Ethiopien·ne·s menacés

Ethiopien·ne·s menacés : Une dérive policière inacceptable

Le 5 octobre 2016, la police genevoise a interpellé neuf requérant·e·s d’asile éthiopiens qui manifestaient dans les locaux de la Mission permanente d’Ethiopie à Genève. Elle a ensuite révélé à la Mission l’identité de ces opposant·e·s, mettant en danger leur vie. Ils·elles ont commencé dès le lendemain à recevoir des messages de menace contre eux·elles-mêmes ou leur famille.

Les manifestant·e·s s’étaient rendus dans les locaux de la représentation diplomatique éthiopienne afin d’interpeller le Consul sur les récents événements survenus dans leur pays. Le 2 octobre, à l’occasion des fêtes de l’Irreecha, l’armée éthiopienne avait tiré dans la foule des gaz lacrymogènes, ainsi que, selon certaines sources, des balles réelles, provoquant un mouvement de panique qui a fait de nombreuses victimes (plus de 670 mort·e·s selon les opposant·e·s). Le gouvernement a depuis décrété l’état d’urgence dans le pays.

A Genève, la police est intervenue et neuf personnes ont été conduites au poste, où leurs identités ont été relevées et communiquées à la représentation diplomatique du gouvernement éthiopien par le biais de formulaires d’interdiction d’entrée remplis par les gendarmes. Pourtant, la communication de l’identité de requérant·e·s d’asile à l’Etat qu’ils·elles ont fui est interdite par la Loi fédérale sur l’asile en tant qu’elle met en danger les personnes concernées, les exposant à des représailles, sur leur personne en cas de retour, ou sur les membres de leurs familles restés au pays.

Bavure des autorités

Une question urgente a été déposée au Grand Conseil par la députée Jocelyne Haller (EAG/solidaritéS), demandant comment un tel acte a pu être commis et quelle protection serait apportée aux victimes. Le Conseil d’Etat s’est contenté de rejeter la question en niant tout renvoi, au prétexte que les Ethiopien·ne·s concernés avaient obtenu l’asile.

Or, ce n’est pas le cas. Le 16 et 17 novembre passé, six d’entre eux·elles ont été convoqués par la police internationale de l’Aéroport pour une audition, heureusement sans autre conséquence, pour l’instant. En effet, contrairement à ce que les services de Pierre Maudet ont prétendu, deux des manifestant·e·s avaient vu leur demande d’asile rejetée et sont donc exposés à une mise en détention administrative, voire à un renvoi si la Suisse obtient des laissez-passer.

La dérive policière est grave, et le mensonge ou l’erreur du Conseil d’Etat plus encore. Les Ethiopien·ne·s étaient venus chercher asile à la Suisse, aujourd’hui, ils·elles sont plus que jamais menacés. Les autorités doivent à présent assumer leur responsabilité et accorder une réelle garantie de protection aux réfugié·e·s.

Aude Martenot