversaire du congrès de Genève, il est apparu indispensable de rappeler ce moment fondateur. Le centenaire, en 1966, avait donné lieu à un grand événement commémoratif dans l’ancien Palais des expositions, à Plainpalais, qui réunissait près de sept cents délégués syndicaux et les représentants des autorités municipales, cantonales et fédérales. Y participaient notamment le président du Conseil d’Etat genevois, André Chavanne, et le Conseiller fédéral Hans-Peter Tschudi, tous deux membres du Parti socialiste. Cinquante ans plus tard, le cadre sera plus modeste!

A l’initiative de Georges Tissot, ancien secrétaire syndical, quelques personnes issues du monde syndical et associatif se sont réunies afin d’organiser la commémoration des débuts genevois du mouvement ouvrier international. Elles ont reçu le soutien de la Communauté genevoise d’action syndicale, du Collège du travail, de l’Association pour l’étude de l’histoire du mouvement ouvrier, du Global Labour Institute et de l’Université ouvrière de Genève. Elles ont également pu compter sur la collaboration du mensuel d’histoire et d’archéologie Passé simple, qui consacre son dossier de septembre au congrès de Genève de l’AIT.

Comment ont été pensées ces manifestations? Quelle est leur articulation?

Nous voulions bien sûr faire mieux connaître les conditions de création de la Première Internationale et ses préoccupations initiales, notamment son souci d’une coordination internationale des organisations ouvrières pour faire face au patronat, le besoin de soutien et de solidarité en cas de grèves ou la place des femmes dans le mouvement ouvrier. Marc Vuilleumier et Marianne Enckell, spécialistes de l’histoire de l’AIT en Suisse, étaient les personnes idéales pour parler de ces questions.

Il semblait néanmoins essentiel de s’interroger également sur l’actualité du projet de l’AIT, en particulier sur le sens des valeurs d’internationalisme et de solidarité, tout comme sur les possibilités d’action et d’organisation dans un monde qui se globalise. Il paraissait dès lors nécessaire de sortir cette réflexion du cadre local et d’y associer des personnalités porteuses d’autres expériences syndicales et politiques: Bernard Thibault, ancien secrétaire général de la CGT française, qui vient de publier un livre intitulé La Troisième Guerre mondiale sera sociale dans lequel il s’interroge sur la manière de défendre les droits sociaux dans le monde actuel, et Julia Gousseva, militante de longue date des droits humains et sociaux, active au Centre Praxis de Moscou, qui apportera non seulement son expérience des luttes en Russie post-soviétique, mais aussi son éclairage sur le sens de l’internationalisme en Europe orientale aujourd’hui.

Par ailleurs, cette commémoration sera un moment propice pour s’intéresser, le 24 septembre, à travers une promenade commentée, aux traces laissées à Genève par l’AIT et plus généralement par le mouvement ouvrier. Du congrès de 1866 et des premières sections de l’AIT, il reste peu d’éléments visibles, si ce n’est la tombe de son principal animateur, Johann Philipp Becker (1809-1886), au cimetière St-Georges, et l’ancien Temple unique des Francs-maçons à Plainpalais, qui a abrité durant quelques années le siège de la Première Internationale, avant de devenir en 1873, après transformation, l’Eglise du Sacré-Cœur. Mais on pourra aussi (re)découvrir, lors de cette promenade, un certain nombre d’autres lieux associés à l’histoire ouvrière, dont certains sont devenus de véritables «lieux de mémoire», comme par exemple le monument aux victimes du 9 novembre 1932. Cultiver de la sorte la mémoire et l’histoire du mouvement ouvrier est en effet indispensable à la transmission des expériences du passé, ce qui permet d’éclairer utilement les luttes du présent et de l’avenir.

Propos recueillis par notre rédaction

POUR EN SAVOIR PLUS

  • Dossier «La Première Internationale. Genève au cœur du combat ouvrier», Passé simple, septembre 2016.
  • Marc Vuilleumier, Histoire et combats, mouvement ouvrier et socialisme en Suisse, 1864–1960, Editions d’en bas et Collège du travail, Genève et Lausanne, 2012.

SAMEDI 24 SEPTEMBRE
10 H – 13 H
LIEUX DE MÉMOIRES OUVRIÈRES, PROMENADE COMMENTÉE

Rendez-vous à l’entrée principale du cimetière Saint-Georges, vers les fleuristes (arrêt cimetière du bus 2). La promenade se termine dans le quartier de Plainpalais-Jonction. (En cas de mauvais temps, la promenade sera renvoyée d’une semaine au samedi suivant 1er octobre).

JEUDI 29 SEPTEMBRE
18 H 30 – 22 H 30
QUEL INTERNATIONALISME OUVRIER POUR LE XXI e SIÈCLE, CONFÉRENCE DÉBAT

  • Introduction historique par Marc Vuilleumier (l’AIT en Suisse) et Marianne Enckell (les femmes dans l’AIT) ;
  • Partie musicale: chansons ouvrières par les acteurs de la Comédie de Genève et partie apéritive ;
  • Bernard Thibault, ancien secrétaire général de la Confédération générale du travail française (CGT) et membre du Conseil d’administration de l’Organisation internationale du travail (OIT) ;
  • Julia Gousseva, militante des droits humains, collaboratrice au Centre d’éducation et de recherche «Praxis» de Moscou. UOG (Université ouvrière de Genève, 3 place des Grottes)