16 mars à Barcelone: la rue a parlé

16 mars à Barcelone: la rue a parlé


Le 16 mars dernier, plus de 300000 personnes ont manifesté à Barcelone contre le Sommet des chefs d’Etat de l’Union Européenne, centré sur la libéralisation de l’énergie, du fret ferroviaire, mais aussi du marché du travail, sans parler de la position européenne à la conférence de l’ONU à Monterrey sur le financement du développement. El Pais avait raison de titrer: «La capitale catalane a connu la plus importante manifestation en faveur d’une autre mondialisation».



Ce succès impressionnant a surpris même les plus optimistes, qui attendaient 50000, voire 100000 personnes, en raison du climat d’état de siège mis en scène par l’Etat espagnol (arrestations préventives, blocages aux frontières, psychose anti-terroriste et présence… d’avions de guerre). Il semble que la manif du 10 mars contre le Plan Hydrologique National, celle du 14 des syndicats majoritaires (en dépit du ton conciliant de leurs principaux dirigeants), de même que les actions décentralisées du 15, aient constitué des étapes crescendo pour le mobilisation1.

Le mouvement fait le plein

Le cortège était largement dominé par les banderoles et les slogans en catalan, dénotant une imposante mobilisation locale. On y relevait trois composantes : 5000 à 10000 nationalistes catalans et basques, une foule sensiblement égale autour du Forum Social de Barcelone, et la grande majorité autour de la «Campagne contre l’Europe du capital et la Guerre», qui ouvrait le cortège avec une rangée de militant-e-s «anonymes», pour éviter toute personnification.



Comme le rappelle Christophe Aguiton, «dès juin 2000, grâce aux contacts établis lors du sommet social de Genève et à la mobilisation de Prague, en septembre de la même année, le MRG – Movimiento de Resistencia Global – s’était constitué et des mobilisations très massives avaient eu lieu»2. En juin 2001, juste avant Gênes, la Banque Mondiale avait même décidé d’annuler une conférence dans la capitale catalane face à la menace d’une manifestation monstre.

Les chefs d’Etat libéralisent de plus belle

L’Union Européenne continue à s’accrocher de façon dogmatique au «Pacte de Stabilité et de Croissance», l’oeil fixé sur la limitation des déficits budgétaires, alors que la conjoncture marque des signes inquiétants de morosité. Comme le note G. Buster, d’Espacio Alternativo, «le Pacte de Stabilité et de Croissance et l’Euro sont les instruments d’une politique récessive qui sacrifie les places de travail, la compétitivité et la reprise industrielle à une politique néolibérale de re-structuration et de défense des intérêts financiers»3.



Sur le front social, les mesures annoncées sont sans ambiguïté: libéralisation accrue du marché du travail, relèvement progressif de l’âge de la retraite à 65 ans afin de garantir «l’équilibre financier» des systèmes de pension, déductions fiscales pour les entreprises offrant des postes de travail à bas salaires, encouragement de la prise en charge privée de la petite enfance, etc. Dans le domaine écologique, du vent… Et pour ce qui est du sous-développement, un objectif ultra-modeste pour 2006: de 0,33% du PNB pour l’aide publique et pas un mot sur la dette.



Sur le plan énergétique, la concurrence se fait de plus en plus dure entre les grandes compagnies des Etats membres, avec des sources d’approvisionnement différentes selon les cas: nucléaire en France, gaz importé de l’Est en Allemagne, etc. Résultat: une interconnection limitée, à hauteur de 10% pour 2005, avec ouverture des marchés à 60%, pour la seule consommation industrielle en 2004.


Juan TORTOSA

  1. «Hacia una nueva etapa en el movimiento contra la globalización neoliberal, la Europa del capital y la guerra!», Déclaration d’Espacio Alternativo, 22 mars 2002.
  2. Grain de sable, Courrier d’information francophone d’ATTAC, N°315, 18 mars 2002 (49515 abonnés!).
  3. «¡Mas Europa, Mas Barcelona!», G. Buster, 20 mars 2002.