100 ans après

100 ans après : Quelle actualité de la grève générale?

L’occasion de faire de cette commémoration une journée d’action et de mobilisation a été gâchée. En 1918, le Comité d’action d’Olten (CAO) avait présenté un cahier de revendications et un cadre national pour unifier le mouvement et faire en sorte que le maximum de forces sociales se rassemblent en une grève générale. Un héritage qu’il aurait fallu reprendre aujourd’hui: l’actuel renouvellement de la convention collective de travail (CCT) dans le bâtiment, qui a causé des manifestations massives et des grèves de maçon·ne·s dans tout le pays, aurait représenté une belle occasion pour rappeler les acquis de la Grève de 1918 et montrer la pertinence renouvelée d’une grève générale. Combien d’actions de soutien ont été décidées par les fédérations de l’USS?

Appuyer les maçon·ne·s par un mouvement de solidarité d’ensemble et élargir la base de la mobilisation: voilà qui aurait été une manière digne et utile de se remémorer un événement qui a amélioré le quotidien de millions de travailleurs et travailleuses de Suisse ; la défense de l’âge de la retraite et de l’horaire de travail concerne tout le monde. Alors que les conditions de travail et de traitement des salarié·e·s se dégradent, les débrayages et les manifestations de ces dernières semaines auraient mérité une grande journée de lutte et une grève générale de tout le secteur. Un élargissement qui aurait aussi été bienvenu pour les autres secteurs, afin de rappeler qu’il est possible et nécessaire de réagir à l’arrogance patronale.

En lieu et place, l’Union syndicale suisse (USS) et la Parti socialiste suisse (PSS) nous proposent deux autres types d’événements.

D’un côté, une dimension folklorique à Olten, avec une pièce de théâtre accompagnée de «cuivres, percussion et chœur» et présentée par le PSS et l’USS comme «l’événement central du centenaire de la Grève générale». C’est ainsi que les organisateurs·trices vont simuler la faim endurée par les grévistes durant ces années de privation et de guerre? Comment montrer la peur à surmonter pour affronter un patronat et des autorités qui levaient des troupes, avec des munitions de guerre et des ordres de tir? Car en 1918, manifester et faire grève vous exposait à d’autres dangers que les courants d’air.

De l’autre côté, une dimension plus académique, avec des colloques d’historien·ne·s. Mais il y a encore une quarantaine d’années, le sujet restait tabou en Suisse. La véritable histoire de la Grève générale a commencé à être écrite grâce à une nouvelle génération d’historien·ne·s , qui ont procédé à la critique radicale de la société helvétique et de son passé. Il est utile de rappeler que celles et ceux qui consultaient les archives et les documents de l’époque s’exposaient aux foudres des responsables politiques et des milieux universitaires dominants, et que leurs travaux étaient décriés. Des listes noires ont abouti à des interdictions professionnelles pour des étudiant·e·s.

La Grève générale de 1918 avait été précédée par la grève des employé·e·s de banque à Zurich. L’Union ouvrière locale avait appelé à une grève générale de solidarité, qui a rendu possible la victoire. Nous revendiquons cette forme de solidarité et d’unité d’action, pas seulement sous forme d’héritage, mais comme une perspective pour les futurs combats. Car les reculs sociaux ne sont pas une fatalité, et aujourd’hui l’opposition est à construire, comme en 1918.

José Sanchez