Sexualité féminine: intervention d'un marché

Sexualité féminine: intervention d´un marché

La recherche pharmaceutique, entre les mains des multinationales, répond à une exigence: non pas la lutte contre les maladies, mais la poursuite du profit! Au nom de celui-ci, les multinationales travaillent à «construire» de nouvelles maladies… qui puissent être la source de bénéfices juteux.


Des bénéfices, la société Pfizer, au chiffre d’affaire de 32.3 milliards de dollars en 2001, en a fait un paquet avec son Viagra. Il s’en est vendu pour un milliard et demi de dollars, en 2001 seulement, selon le Financial Times. Mais le Viagra a un défaut! On ne peut le vendre qu’aux hommes. Qu’importe! On inventera et on propagera une maladie féminine à présenter comme équivalente aux troubles de l’érection chez l’homme et qui puisse être une source de profits équivalente. C’est ainsi qu’est né le «dysfonctionnement sexuel féminin».


L’histoire est dans le British Medical Journal du 4 janvier. C’est en mai 1997 déjà, au cours d’une rencontre de deux jours entièrement sponsorisée par des compagnies pharmaceutiques qu’elle débute. De l’aveu de Raymond Rosen, co-président de cette réunion, «seuls les chercheurs qui ont l’habitude ou un intérêt particulier à travailler comme collaborateurs de l’industrie pharmaceutique y ont été invités».


L’année suivante, une conférence internationale de «développement de consensus» sur ce sujet a lieu à huis-clos à Boston. A partir de systèmes de classification existants – y compris le manuel US des troubles psychiatriques – les participants y ont élaboré une nouvelle définition et classification, rassemblant en vrac les troubles du désir, de l’excitation de l’orgasme et de la douleur. Les comptes-rendus de la conférence indiquent que sur 19 auteurs de la nouvelle définition, 18 étaient liés à 22 firmes pharmaceutiques…


Un pimpant Forum sur la fonction sexuelle féminine a été mis en route depuis et a été sponsorisé en 2000 – 2001 essentiellement par Pfizer. Ce travail doit être globalisé: une réunion est prévue à Paris, en juin 2003, dont le but est l’adoption d’un «instrument accepté internationalement» en la matière. Une étape dans la fabrication de cette nouvelle maladie a été une «étude», publiée dans le Journal of the American Medical Association, dont les liens des auteurs avec Pfizer n’ont été révélés que par la suite, et qui chiffre à 43% le taux de femmes souffrant de ce dysfonctionnment sexuel. Depuis, ce chiffre est cité partout, alors que l’enquête sommaire qui le fonde n’a aucune validité scientifique et agglomérait 7 questions, allant de l’absence de désir, à l’inquiétude à propos de ses «performances» sexuelles ou de problèmes de «lubrification». Une seule réponse positive (pour une courte période sur une année) classait l’enquêtée comme «atteinte» du trouble recherché.


Cette entreprise à la finalité évidente, et à laquelle ont encore contribué des tests sur des lapines blanches néozélandaises, relève non seulement d’une gigantesque escroquerie se préparant sur le dos des femmes. Elle propage aussi une vision mécaniste et médicalisée de la sexualité, qui nie le contexte personnel, social, économique, politique… dans lequel ces rapports s’inscrivent. Plutôt que de chercher les causes des problèmes à ces niveaux, ce qui pourrait conduire à remettre en question le monde qui nous entoure, on nous enverra à la pharmacie demander la pilule ad hoc.


Ceci plaide évidemment pour une industrie pharmaceutique, publique et démocratiquement contrôlée, qui réponde aux besoins réels des gens, plutôt que ce soient les gens et leurs problèmes qui se voient «réinventés» pour satisfaire les besoins des multinationales…


Catalina POZO