Le féminisme: dimension essentielle du socialisme que nous voulons

Le féminisme: dimension essentielle du socialisme que nous voulons

Un beau titre, porteur d’espoir, pour un week-end réunissant une soixantaine de militant-e-s, femmes et hommes à égalité, de 17 à plus de 60 ans, des cantons de Neuchâtel, Bâle, Berne, Genève, Vaud (sans compter les mélanges culturels) dans le beau paysage de la campagne neuchâteloise de Bevaix, les 3 et 4 mai 2003.

Satisfecit

A l’évaluation finale, les satisfecit fusaient. Pourtant, la problématique n’a été que survolée et les discussions intergénérationnelles, intercantonales, interculturelles ont été bien trop brèves. Mais les jeunes saluaient tout ce qu’elles et ils avaient appris et les plus expérimenté-e-s qui avaient très envie de traduire les réflexions en actions dans la vie quotidienne et l’action politique se réjouissaient aussi de ces échanges si prometteurs. Même les plus critiques se déclaraient «déçu-e-s en bien» et pouvaient envisager un futur à cette rencontre d’un week-end.

Deux militantes venues d’autres horizons nous ont aidées dans cette réflexion

Susan Caldwell, Canadienne de Montréal, une des initiatrices de la Marche mondiale des femmes de 2000 et toujours active dans le mouvement, maintenant depuis Amsterdam, où elle dirige l’Institut de recherche et de formation. Josette Trat, militante de la Ligue communiste révolutionnaire de France, professeure de sociologie à l’Université de Saint-Denis, chercheuse dans l’équipe GERS (genres et rapports sociaux) et rédactrice de la revue ContreTemps. Ces deux spécialistes qui avaient un regard plus distancié ont également eu un perçu positif de notre rencontre. Josette pense que nous avons vraiment préparé le terrain pour reprendre les questions de fonds dans notre pratique quotidienne, notamment sur le terrain des femmes en politique. Susan nous livre son sésame: à chaque nouvelle action se demander: «où est la femme?» (à traduire par: ne pas oublier la problématique femmes, présente dans tous les aspects de la vie sociale, et ne pas oublier d’intégrer les femmes à tous les niveaux d’actions). Elle précise aussi que le travail féministe ne doit pas être laissé aux femmes, il doit aussi être effectué par les hommes…

Visibilité des femmes

Maintenant que nous préparons ensemble les prochains forums sociaux (suisse du 19 au 21 septembre à Fribourg, européen dès le 12 novembre à Saint-Denis) et les villages alternatifs anti G8, on veillera pour sûr à la visibilité des femmes à tous les niveaux d’intervention (elles sont déjà à égalité dans la participation) et à la dimension féminine de la mondialisation; par exemple, l’éclatement du travail voulu par le libéralisme mondial touche principalement les femmes (travail sur appel, temps partiels imposés, horaires fluctuants, etc.).


Plus profond encore sera le travail commencé en ateliers de discussion sur les changements de comportements: que signifie la prise de conscience et l’émergence du féminisme dans nos luttes et nos rapports quotidiens? Comment disposer librement de son corps? Imposer son orientation sexuelle à la société? Choisir son mode de vie? Traduire cette liberté individuelle en lutte collective?

Mixité du mouvement

Il ne semble décidément pas que les groupes de conscience d’hommes n’émergeront de ce week-end, cette pratique n’intéresse pas les hommes de solidaritéS plus centrés sur l’action politique que sur l’introspection personnelle, mais on peut imaginer que va s’imposer un féminisme mixte. Les transformations des rapports de sexes impliquent l’engagement des deux sexes. Même si les femmes sont les premières concernées – car ce sont elles qui sont dominées, discriminées, exclues – les hommes sont également victimes du système patriarcal qui leur impose le modèle stéréotypé et figé de la virilité, du recours à la force, voire à la violence, qui les astreint à l’obligation de l’armée, du temps de travail complet, à tenir le rôle de chef de famille, de meute, de parti, etc… Les hommes présents à ce week-end le reconnaissaient. La réflexion commune aux femmes et aux hommes permet de mieux cerner les résistances et les limites des deux genres et de s’organiser ensemble pour les dépasser.


Un mouvement féministe mixte amène de nouvelles formes de pensées et nous permet d’imaginer cette société radicalement nouvelle, profondément humaine, que nous voulons réaliser, de notre vivant!


Maryelle BUDRY


Quelques lectures qui ont alimenté la préparation de ce week-end:

  • «Pour une orientation féministe. XIVe congrès de la Ligue communiste révolutionnaire», Montreuil-sous-Bois, juin 1999, supplément à Rouge, No 1890.
  • «Luttes des sexes et luttes des classes», Revue Agone, No 28, Marseille, 2003.
  • «Femmes rebelles», Manière de voir, n° 68, Le Monde Diplomatique, Paris, avril-mai 2003.
  • Ainsi qu’un dossier de 10 textes pour le débat, distribué aux participant-e-s, à demander au secrétariat de solidaritéS.