Nouveau parti anticapitaliste

Nouveau parti anticapitaliste
témoignage d’un étudiant suisse à Paris

Cet hiver, la Ligue communiste
révolutionnaire a lancé un appel pour créer un
nouveau parti anticapitaliste. Partout en France, des comités
locaux se sont constitués pour relayer cet appel. Nous publions
ici le témoignage d’un étudiant suisse. Très
actif dans le mouvement altermondialiste et le syndicalisme
étudiant à Genève, avant son départ
à Paris pour une année d’études, il
participe depuis le début au processus en cours.

Construire un nouveau parti. Construire une force large à la
gauche du parti socialiste. Unifier l’extrême gauche. Ces
idées jouissent d’un large soutien dans l’hexagone.
La tentative d’une candidature commune à
l’élection présidentielle 2007 en a offert un
exemple. L’expérience a néanmoins montré que
l’affaire n’était pas simple. «A deux
c’est une tendance, à trois c’est la
scission», les vieilles traditions gauchistes ont la vie
longue… Alors, quand la LCR, souvent considérée
comme cédant à l’auto-proclamation (même si
Olivier Besancenot a beaucoup contribué à
rafraîchir son image), lance un appel à fonder un nouveau
parti anticapitaliste, beaucoup sourient. Les autres se méfient
de ce qui semble être une manœuvre pour élargir la
base militante de la ligue. J’en étais. J’en suis
encore. Mais, curieux, je suis tout de même allé à
la première réunion publique de mon quartier. Pour voir.
Puis, j’y suis retourné. Après une petite dizaine
de réus, on peut dire que je m’y suis
engagé… mais dans quoi?

Participation large et diversifiée

Fraîchement arrivé dans le 18e arrondissement de Paris,
l’initiative du nouveau parti était l’occasion pour
moi de m’engager dans la vie du quartier. Les premières
réunions ont tout de suite rassemblé plus de 50
personnes, dont une vingtaine de militant-e-s de la Ligue, quelques
membres de Lutte Ouvrière, quelques membres du PCF, et surtout,
beaucoup de jeunes sans expérience. La diversité des
personnes présentes et l’engouement suscité sont
extrêmement encourageants. Plein de préjugé,
j’imaginais que les militant-e-s de la Ligue allaient nous
présenter une voie toute tracée d’ici le
congrès de décembre 2008, censé consacrer la
naissance du mouvement. C’était sans compter qu’ils
voulaient vraiment créer un nouveau parti. Deux seules
conditions ont été posées: il sera anticapitaliste
et ne gouvernera pas avec le PS. Pour le reste tout est à
réinventer. Tout est à reconstruire. Faire table rase et
tout recommencer.

Comment prend-on les décisions? Vote ou consensus? Doit-on
commencer à rédiger une ébauche de programme ou
doit-on se construire dans l’action? Sur quelles bases nous
réunissons-nous? Qu’est-ce qu’on entend par
«parti»? Faut-il se diviser en groupes plus petits? Par
quartier ou par thème? Tout est à repenser. Tout est
à discuter. Mais surtout, comment s’assurer que tout le
monde y ait sa place? Comment faire en sorte que la Ligue (qui
malgré une présence minoritaire peut lourdement peser sur
les décisions) n’impose pas ses habitudes et ses points de
vue? Comment faire pour que les nouveaux prennent autant de place que
les vieux militant-e-s? A quel rythme doit-on se réunir? Autant
de questions sans réponse toute faite et qu’il faut
expérimenter. C’est la difficulté et la richesse de
la démarche: créer un nouveau parti, personne ne sait le
faire.

Vers une grande force anticapitaliste

Il est sûr que les problèmes sont devant nous. Les grands
débats politiques sont encore à venir. D’autant que
tous les enjeux rencontrés à l’échelle du
quartier devront être abordés ensuite à
l’échelle nationale. De plus, à mesure que le
phénomène prendra de l’ampleur et que la
démarche avancera, il faudra également faire face aux
attaques extérieures qui ne manqueront pas d’arriver. Trop
d’intérêts sont en jeu. Cela dit, la perspective de
reconstruire une base large et populaire à la gauche du PS est
suffisamment enthousiasmante pour tenter l’aventure et faire face
aux nombreuses difficultés.

Pour conclure, et c’est peut-être là le plus
important, cette démarche permet de rencontrer des gens aux
expériences diverses. Le simple fait de se confronter à
d’autres histoires, à d’autres traditions est
déjà un plaisir et en enrichissement qui suffit à
l’engagement. Le partage d’expériences de luttes
mais aussi et surtout de vie permet à tous et à toutes de
se remettre en question mais aussi d’apporter sa pierre à
l’édifice. Avant même de pouvoir imaginer la forme
que prendra ce nouveau parti, nous nous engageons ensemble à le
construire.

Il est certain qu’une partie d’entre nous sera
déçue à un moment ou à autre. Tout le monde
ne pourra pas se reconnaître dans les orientations de ce nouveau
parti. A l’inverse, parmi les nombreux observateur-trices qui
regardent d’un air sceptique le processus de
l’extérieur, en attendant les premières
propositions, une partie aussi rejoindra le mouvement quand il aura
tracé une route un peu plus claire.

Finalement, peu importe où nous conduit cette expérience
: elle nous enrichira tous et toutes personnellement. Quant au
résultat commun, il ne fait aucun doute. La richesse de la
démarche ne peut mener qu’à la construction
d’une grande force anticapitaliste dans le paysage politique
français.

Yoann Boget