Chine

Chine : Hong kong, trente ans après Tian'anmen

30 ans après la sanglante répression de la place Tian’anmen, le gouvernement chinois voit une nouvelle scène de contestation massive se développer à Hong Kong.

Hong Kong: Manifestation du 31 mars 2019. Photo: Etan Liam

Le 31 mars 2019, 12 000 manifestant·e·s ont participé à la 1re marche contre la loi d’extradition. Photo: Etan Liam

En 1989 un monde qui semblait inamovible et impossible à changer va disparaître. À partir de manifestations à Dresde et Leipzig en RDA, la contestation des régimes du bloc « socialiste » va se généraliser à tous les pays de l’Europe orientale et aboutir à la chute du Mur de Berlin quelques mois plus tard. En Pologne, des élections donnent pour la première fois depuis 1945 une victoire à l’opposition.

Tian’anmen occupée

En Chine aussi, de nouvelles forces, en majorité étudiantes, interpellent les autorités pour obtenir des libertés d’expression et d’organisation réelles. Le décès de l’ancien secrétaire général en avril va ouvrir une période d’incertitude au sein de la direction du PCC. C’est finalement le courant favorable à un écrasement de l’opposition qui l’emporte. Le 4 juin au matin, des soldats vont tirer sur les manifestant·e·s et les déloger de la place Tian’anmen, occupée depuis 7 semaines. Le nombre de victimes s’élève à plusieurs milliers de morts.

Cette sanglante répression est destinée à montrer que contrairement à Gorbatchev, les responsables du PCC ne feront aucune concession politique et ne toléreront la moindre manifestation publique. C’est l’option qui a été choisie pour maintenir le pouvoir de l’appareil bureaucratique et la stabilité intérieure nécessaire pour continuer la croissance du capitalisme chinois.

Passés les premiers moments des condamnations internationales, les affaires peuvent reprendre. Le président américain G.H. Bush envoie en secret le chef du Comité sécurité national pour rassurer la Chine. Malgré les condamnations verbales, les États-Unis ne vont pas changer leurs relations avec ce pays. Les capitalistes américains apprécient la force de travail chinoise et les profits qu’elle leur permet. La vaste interdépendance économique et financière va continuer, profitant aux classes dirigeantes des deux pays et élevant le niveau de consommation d’une part significative de la population chinoise.

La paix sociale a ainsi pu être préservée, par le silence sur la répression et la dissuasion qu’elle provoquait. La croissance économique et l’amélioration des revenus ont favorisé ce processus.

Colère à Hongkong

La contestation actuelle à Hong Kong n’est pas nouvelle. En 2012, l’occupation pendant un mois du centre financier de la ville avait déjà montré la force d’une contestation contre la politique autoritaire.

Dimanche 9 juin, une première manifestation gigantesque a rassemblé un million de personnes pour exiger le retrait d’un projet de loi permettant l’extradition hors du territoire de Hong Kong. Trois jours plus tard, la police réprime brutalement une manifestation aux abords du Parlement. Ces violents affrontements illustrent la difficulté croissante d’une reprise en main par les autorités chinoises.

La démonstration du dimanche 16 juin est encore plus imposante avec une participation estimée à 2 millions de personnes. L’annonce de la suspension de l’examen du projet de loi n’a pas suffi à désamorcer l’opposition. Désormais les manifestant·e·s exigent le retrait de la loi et demandent aussi la démission des responsables politiques. Ces revendications traduisent la défiance envers les autorités et la confiance dans la force du mouvement.

Nouvelle période?

Cela ouvre une nouvelle période pour la lutte des libertés à Hong Kong, qui pourrait déborder dans le reste du continent.

Pour l’instant, le président Xi Jinping peut préserver la paix sociale dans le reste du pays grâce à la croissance économique et à un contrôle des médias et des communications très strict. Mais la Chine, comme toute économie capitaliste, va connaître des crises économiques et financières par manque de débouchés externes ou internes. La guerre commerciale entamée par les États-Unis, les limitations de transfert technologique viennent rappeler à la deuxième puissance mondiale sa vulnérabilité. Une récession fragiliserait le consensus et alimenterait de nouvelles contradictions par les pertes d’emplois et la fragilisation du système financier.

Les graves problèmes écologiques créés par l’exploitation brutale des ressources naturelles, de la surconsommation et du développement urbain sont aussi des sources potentielles de mécontentement. La récente épidémie de fièvre porcine (causant la perte d’environ 200 millions d’animaux selon certaines sources étrangères) montre un autre aspect des faiblesses de cette société.

L’attentisme politique de Xi Jinping est le reflet de cette peur. Toute concession, que ce soit sur les événements de 1989 ou sur les libertés à Hong Kong, est susceptible d’ouvrir des brèches dans les quelles pourraient se répandre de futures contestations. Le verrou tremble. Tiendra-t-il longtemps?

José Sanchez