Le droit de manifester remis en question

Le droit de manifester remis en question

Le discours sécuritaire des autorités politiques et policières autour des manifestations altermondialistes anti-G8, à Genève et à Lausanne, permet non seulement d’occulter les raisons qui fondent les oppositions aux politiques menées par ces «maîtres» de ce monde, mais participe aussi d’une remise en cause des libertés fondamentales.

Manifester, un droit!

Manifester dans la rue est une des formes de l’exercice des libertés d’opinion, d’expression et de réunion. Ces libertés sont notamment garanties par la Constitution fédérale et la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Il existe dès lors un droit conditionnel à l’usage du domaine public pour les manifestations. Dans un arrêt récent à propos du refus d’une autorisation de manifester à l’occasion du Forum économique mondial 2001 à Davos, le Tribunal fédéral a récemment rappelé que l’appréciation des opinions défendues par les organisateurs-trices de manifestation ne peut constituer «en aucun cas» un critère pertinent pour l’octroi ou le refus d’une autorisation de manifester. De surcroît la Haute Cour a indiqué que l’autorité ne saurait rejeter, purement et simplement, une demande de manifestation pour des motifs généraux d’ordre public, mais qu’elle a l’obligation de proposer aux organisateurs-trices des variantes ou alternatives qui ne doivent pas vider de son contenu la liberté d’exprimer ses opinions dans la rue.

Criminalisation des mouvements d’opposition

Manifester: vos droits

Guide utile pour toutes celles et tous ceux qui désirent manifester publiquement leurs opinions dans la rue, en particulier à la veille des manifestations contre la tenue du sommet du G8.

Par Jean-Michel Dolivo et Christophe Tafelmacher

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Peut être commandé directement au secrétariat de solidaritéS.

Tél. 022 740 07 40 – Fax. 022 740 08 87 Mail: info@solidarites.ch


Le Code pénal suisse (CP) prévoit de nombreuses sanctions dont pourraient être passibles les participant-e-s à une manifestation qui «dégénère». L’incrimination d’émeute (art. 260 CP) est par exemple particulièrement lourde et arbitraire. L’émeute est un délit collectif. Ainsi, il a été jugé que peut être condamné-e pour émeute celui-celle qui participe à une manifestation au cours de laquelle des actes de «violence», tel la projection de sachets de peinture et de pétards contre des bâtiments, sont commis! Toute personne qui a participé à un attroupement durant lequel de tels actes se sont produits est punissable, «quelle que soit la part qu’ils ont prises aux violences commises et même s’ils n’y ont pas pris part». Les autorités disposent donc déjà actuellement d’un arsenal répressif très conséquent sur le plan pénal. Les déclarations appelant à son renforcement et dénonçant le prétendu «laxisme» des autorités ont ainsi avant tout pour seule fonction d’alimenter le climat de répression.

Intervention des forces de l’ordre, par tous les moyens?

La police doit respecter le principe de proportionnalité et son action se situer dans un cadre légal. Cette règle s’applique tout spécialement lorsqu’elle fait usage d’armes et qu’elle porte atteinte à l’intégrité corporelle d’un-e manifestant-e. Une matraque en caoutchouc est une arme, car elle constitue un objet pouvant être utilisé pour attaquer ou se défendre. Il a été jugé que «celui qui sans raison blesse une personne qui ne lui oppose aucune résistance en la frappant au moyen d’une matraque, ne mérite ni compréhension ni protection». Toutefois, face à des actes illégaux de policiers, la seule voie possible est celle du dépôt d’une plainte pénale. Ce ne sera donc qu’après avoir pris des coups que, le cas échéant, il sera possible de faire valoir ses droits! Exercice très souvent difficile, dès lors que l’autorité judiciaire va se fonder pour ouvrir ou non une enquête sur des rapports établis par la police elle-même… De surcroît les policiers incriminés feront valoir qu’ils ont agi dans le cadre de leurs devoirs de fonction.

L’internationale policière

La Suisse est très active dans le domaine de la coopération policière, tout en n’étant pas formellement partie de la Convention de Schengen. Bien évidemment, non pas pour poursuivre les fraudeurs du fisc et ceux qui blanchissent de l’argent sale à l’échelle internationale, mais pour lutter notamment contre l’immigration illégale et les menaces à l’ordre public. La présence de policiers allemands à Genève est significative de ce point de vue. La Suisse échange des renseignements avec les services de police d’autres pays et met en place des plans d’intervention communs, comme lors du G8. Des policiers étrangers peuvent même opérer sur territoire helvétique, dans un but «d’observation» ou de «continuation de la poursuite». La Suisse adhère ainsi dans les faits et sans état d’âme à l’Europe des polices!


Jean-Michel DOLIVO