Transports publics de la région lausannoise

Transports publics de la région lausannoise : L'organisation démocratique d'une lutte

Une des clés de toute mobilisation syndicale réussie réside dans son organisation démocratique, seule à même d’établir un rapport de force permettant de repousser les assauts patronaux ou de relancer des revendications. C’est l’expérience faite par la section SEV des Transports publics de la région lausannoise, telle que nous la décrit son secrétaire syndical.

Le SEV est le syndicat des transports publics et a une forte implantation dans les entreprises de transport public du canton. Chaque entreprise dispose d’un bon réseau de militant·e·s. C’est particulièrement vrai aux Transports publics de la région lausannoise sa (tl). Un taux de syndicalisation d’environ 50 % pour l’ensemble de l’entreprise (1200 collaborateurs·trices), avec une forte présence dans les ateliers, une bonne représentation parmi les conducteurs et conductrices, malgré l’individualisation voulue par le métier pratiqué, et, comme partout, une présence très faible dans l’administration.

Dans les transports publics, il existe des conventions collectives de travail (CCT) depuis le début des années 2000 à la suite de la disparition du statut de fonctionnaire.

En 2014, nous en étions au 2e renouvellement, avec en tête les difficultés des négociations précédentes et l’acceptation pour le personnel hors conduite d’un système salarial mélangeant l’ancienneté et les compétences (sorte de mérite individuel). La stratégie de la direction de division des secteurs avait bien fonctionné, qui proposait une prime pour tous et l’acceptation de négociations pour le personnel hors conduite consacrant la part des augmentations annuelles relevant de la compétence (mérite). Cerise sur le gâteau, nous devions gérer la fusion des CCT tl et LEB, par suite de la reprise du personnel de la ligne de chemin de fer Lausanne-­Echallens-Bercher (LEB) par les tl.

Il était donc clair que nous ne parviendrions à atteindre nos objectifs qu’avec une mobilisation de nos membres.

 

 

Les revendications

Les revendications du personnel étaient: une revalorisation des salaires – suppression du mérite individuel ; une semaine de vacances supplémentaire pour tous en uniformisant le nombre de semaines de vacances pour tous les secteurs de l’entreprise ; reconnaissance de la polyvalence de certains collaborateurs.

L’objectif du comité de section et de la délégation de négociations dès avant le début des négociations est l’implication de l’ensemble des membres du syndicat. Cela a commencé par la construction d’un cahier de revendications lors d’assemblées générales. La délégation s’était également engagée à communiquer après chaque séance de négociations et surtout nous avions annoncé dès le début notre intention de soumettre le résultat des négociations à une votation écrite de chacun de nos membres. Les collègues du comité se proposaient de rencontrer régulièrement les salarié·e·s sur leur place de travail afin de les informer de l’état des négociations. Tous les deux à trois mois, des assemblées générales étaient organisées afin de prendre la température, discuter et valider les orientations que les négociateurs SEV devaient prendre.

 

 

Les négociations

Après six mois de négociations sur les éléments de peu d’importance, nous abordions la question centrale soit le système salarial. La direction de l’entreprise estimait que le système salarial avec progression à l’ancienneté était un système archaïque et qu’il était temps de récompenser les collaborateurs qui «contribuent à faire avancer l’entreprise» ; en clair, les augmentations futures seraient au mérite et seuls 3 salarié·e·s sur 10 pourraient en bénéficier chaque année. Le tout nappé de revalorisation des minimas et d’augmentation des plafonds. Ce qui devait permettre à la direction de gagner les plus jeunes et les anciens à sa cause.

La détermination de la délégation syndicale à refuser cette arnaque fut saluée par le personnel des tl-LEB qui s’engagea au côté du comité de section contre ce système. Plusieurs mobilisations sur la place publique, de nombreuses assemblées et une consultation écrite confortèrent la délégation syndicale dans son refus. Après 20 mois d’âpres négociations, une situation totalement bloquée, les délégations syndicales et patronales décidèrent de soumettre le résultat à leurs instances respectives. Malgré des avancées sur la question des vacances et la reconnaissance de la polyvalence pour les catégories de personnel concernées, le nouveau système salarial avec ses augmentations des minimas et maximas des classes, comportant cette fameuse part au mérite et une diminution de l’annuité à l’ancienneté fût balayé par 85 % des votants membres du syndicat avec un taux de participation de 75 %. Durant ces 20 mois, notre section syndicale a gagné en crédibilité auprès de ses membres et 90 employé·e·s ont rejoint notre syndicat durant l’année 2015. Ainsi, nous pouvons prétendre que ce travail de proximité sur le terrain avec nos collègues, à l’écoute et respectant le mandat de notre base a été payant.

Gustave Deghilage

 

Et demain?

Certes, nous avons repoussé une attaque frontale de la direction visant à détériorer les conditions salariales des employé·e·s tl-LEB. Avec notre refus du résultat des négociations, nos revendications sont restées lettre morte. Il s’agira de poursuivre et consolider le rapport de force nous permettant d’obtenir des négociations dans un nouveau cadre. Sans cesse, nos militants devront être sur le terrain, écouter et transmettre les demandes du personnel. A l’heure actuelle, la direction fait la sourde oreille. Sans aucun doute, la reprise de négociations passera par une mobilisation des salarié·e·s.

Christian Fankhauser

Secrétaire syndical SEV