Allemagne

Allemagne : Autour du congrès de Die Linke

La presse dominante en Allemagne a présenté le congrès de Die Linke, tenu début juin après deux défaites électorales à l’Ouest, comme celui de la dernière chance, ou encore comme un champ d’affrontement d’ambitions personnelles. Les anticapitalistes de Die Linke (AKL) font, on s’en doute, une analyse différente. 

Le congrès de Göttingen fit la démonstration des profondes divergences que connaît le parti, mais en même temps de la volonté largement partagée de contenir ces divergences dans un parti de gauche commun, présent dans toute l’Allemagne. Les débats politiques ne représentaient pas un affrontement entre l’Ouest et l’Est. Les interprétations médiatiques allant dans ce sens ne deviennent pas plus justes parce qu’on les répète systématiquement, mais restent ineptes et peinent à voiler l’idéologie intéressée qui les guide.

 

     Les débats de Die Linke tournent autour des grandes questions politiques actuelles :

– Comment élaborer et populariser une solution de rechange globale au mode de production capitaliste et à ses rapports de pouvoir et de propriété 

– Comment refaire du socialisme , historiquement terrassé, une solution et une réponse d’une brûlante actualité aux problèmes de l’humanité et le replacer au centre du débat public

– Comment gagner une majorité à cette perspective 

– Comment Die Linke peut-elle vraiment s’implanter socialement comme parti et ainsi regagner une influence électorale qui a fondu, passant de plus de cinq millions de citoyen·ne·s en 2009 à la moitié aujourd’hui

– Comment transformer cette audience en un véritable ancrage dans la société 

– Quelle stratégie Die Linke doit-elle suivre pour faire converger les nombreuses luttes quotidiennes, les innombrables initiatives dans les parlements, ainsi que les maints petits succès et petits pas en avant, dans une rupture générale avec la logique du développement capitaliste, ici et dans le monde entier 

– Quel parti Die Linke doit-il devenir afin, d’une part, de gagner en puissance et en capacité d’action, mais aussi, d’autre part, de répondre aux besoins démocratiques de ses membres, aux attentes de ses partisan·e·s et de ceux qui l’observent avec sympathie 

– Comment Die Linke peut-elle développer une résistance nécessaire à la politique d’un pays qui a volontairement aiguisé les crises de ses voisins européens et en a jusqu’à maintenant profité […]

     Die Linke cherche à devenir le parti correspondant aux principes programmatiques adoptés il y a six mois à Erfurt, qui sont une critique radicale de la machine à exclure et de la violence capitaliste quotidienne et leur déclarent la guerre. Une large majorité s’est retrouvée à Göttingen dans les propos du fondateur de Die Linke, Oskar Lafontaine, ancien président, disant qu’il fallait poursuivre la construction de ce parti comme une organisation large et plurielle. Aucun débat actuel ne justifie une scission. Ce sont les grandes questions comme celles de la guerre ou de la paix, du nationalisme ou de l’internationalisme, de la démocratie par en bas ou de la dictature d’en haut qui furent à l’origine des scissions du mouvement ouvrier. Les affrontements sur la politique quotidienne, voire autour de l’influence exercée dans le parti ou pis encore, à propos des carrières politiques des uns et des autres, ne justifient aucune scission politique, mais affaiblissent l’ensemble de la gauche et tous ceux et celles qui y participent.

     L’AKL critique de ce point de vue le discours du président du groupe parlementaire fédéral, Gregor Gysi. Nous ne partageons pas non plus son analyse qui voit Die Linke divisée en deux parties, un « parti populaire  à l’Est » et un « parti d’influence  à l’Ouest ». Ici comme là-bas, Die Linke est le parti de ceux et celles que le capitalisme avilit et expulse; ici comme là-bas, c’est le parti de la paix; ici comme là-bas, c’est le parti de l’opposition de gauche dans la société et les mouvements de contestation; ici comme là-bas, c’est le parti du socialisme.

     L’AKL critique particulièrement la perspective développée par Gregor Gysi, qui considère que Die Linke est le résultat d’un développement continu du PDS depuis 1989. Au tournant du siècle, le PDS était dans une crise profonde et la fusion réussie avec la WASG lui a ouvert de nouvelles perspectives et donné une nouvelle influence. La fusion représenta une véritable rupture, un nouveau départ et un affinement programmatique. Celui qui nie cela rejette le progrès historique réalisé lors de la création de Die Linke.

     Fortes, les divergences subsistent. Le congrès de Göttingen a aussi montré que, dans le parti, de nombreux membres et délégué·e·s se sont découragé·e·s et qu’ils donnent la priorité aux petits succès politiques du jour à la lutte fondamentale contre le capitalisme. Et nous ne devons pas non plus nier que nous avons aussi dans nos propres rangs des forces qui tirent un avantage personnel de ce renoncement à la lutte sur le long terme. Mais les petits succès politiques  tournent à la mystification de soi lorsqu’ils ne s’inscrivent pas dans la perspective du combat politique pour une solution de rechange globale et socialiste. C’est la tâche centrale d’un parti de gauche de montrer quotidiennement ce lien et de le réaliser pratiquement. […]

     L’orientation fondamentale que Die Linke défend dans son programme d’Erfurt ne rencontre aucun écho significatif dans les autres partis. Au-delà du plus petit dénominateur commun des accords de la politique quotidienne, il n’y a pas de camp à gauche du centre . C’est pourquoi la construction systématique de Die Linke comme une force socialement ancrée est l’objectif central de la période à venir. Il n’y a pas de raccourci vers une nouvelle majorité dans la société.  […]

 

I. Höger, U. Jepke, D. Henn, T. Pflüger, D. Belau, T. Gleiss (collectif des porte-paroles de l’AKL)

Traduction et adaptation : DS