Article constitutionnel sur l'énergie

Article constitutionnel sur l'énergie : Non au démantèlement des acquis antinucléaires!

Depuis deux ans, les antinucléaires se mobilisent avec ContrAtom pour défendre l’art. 160E de la Constitution genevoise.

Ils ont d’entrée exigé que cette disposition, fondant les axes d’une politique de l’énergie écologique et antinucléaire, soit préservée en bloc. Ce n’était pas du dogmatisme, mais partait de trois constats :

  • l’unité de l’article 160E, voté en 1986, permet aux parties de celui-ci d’entrer en résonnance et de former un tout constituant une vraie politique ;
  • cet article représente plus que son seul texte initial, il s’y est rattaché toute une jurisprudence;
  • cette constituante, avec des groupes pronucléaires en majorité, ne permet pas d’espérer mieux que le texte issu de l’IN «L’énergie notre affaire».

En 2010, la Constituante démontrait son allégeance au lobby atomique en supprimant de son avant-projet, l’obligation d’opposition au nucléaire. Ce vote scandaleux – qui aurait plombé le projet – n’a pas résisté à Fukushima et à la relance antinucléaire qui a suivi la catastrophe.

 Acquis préservés ou liquidés?

Ainsi – à l’issue de tractations diverses – une majorité de la Constituante a voté en «première lecture» en novembre de nouvelles dispositions sur l’énergie. solidaritéS, AVIVO et Associations ont soutenu le maintien du 160E, mais PS et Verts sont entrés en matière sur sa mise au rencart, prétendant que l’essentiel était «préservé». Qu’en est-il ? Etat des lieux.

Sur le «rétablissement» de l’opposition au nucléaire, figurant dans l’al. 5 de l’art. 160E : on a repris sa première phrase, mais avec des modifications débilitantes. On y a d’abord enlevé le fait qu’on doive employer tous les «moyens juridiques et politiques à disposition» au service de cette opposition, ne reste que l’emploi générique de «tous les moyens».

Certains prétendront qu’on n’a rien perdu. Mais la disposition subsistante est assez vague pour conduire à un recul sur les moyens légitimes (ou non) de s’opposer à l’atome. Malgré le texte actuel, le Conseil d’Etat à l’époque avait «expliqué» dans un premier temps qu’il ne pouvait pas s’engager juridiquement en France contre Superphénix, parce qu’il n’avait pas les compétences internationales requises… Aujourd’hui, malgré l’obligation d’user de «tous les moyens juridiques», le Conseil d’Etat (contrairement à la Ville de GE) a refusé de soutenir des recours contre Mühleberg ou d’engager des procédures contre le dépôt de déchets au Bugey…

Malgré l’obligation existante d’employer «tous les moyens politiques» le Conseil d’Etat actuel a refusé, avant Fukushima, de diffuser une prise de position contre les nouveaux projets de centrales helvétiques en vue du vote de février 2011 des Bernois·es à ce sujet, alors qu’une intervention de sa part aurait pu faire basculer une décision qui s’est jouée à un point.

Echappatoires multipliées…

Avec une disposition plus vague, les autorités diront que ce n’est pas à eux de se battre sur les terrains juridiques ou politiques, devant les tribunaux ou lors de votes populaires… Crainte légitime, d’autant que le nouvel article circonscrit l’opposition des autorités au nucléaire aux « limites des compétences » de celles-ci. Or l’avis de pronucléaires, comme le constituant ultralibéral Pierre Kunz, est que ces compétences sont nulles, la question étant fédérale.

Ainsi, la disposition antinucléaire de l’al. 5 de l’art 160E est affaiblie, faute d’avoir pu être enlevée. D’autant qu’on en a aussi sabré la phrase exigeant que pour les préavis sur des installations hors du « voisinage » de GE, le canton doit légiférer. Ainsi, soit une installation est «voisine» et on s’y oppose d’office, soit elle ne l’est pas et le gouvernement nous doit une loi, sujette à référendum. Mécanisme ayant facilité l’acceptation de notre thèse qui veut qu’au regard des effets d’une catastrophe atomique, tous les sites nucléaires suisses sont «voisins» du canton !

Principe inacceptable et suppressions scandaleuses

Quant aux autres dégâts… Le chapitre «énergie» a comme principe premier que : «L’Etat assure un approvisionnement suffisant en énergie.» En clair, ce qui prime c’est la satisfaction de la demande en énergie qui doit juste être livrée aux clients en assez grande quantité. C’est la négation de tout objectif écologique ou social en matière énergétique, qui remette en cause la demande et pénalise le mésusage de l’énergie…

Parmi les péjorations : l’al. 2 actuel qui veut que les autorités cantonales et communales, et les établissements publics, «réalisent» la politique énergétique cantonale est affadi, de réalisation d’une politique, il n’est plus question… Plus grave, l’important al. 3 actuel du 160E qui fixe en sa lettre a) sept exigences d’économies d’énergie dans le secteur immobilier, est évacué : adieu donc à l’interdiction constitutionnelle du chauffage électrique et de la climatisation, adieu à la base constitutionnelle pour des normes de consommation…

Le point b) du même alinéa qui veut que l’Etat favorise les transports en commun, à pied et à vélo, au plan des investissements notamment, est aussi liquidé, avec le primat de l’engagement public en faveur de modes de transports écologiques, remplacé par un brouet sur la «complémentarité» des modes de transport et la fluidité du trafic…

Le point c) concernant le secteur industriel est aussi liquidé : les centrales chaleur-force et la récupération de chaleur disparaissent, comme la récupération et le recyclage des déchets, et l’exigence de durabilité des objets manufacturés…

Coupé en morceaux, vidé de sa substance… l’art. 160E n’est nullement «repris», encore moins développé, il est assassiné. Nous voterons NON l’an prochain à ce projet délétère !

Pierre Vanek