140e anniversaire de la Commune: « Après la Commune, le mouvement ouvrier ne sera plus le même »

140e anniversaire de la Commune: « Après la
Commune, le mouvement ouvrier ne sera plus le
même »

A l’occasion du 140e
anniversaire de la Commune de Paris de 1871, notre journal, en
collaboration avec les jeunes d’United Black Sheet et le
Café d’Idées, a organisé une
conférence avec l’historien genevois Marc Vuilleumier,
grand connaisseur de la Commune et auteur de l’ouvrage
« Souvenirs de deux communards réfugiés
à Genève 1871–1873 »,
édité par le Collège du Travail en 1987.

La flamme des souvenirs de cette expérience
révolutionnaire n’est pas encore éteinte si
l’on en croit la bonne affluence à cette
conférence, la salle du café Gavroche étant
pleine. Seuls regrets : une assistance majoritairement
grisonnante et le manque du temps pour approfondir la brillante
présentation du conférencier, malgré un
débat très nourri. L’historien a mis en
évidence le contexte historique qui a permis la floraison de
cette expérience et l’écho qu’elle avait
suscité à son époque et actuellement. Karl Marx,
les anarchistes espagnols, Lénine, Trotski, entre autres, ont
écrit sur ce printemps ouvrier. Les nouvelles
générations de militant·e·s devraient
étudier cette révolution populaire, pour en tirer les
principales leçons ; le combat des communards, celui de Louise
Michel par exemple, est encore très actuel et leur lutte
d’hier est la nôtre aujourd’hui.

    La conférence a été
enregistrée et nos lecteurs et lectrices pourront bientôt
la consulter sur le site de solidarités.ch. Nous avons
brièvement évoqué cet évènement avec
Marc Vuilleumier.

Quels sont les messages politiques
essentiels de la Commune de Paris et pourquoi un
évènement passé il y 140 ans est-il encore
d’actualité ?

Aux yeux de Karl Marx, c’est la suppression de l’Etat
bourgeois et les prémices d’une organisation politique et
sociale nouvelles de la société civile qui sont les
points fondamentaux de cette révolution. C’était en
quelque sorte d’une part détruire l’Etat et
d’autre part chercher l’émancipation du travail, la
disparition du travail salarié et prôner la libre
association de libres producteurs. Le rôle des femmes dans la
lutte pour défendre la Commune, la défense de la
laïcité, le développement de l’enseignement
pour les classes populaires, sa composante internationale et la forme
de représentation étaient aussi des enseignements
très importants. Mais je pense que le point le plus important de
La Commune, comme disait Marx, ça été son
existence même. Après l’expérience de La
Commune de Paris de 1871, le mouvement ouvrier international ne sera
plus le même.



La Commune est un
phénomène essentiellement parisien, sauf exceptions
(Lyon, p. ex.), mais elle a tout de suite une répercussion
internationale. Pourquoi ?

C’est avant tout parisien, même s’il y a eu
d’autres Communes avant celle de Paris, mais c’est dans
cette ville que se trouvait le mouvement ouvrier, républicain
dans sa majorité, qui était le plus
développé et politisé. A Paris existaient quelques
organisations ouvrières organisées : membres de la
1re Internationale, blanquistes, républicains de gauche…
    Le siège de Paris par les Prussiens a
contribué pendant 4 mois à accroître les
revendications populaires.
    Sa répercussion internationale est due
à plusieurs phénomènes ; entre autres aspects, je
citerai le rôle de diffuseur du Conseil Général de
la Première Internationale avec ses circulaires aux
organisations membres dans les divers pays où il y avait des
sections ; un autre aspect, c’est l’effet stimulant, dans
une classe ouvrière naissante, de ce début
d’affirmation en tant que classe et de preuve par les faits
qu’une nouvelle forme du gouvernement était possible ; en
outre, il y avait la composante proprement internationale (Polonais,
Allemands, Italiens…) des communards. Enfin, le massacre qui a
suivi la destruction de La Commune, ainsi que les
réfugiés communards dans les divers pays qui avaient
quitté la France pour échapper à la
répression sanglante ont aussi contribué à sa
renommée internationale.



Quel écho a eu La Commune en Suisse et à Genève particulièrement ?


Au moment de La Commune de Paris, Le congrès de
L’Internationale de la Suisse romande a voté une motion de
soutien à La Commune et celle-ci a envoyé un
délégué Genève, pour organiser un soutient
actif à la Commune de Paris. Jean Philippe Becker , militant de
l’Internationale, à même essayé
d’organiser une expédition armée, qui aurait
dû marcher sur Lyon. Les réfugiés de La Commune ont
été accueillis à Genève et
l’Association politique ouvrière nationale a
organisé une campagne en faveur du communard Razua exilé
et emprisonné à Genève, et dont le gouvernement de
Versailles demandait l’extradition. Par manque de preuves
fournies par Versailles, le gouvernement suisse l’a
relâché. Le droit d’asile n’a pas
été mis en question par la suite.

    Il y a aussi des Suisses qui vivaient à Paris
et qui ont pris part à La Commune. Une autre partie servait dans
la Garde Nationale; comme celle-ci, ils ont participé à
La Commune et subi une répression féroce. Kern, le
ministre suisse à Paris, est intervenu activement pour les faire
relâcher ou tout au moins, les faire traduire devant un tribunal
militaire et les assister dans leur défense. Le
secrétaire de la délégation suisse à Paris
a assisté le 28 mai 1871 à une exécution massive
de prisonniers et il a rendu compte à Kern qui est intervenu
auprès du chef du cabinet de Thiers, une intervention qui a
contribué à faire cesser ces massacres de masses. Le
conseiller national radical Eytel (les radicaux de la fin du XIXe
siècle étaient autre chose que ceux
d’aujourd’hui) est intervenu à la session de juillet
du Conseil national pour signaler la disparition et
l’exécution sommaire de Suisses à Paris et a
vigoureusement protesté contre ces actes. Il a été
soutenu par son homologue genevois Moïse Vautier.

Propos introduits et recueillis par Juan Tortosa