43 m2 et structures d'accueil se mettent à table avec les autorités cantonales

Une table ronde organisée par les autorités cantonales vaudoises sur la question du sans-abrisme et du mal logement s’est tenue à Lausanne à la mi-septembre. Le collectif 43m2 qui avait tenu un hébergement d’urgence autogéré 24/7 dans les jardins de la Haute école de travail social Lausanne (HETSL) témoigne.

Action de la fondationMère Sofia pour le logement des sans-abris à Lausanne
Action de la Fondation Mère Sofia à Lausanne, avril 2022

Au-delà de l’action directe, le collectif se mobilise pour adresser des revendications liées au droit au logement, sur le territoire cantonal – a minima. En effet, constatant le manque de ressources allouées aux dispositifs relatifs à la précarité sur le territoire, et plus particulièrement des dispositifs de l’hébergement d’urgence, 43m2 pointe du doigt les lourdes conséquences occasionnées ; d’une part une saturation du dispositif laissant des personnes à la rue et d’autre part une dégradation des conditions d’accueil dans les structures et des conditions de travail des travailleureuses sociaux·ales de première ligne.

La saturation du dispositif engendre notamment un racisme systémique dans la catégorisation du Bureau des Réservations (BR) définissant les ordres de priorité officiels dans l’accès à une place d’hébergement d’urgence. Ce système, à l’origine pensé pour garantir aux personnes les plus vulnérables un accès priorisé aux lits d’urgence, a pour conséquence – dans un système saturé – que les hommes noirs, les Roms et les personnes issues du Maghreb sont systématiquement exclues de l’accueil.

Mais 43 m2 déplore plus largement l’hypocrisie des autorités, qui appliquent une politique répressive et criminalisante à l’encontre des personnes dormant dans la rue. Ces dernières sont continuellement contrôlées, violentées et harcelées. En plus de ne pas garantir leur droit d’avoir un toit sur la tête, ces personnes sont donc rendues responsables et coupables de leur situation. Le collectif s’adresse aux autorités, communales et cantonales, pour demander sans délai l’arrêt de ces pratiques et la dépénalisation du « camping sauvage »

Campement autogéré à la HETSL

À la suite de la décision de la Ville de Lausanne de fermer plus de 160 places d’hébergement d’urgence à la fin de l’hiver (voir solidaritéS 405), le collectif 43 m2 a mis en place deux campements comme solution transitoire pour les personnes sans-abri. Cette action directe visait à dénoncer la « politique du thermomètre ». Le premier, au palais de Beaulieu, a immédiatement été évacué par un important dispositif policier. Le second, dans les jardins de la HETSL a pu être maintenu ouvert durant un mois, de juin à juillet, 24/7, hébergeant jusqu’à 60 personnes par nuit. 

En offrant la possibilité de rester sur place la journée, de cuisiner, de créer du lien. L’accueil de jour s’est révélé particulièrement apprécié, le camp se dressant alors comme un lieu de vie, ne renvoyant pas les personnes à la rue dès le matin. Ce fonctionnement est le seul qui permette l’auto-détermination des personnes concernées ainsi que leur pouvoir d’agir, contrairement à ce qui est possible au sein du dispositif existant, qui tend à les maintenir dans un statut d’assistance et de dépendance. 

Une table ronde, mais quelle suite ?

À la suite de nombreuses interventions politiques, dans la rue et dans les parlements, les autorités cantonales et communales ont proposé une mesure (vraiment ?) : l’organisation d’une table ronde réunissant les acteuricexs de terrain. Lors de cette journée, étaient présentes différentes structures d’accueil ainsi que plusieurs cadres des services sociaux du canton. Les collectifs Jean Dutoit et 43 m2 ont officieusement également été conviés. 

La table ronde s’est finalement révélée peu constructive, tout le monde se renvoyait la balle des responsabilités et aucune ligne transversale et commune n’a été consolidée en matière de logement, chacunex composant aléatoirement des solutions insuffisantes. Le seul consensus apparu lors de la table ronde : il n’y a aucune politique sociale claire en matière de logement, subsidiairement de logement d’urgence. 

Les collectifs et associations ont pourtant exigé de vive voix un courage politique : il est temps de réguler le marché privé, les gérances, agences immobilières et celleux qui spéculent sur ce marché. Les autorités agissent comme si la présence d’un marché privé et de bâtiments vides n’était pas de leur ressort. C’est lunaire. De son côté, la Ville a annoncé la volonté de créer des groupes de travail pour définir un plan d’action. Tandis que les associations et collectifs ont annoncé qu’ils ne lâcheraient pas la pression, tant que des mesures concrètes et efficaces ne seraient mises en œuvre. Le manque de ressources ne peut être brandi ad aeternam comme justification de l’inaction. 

Mila Luiz   Rima Clit   Mocar Zol