Élections en Écosse: percée du Scottish Socialist Party

Élections en Écosse: percée du Scottish Socialist Party

Les élections au Parlement autonome écossais1 ont eu lieu le 1er mai. Les grands perdants ont été, d’un côté, le Parti travailliste (Labour) au pouvoir à Edimbourg comme à Londres et, de l’autre, le principal parti d’opposition, le Parti national écossais (SNP, indépendantiste). Les deux autres partis de la «bande des quatre» du monde politique écossais, les libéraux-démocrates, partenaires gouvernementaux des travaillistes, et les conservateurs, sont restés stables. L’évènement du scrutin a été la percée des petits partis et indépendants à gauche du Labour, et notamment du Parti socialiste écossais (SSP), formation de la gauche anticapitaliste radicale.


Avec 7,5% des suffrages, le SSP a obtenu 6 sièges. Les Verts ont 7 sièges. Il y a en plus quatre indépendants: un travailliste de gauche, déjà élu en 1999; Margo MacDonald, figure historique de la gauche indépendantiste, écartée des listes du SNP et élue triomphalement comme indépendante; une candidate présentée par un collectif de défense d’un hôpital menacé de fermeture; et un représentant d’une liste de défense des retraité-e-s. Autre signe du rejet des partis traditionnels, seulement 48% des électeurs-trices se sont déplacés.

Victoire populaire

C’est la percée du SSP qui a été le plus remarquée. Un quotidien de Glasgow titrait: «Le SSP devient une force politique nationale». En réalité, sur le terrain social comme dans le mouvement anti-guerre, très massif en Ecosse, le SSP était déja une force nationale. Les élections n’ont fait que le confirmer.


Déjà aux premières élections au Parlement écossais, en 1999, le SSP, qui n’avait été lancé que quelques mois auparavant, avait créé la surprise. Avec seulement 2% au niveau national, le parti avait obtenu 7,25% à Glasgow et décroché un siège2. Le député Tommy Sheridan s’est rapidement fait connaître comme porte-parole au Parlement de «l’Ecosse d’en bas» et de toutes les luttes populaires.

Présent dans tout le pays

Le SSP s’est formé en rupture radicale avec le New Labour social-libéral de Tony Blair, en plaçant le combat pour l’indépendance de l’Ecosse dans une perspective socialiste. Des militant-e-s d’extrême gauche, avec d’autres venus du Labour, du SNP, du PC ou de la mouvance écologiste, ont joué un rôle moteur dans son lancement. L’ambition était pourtant de faire non pas un groupe d’extrême gauche de plus, mais un parti anticapitaliste large à vocation de masse. L’objectif était aussi de sortir des grandes villes et de construire un parti «des îles Shetland à la frontière» (avec l’Angleterre). Pari gagné. Le SSP a 80 sections à travers le pays, surtout – mais pas seulement – dans les régions ouvrières du centre. Le parti a obtenu 9% des voix aux îles Shetland (11% aux Orcades voisines) et la région de la frontière a maintenant une députée SSP.

Quatre femmes et deux hommes élu-e-s

Avec 16% à Glasgow, le SSP décroche un deuxième siège, et quatre autres têtes de listes sont élues. Tommy Sheridan est rejoint par Rosie Kane, Frances Curran, Colin Fox, Carolyn Leckie et Rosemary Byrne. Quatre femmes et deux hommes: ce n’est pas un hasard. Le parti s’était donné l’objectif de la parité pour ses élu-e-s en présentant comme têtes de liste dans les huit régions quatre hommes et quatre femmes.


Dans les circonscriptions de Glasgow, le SSP fait 10 à 16% (28% dans la circonscription de Tommy Sheridan). Dans la «ceinture ouvrière» du centre du pays, entre 7% et 10%. Aucune région ne fait moins que 4%, aucune circonscription moins que 2%. Aux élections municipales tenues le même jour le SSP a aussi réalisé une percée en nombre de voix, même si le nombre d’élu-e-s a été limité par le mode du scrutin.

Un nouveau parti pour tous les salarié-e-s

Il y a 103 ans les syndicats britanniques ont créé le Parti travailliste pour défendre les salarié-e-s. La plupart des syndicats restent affiliés au Labour. Mais aujourd’hui, les liens avec ce parti sont de plus en plus remis en cause. De nombreux militants et responsables syndicaux se sont présentés sur les listes du SSP, y compris plusieurs pompiers, actuellement engagés dans un conflit dur avec le gouvernement Blair. Deux dirigeants syndicaux de gauche sont venus de Londres pour faire des meetings pour le SSP (comme le cinéaste Ken Loach). L’un d’eux, Bob Crow, secrétaire général du Syndicat des cheminots (RMT), a déclaré à propos du Labour: «Pourquoi continuer à soutenir un parti qui agresse les salariés? En ce qui concerne le RMT, le SSP est maintenant le meilleur parti». Le 1er mai, 128000 électeurs/trices écossais lui ont donné raison. Fort de ce succès électoral, le SSP entend devenir non seulement «le meilleur parti» mais un parti anticapitaliste de masse capable de prendre la place du travaillisme failli.


Murray SMITH*


* Murray SMITH est un membre fondateur du SSP écossais. Il a participé à l’un de nos récents Forums Socialistes. Nous le remercions d’avoir accepté de rédiger ce compte rendu pour notre bimensuel.

  1. Créé en 1999, le Parlement écossais dispose d’une large autonomie sur des questions comme l’éducation, la santé, le logement ou l’environnement. Pourtant, Londres garde le contrôle des leviers économiques et fiscaux décisifs.
  2. Sur 129 députés, 73 sont élus au scrutin uninominal majoritaire à un seul tour, très défavorable aux petits partis, et 56 à la proportionnelle par listes régionales.