23 février

23 février : Un tsunami parcourt l'Espagne

En Espagne, le 28 février 1981, il y a eu une tentative de coup d’Etat avorté dirigé par une partie des appareils de l’Etat (Garde Civile, armée, services secrets et le silence complice de la monarchie dans les premiers moments…). En 2008, sans le bruit des tanks, ni des fusils, un nouveau coup d’Etat a eu lieu : cette fois il a réussi.

Ce coup d’Etat s’est produit simultanément dans d’autres pays, la Grèce, le Portugal, l’Italie. Il a été l’œuvre des repré­sentant·e·s de vieilles et vénérables familles : la Banque centrale européenne, le Fonds monétaire international et la Commission économique européenne. Ces trois familles aristocratiques sont les repré­sen­tantes des grands groupes financiers internationaux et des multinationales.

La bourgeoisie européenne veut dessiner un nouveau continent. Un continent où toute trace de service public (santé, éducation, etc.) soit mis aux oubliettes de l’histoire. La Grèce, en est le laboratoire.

 

«Tous à terre»

En Espagne, le chef du coup d’Etat raté, membre de la garde civile, Tejero, avait interrompu la session du parlement au cri de «Tous à terre»?; aujourd’hui les responsables de la Troika disent «Tous à genoux, sinon nous allons vous écraser». Ils veulent nous ramener au Moyen Âge. Le capitalisme est le seul système qui veut faire reculer le temps de 1000 ans en matière sociale.

La BCE en 2012 vient de gagner presque 600 millions d’euros de bénéfice sur les prêts octroyés à la Grèce. 600 millions d’euros de bénéfice sur la souffrance des enfants (qui s’évanouissent dans les cours d’école, parce qu’ils n’ont pas mangé de toute la journée). 600 millions de bénéfice sur le dos de la santé des femmes et des enfants qui doivent choisir entre se soigner ou s’alimenter. 600 millions de bénéfice sur le dos des re­trai­té·e·s qui se suicident parce qu’ils n’ont pas assez pour vivre.

En Espagne, comme dans d’autres pays peut-être, au coup d’Etat des finances, il faut ajouter celui de la corruption. Ce coup d’Etat ne fait pas le bruit des tanks, mais celui des enveloppes contenant de l’argent donné par les entreprises du bâtiment, de la pharmacie, des banques, de l’armement aux re­pré­sen­tant·e·s des deux partis majoritaires pour qu’ils privilégient leurs entreprises lors de contrats publics. En Espagne, la corruption est un sport dopé, à la tête duquel il y a la famille royale et la collaboration bienveillante des banquiers suisses.

 

Debout avec les indigné·e·s

Le 15 mai 2011 une marée sociale s’est mise debout, appelée les Indignés, elle a commencé en Espagne, mais ce Tsunami s’est propagé partout. 

Ce samedi 23 février dans plus de 50 villes d’Espagne mais aussi dans quelques villes d’Europe, comme à Genève, sous la bannière «contre la restriction budgétaire et pour la vraie démocratie» d’immenses manifestations ont eu lieu. Plus de 200 collectifs se sont mis ensemble pour construire cette marée de couleur arc-en-ciel. À Madrid, 4 colonnes de 5 couleurs différentes se sont avancées vers le centre de la capitale : le bleu des travail­leuses·eurs de la santé, le vert des en­seignant·e·s et des élèves, l’orange, couleur des travail­leuses·eurs sociaux, le jaune de la défense des bibliothèques, et le noir des régions minières. Avec eux, il y avait aussi, les derniers licenciés des entreprises et aussi le collectif très combatif contre les expulsions de ceux et celles qui, étranglés par les dettes, n’arrivent plus à payer leurs hypothèques.

La place Neptuno, lieu de rencontre finale n’avait pas assez d’espace pour accueillir cette marée humaine. Multicolore, multisociale, mais assez déterminée et qui criait : «Il faut défendre ce qui appartient à toutes et tous (éducation, santé, services publics). Ils veulent nous voler tout ce que nous avons conquis dans des années de lutte. Les restrictions budgétaires sont en train de ruiner le pays».

Cette manifestation était un test important pour le mouvement social espagnol pour montrer s’il avait encore la capacité de mobilisation. Il a réussi. Aux secteurs traditionnels de mobilisation s’en s’ont ajoutés d’autres. Le mouvement social sort renforcé de cette épreuve avec le projet de poursuivre le combat.

À Genève, à l’appel des Indignados Españoles et avec le soutien du CADTM, d’ATTAC-GE et de solidaritéS, une petite centaine de personnes s’est rassemblée samedi 23 février devant la banque Lombard Odier, pour demander la transparence, dénoncer la corruption en Espagne mais aussi la politique suisse qui essaye de limiter l’émigration des personnes fuyant la misère qui frappe leur pays et qui par contre ouvre grand les portes aux capitaux en fuite de ces mêmes pays. Nous avions choisi cette banque parce que, dans ses coffres, il y a l’argent de la corruption du responsable des finances du parti au pouvoir en Espagne et aussi du beau-fils du roi. Nous avons demandé l’abolition du secret bancaire et la restitution aux peuples de l’argent qui a été volé et qui dort dans les coffres bien remplis des banques helvétiques. Nous avons parodié la situation avec une performance théâtrale très animée. Ce fut un petit acte symbolique, mais grand au niveau de l’espoir et de la combativité. Notre patience a une limite ; nous allons continuer à marcher pour une société juste et humaine. 

 

Juan Tortosa