La gauche gagne en ville et à Carouge: quelle politique va-t-elle mener?

La gauche gagne en ville et à Carouge: quelle politique va-t-elle mener?


Les résultats des élections au Conseil Administratif (exécutif) de la Ville de Genève confirment les tendances observée pour le législatif. La droite traditionnelle est au tapis. Nous nous réjouissons de ce résultat. D’autre part, le PS et les Verts triomphent, solidaritéS et les indépendants se maintiennent, tandis que le PdT recule.


Cependant, au risque de passer pour des rabat-joie, nous sommes en droit de nous poser une question. Quelle politique va mener cette majorité «alternative» dans la période de difficultés économiques en cours? L’expérience nous donne de sérieuses raisons d’inquiétude. Nous savons cependant que la réponse à cette question dépend, avant tout, de la capacité de mobilisation sur le terrain, que nous pouvons favoriser et soutenir en défendant des orientations politiques sans concession dans les institutions où nous sommes représenté-e-s, comme sur les lieux de travail et dans la rue.


Le quotidien Le Courrier titre en première page: «Les électeurs de la Ville de Genève plébiscitent la gauche». Il ajoute: «L’alternative fait un tabac». En effet, Manuel Tornare (PS) obtient 18536 voix, Patrice Mugny 17647 (Verts), Christian Ferrazino (AdG, solidaritéS-Indépendants) 16930 et André Hediger (Parti du Travail) 14717. Le seul candidat de la droite élu, Pierre Muller (Libéral), n’obtient que 11550 suffrages, talonné par Bernard Lescaze (Radical). Guy Mettan (PDC) et Eric Ischi (UDC), avec respectivement 5920 et 5508 voix, arrivent loin derrière.


La droite au tapis, mais…


Nous sommes heureux de voir une nouvelle fois la droite au tapis, dans la mesure ou cela traduit un certain tarissement de l’onde de choc néolibérale. Ce nouveau contexte nous a permis notamment de faire adopter nos propositions fiscales (taxer les grosses fortunes et les entreprises bénéficiaires) en première votation populaire, décision qu’il faut tout faire pour confirmer le 18 mai prochain (vote de l’IN 113). Cependant, nous devons être beaucoup plus nuancés sur l’analyse de ces résultats.


En effet, la perte d’attractivité du néolibéralisme pur et dur ouvre aussi la voie à un renforcement du social-libéralisme. Partout en Suisse, face à l’arrogance des partis bourgeois traditionnels, flanqués de l’UDC, le PS et les Verts s’efforcent de réoccuper le terrain électoral (voir p. 13), sans pour autant s’opposer aux exigences du capital, en revendiquant l’accroissement des dépenses sociales, le développement des services publics, l’extension des droits des salarié-e-s, etc.


Quelle alternative?


A Genève, l’élection de Charles Beer, marqué à droite au sein du PS, pour remplacer Micheline Calmy-Rey au Conseil d’Etat, indique la même tendance. Nous en avons fait l’expérience à de nombreuses reprises, face à des partenaires de l’«alternative» souvent plus soucieux de contrôler les dépenses sociales ou de faciliter l’accès à la petite propriété, que de répondre aux besoins légitimes de la majorité de la population, salarié-e-s, chômeurs/euses, retraité-e-s et locataires.


Tout récemment, par exemple, nous nous sommes trouvés seuls, en commission des finances du Municipal, à combattre une proposition libérale visant à auto-financer tous les investissements publics. Il faudrait donc renoncer à tout emprunt et ne plus compter que sur les recettes régulières de la Ville, quitte à comprimer d’autres dépenses indispensables… Les autres groupes de l’«Alternative» (y compris le PdT) n’y ont, en effet, rien vu à redire…


Comme toujours, nous sommes disposés à lutter de concert avec le PS et les Verts sur des objectifs concrets qui permettent d’étendre les droits sociaux et démocratiques de la population. Nous serons toujours du côté de cette alternative-là, sans épargner nos efforts. En revanche, nous devons nous préparer à refuser toujours et encore la «bonne gestion» de ce système – d’ailleurs toujours plus libérale en temps de crise – qui pourrait faire de nouveaux émules à gauche et chez les Verts, au nom du «réalisme» et du «sens des responsabilités».


Le défi carougeois


En dépit des succès électoraux de l’«alternative», la gauche anticapitaliste, doit donc se préparer à organiser la résistance à une nouvelle vague de politiques antisociales. Celles-ci sont certes mijotées avant tout par le patronat et la droite, aux niveaux européen et national, mais aussi par la «gauche de consensus», qui ne manquera pas de présenter ses propres paquets de mesures de «rigueur», quelle qu’en soit d’ailleurs la couleur.


A Carouge, l’élection de deux femmes, Jeannine de Haller (1350 voix), membre de solidaritéS, à l’exécutif de la commune, sur la même liste que la socialiste Francette Meyer (1419 voix) – les Verts ayant décidé de faire cavaliers seuls – tranche avec le quinté masculin élu à Genève. Nous nous en félicitons. Elle nécessite cependant un engagement fort de notre mouvement dans son ensemble, afin d’y défendre une politique sociale et écologiste sans concession et d’y travailler à la mobilisation des forces sociales indispensables à sa réalisation.


De ce point de vue, nous devons nous préparer à trouver le PS, les Verts – mais aussi le PdT carougeois – plus d’une fois au travers de notre chemin. Le Courrier relève ainsi que la nouvelle élue socialiste, Francette Meyer, «ne craint pas de collaborer avec le représentant de la droite», le radical Marc Nobs (1350 voix), troisième membre de l’exécutif. De tels enjeux nécessitent de sérieuses discussions collectives au sein de solidaritéS. Nous y reviendrons.


Jean BATOU