26 nuances d'austérité

Un large front anti-austérité appelle à une manifestation le 28 septembre prochain contre les mesures prises dans le canton de Zürich. Le Conseil d’Etat prévoit en effet de couper 1,8 mia de francs jusqu’en 2019. Dans un exercice de tricotage rusé, son projet compte 125 petites mesures différentes, trop petites pour susciter une véritable opposition.

Pourtant, dans le secteur de l’éducation, chaque mesure supplémentaire est une mesure de trop. Dès l’annonce du budget, un front large avait appelé à une «journée de la formation» en janvier dernier. Y participèrent des associations de directeurs·trices d’écoles, les syndicats etc. Pourtant, c’est un comité issu de l’organisation semi-spontanée des lycéen·ne·s – soutenue par le SSP – qui entend reprendre le flambeau de la lutte en appelant à la manifestation du 28. Ailleurs en suisse, c’est également dans le secteur de l’éducation que la riposte est lancée. Les enseignant·e·s argoviens appellent quant à eux à un rassemblement de protestation le 8 novembre.

Austérité puissance 26

Quand les protestations commencent à faire le tour de la Suisse, leur raison, l’austérité, est bien présente dans la quasi-totalité des cantons de ce pays. Il s’agit d’un phénomène à l’échelon national, dont l’apparition subdivisée en cantons est uniquement une conséquence de la particularité du fédéralisme dans le système politique suisse. Cette division, qui fait éclater les résistances en 26 luttes séparées, doit impérativement être dépassée dans l’action des organisations politiques de gauche. Ceci peut commencer par l’envoi de délégations aux manifestations des collègues d’un autre canton, mais rien n’empêcherait les syndicats des enseignant·e·s zurichois d’organiser des mobilisations en commun avec l’Argovie. Ceci montrerait que la politique d’austérité est – à certaines nuances près – la même dans les deux cantons.

Cependant, les parallèles ne se limitent pas aux conséquences de la politique d’austérité. La raison de fond est la même: une bourgeoisie forcée de réagir à une situation de crise mondiale prolongée. Les capitalistes suisses se trouvent dos au mur: ou faire payer la crise par les masses, ou sacrifier leurs privilèges. Leur choix est évident. C‘est ainsi que s’explique l’orgie de baisse d’impôts (pour les sociétés et les riches) des deux dernières décennies. L’Etat suisse, du moins est-ce le rôle qu’il s’attribue, assure la compétitivité des entreprises (suisses) sur un marché international marqué par la stagnation et les phénomènes de surproduction. La RIE 3 est une continuation orthodoxe de cette politique. La mise en danger de leurs intérêts de classes expliquent le jusqu’au-boutisme des milieux bourgeois dans sa mise en pratique.

Tout résistance contre l’austérité reste aveugle si elle ignore les mécanismes à l’origine de cette politique. L’opposition aux budgets d’austérité est une opposition aux mécanismes de base du capitalisme. Nous devons faire naître cette conscience auprès des secteurs en lutte. Ce combat va nous accompagner durant les prochaines années, il faut commencer dès aujourd’hui à enraciner la résistance là où les conséquences se font directement ressentir: dans l’éducation auprès des élèves et des enseignant·e·s, dans la santé auprès du personnel soignant et des patient·e·s etc.

Le fait que l’étincelle de la manifestation du 28 septembre à Zurich soit venue d’un groupe de collégien·ne·s radicalisés par les effets de l’austérité dans leurs écoles n’est guère un hasard. A Genève également, les collégien·ne·s mobilisés ont donné du souffle aux manifestations de l’automne dernier. Comme le capitalisme crée infiniment de misère, il crée également une nouvelle génération de militant·e·s qui joueront, un jour, le rôle de fossoyeur de ce système exploiteur.

Caspar Oertli
Rédacteur de l’Etincelle