15 novembre à Zurich: mobilisation alibi sans lendemain?

15 novembre à Zurich: mobilisation alibi sans lendemain?

Samedi 15 novembre, nous étions
quelques petits milliers – 3500 selon les organisateurs – à la
Paradeplatz zurichoise, haut-lieu de la finance helvétique, pour
participer à la manifestation de protestation convoquée
par Unia et l’USS, sous le mot d’ordre sommaire: «Les
arnaques, ça suffit!»

Par contre, ce qui ne suffisait pas, ce jour-là,
c’était plusieurs choses. D’abord, et c’est un
point apparemment mineur mais important, le fait qu’en fait de
«manifestation», il s’est agi d’un simple
rassemblement stationnaire, où nous avions été
conviés pour écouter les quelques éminent-e-s
orateurs-trices, venus nous distiller leur message. C’est un
réel problème: en effet, une manif est – ou devrait
être – un moment d’action et d’engagement où
l’on va pour se faire entendre, et faire entendre une voix
collective, la plus puissante possible. Or en la matière, les
«manifestant-e-s» étaient apparemment là,
selon la conception des organisateurs, bien plus pour écouter
plutôt que pour se faire entendre…

Ce qui ne suffisait pas bien sûr aussi c’est –
bêtement – le nombre. «Quantité se change en
qualité» comme chacun sait. Et là, l’absence
d’un nombre de manifestant-e-s, à la hauteur du
rendez-vous national évidemment nécessaire, pour faire
front au pillage organisé de la collectivité au profit de
l’UBS et au détriment des dépenses indispensables
pour répondre à nombre de besoins sociaux criants, a
changé la qualité de l’évènement pour
en faire un rendez-vous de routine sur un mode mineur, qui ne
reflétait guère l’indignation populaire qu’on
entend s’exprimer dans n’importe quel bistrot ou sur
n’importe quelle place de travail… De quoi, rassurer ces
messieurs les banquiers et leurs serviteurs du Conseil
fédéral.

Ce qui ne suffisait pas encore et surtout, c’était bien
sûr le fond du discours. On a entendu de très belles
paroles. Paul Rechsteiner, par exemple, président de l’USS
et conseiller national du PSS, était en verve. Il a
dénoncé les politiques de «retouches au
système», proclamé la nécessité
d’en «changer fondamentalement», face à
«l’échec économique, la banqueroute morale et
danger pour la démocratie» qu’il représente.
Il a affirmé la nécessité de faire primer
«les besoins réels des gens» et de répondre
«aux défis planétaires que sont la faim, les
inégalités sociales, les problèmes de formation,
les atteintes à l’environnement et le réchauffement
climatique.» Mais ce discours posait deux problèmes,
d’abord le «système» mis en cause et à
jeter par-dessus bord selon lui… ce n’est pas le
capitalisme, mais le «néolibéralisme». Or
s’il y a une chose sûre, c’est que ce qu’on
cherche à nous faire avaler et payer aujourd’hui et
demain, ce ne sont pas vraiment des solutions classiquement
«néolibérales», même si elles sont et
seront strictement conditionnées par l’exigence absolue de
tenter de donner un nouveau souffle au capitalisme et à la
course au profit des uns au détriment des intérêts
et de la vie de la grande majorité.

Le deuxième problème, c’est que les
réponses, mêmes immédiates, ne sont d’aucune
manière à la hauteur: On nous propose quoi? Applaudir les
parlementaires du  PSS qui parlent des «bonus» et qui
affirment que «L’UBS doit fournir de solides garanties
qu’elle n’engrangera pas de bénéfices tandis
qu’il reviendra à la collectivité
d’éponger les pertes.» Signer la pétition sur
la ligne «OUI, mais…» du PSS intitulée
«Pas d’argent public sans contre-partie». Voter OUI
dimanche à l’initiative sur l’AVS, pour financer
laquelle on pourra légitimement exiger des miettes par rapport
à ce qu’a reçu l’UBS…

Tout ça ne permet de construire aucun rapport de forces social.
Pendant ce temps, le directeur de la Commission fédérale
des banques prépare le terrain en indiquant qu’il faudra
sans doute une rallonge de milliards pour l’UBS…

Pierre Vanek