Inde

Solidarité avec le Cachemire

Le 5 août, le Premier ministre indien a révoqué l’autonomie de la région du Cachemire en modifiant par un tour de passe-passe la Constitution indienne. Depuis, des attaques pleuvent contre la population (arrestations, violentes échauffourées, couvre-feu, blocus des communications, fermetures des principales mosquées…).

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Manifestation de solidarité avec le Jammu-et-Cachemire devant l’ambassade de l’Inde, Londres.

 La population de l’État du Jammu-et-Cachemire, situé principalement dans les montagnes de l’Himalaya, connaît un tournant autoritaire majeur depuis début août: presse muselée, journalistes étranger·ère·s interdits, communications bloquées (téléphone et Internet), couvre-feu général et des dizaines de milliers de soldats indiens envoyés en renfort dans cette région qui est déjà l’une des plus militarisées au monde. Cette situation répressive a été proclamée par Narendra Modi – Premier ministre indien issu du parti ultranationaliste hindou BJP qui a été réélu au printemps pour un deuxième mandat – suite à la mise en place d’une vieille promesse de campagne du BJP: la révocation de l’autonomie du Cachemire.

La situation s’est évidemment tendue avec le Pakistan, qui a expulsé l’ambassadeur indien à Islamabad et rappelé son propre représentant à Delhi. Islamabad a également suspendu tout commerce bilatéral, une mesure principalement symbolique.

La fin d’une relative autonomie

Depuis plus de septante ans, l’Inde et le Pakistan se disputent la région du Cachemire. Refusant d’accéder aux demandes d’indépendance et d’autogestion du peuple cachemiri, le contrôle de la région se partage entre l’Inde, qui administre la moitié du territoire, et le Pakistan, qui gère la quasi-totalité du reste (une petite partie seulement est demeurée sous contrôle chinois). Du côté indien, l’État constitué est le Jammu-et-Cachemire qui se compose de trois régions: le Jammu, la vallée du Cachemire (zone la plus peuplée, à majorité musulmane) et le Ladakh.

Néanmoins, depuis 1949, l’article 370 de la Constitution indienne garantit un statut spécial au Jammu-et-Cachemire. Ainsi, l’État possède une relative autonomie, avec sa propre constitution, son propre drapeau national, son propre gouvernement. Cette autonomie a permis à son Assemblée législative de gouverner librement, à l’exception de ce qui concerne la défense, les affaires étrangères et les communications.

C’est cet article 370 qui a été abrogé, sans consultation ni de la population concernée ni de ses représentant·e·s. Selon la loi, l’article 370 ne peut être modifié ou dissout qu’avec l’accord de l’Assemblée constituante du Jammu-et-Cachemire (dissoute en 1956), ou son absence par l’Assemblée législative. Or, l’Assemblée législative du Jammu-et-Cachemire a été démise en novembre 2018. L’État est de facto dirigé par Delhi, avec un gouverneur désigné en lieu et place du gouvernement élu. Dans cette situation, il a été aisé pour Modi d’obtenir l’abrogation de l’article 370.

Le 5 août, un autre changement considérable a été annoncé par décret. Il s’agit de la scission de l’État en deux territoires gouvernés depuis Delhi, une mesure qui devrait être effective dès le 31 octobre: d’une part le territoire du Ladakh, sans parlement, et d’autre part le territoire du Jammu-et-Cachemire, qui disposera d’une représentation, comme d’autres États, mais de peu de pouvoirs réels.

Arrestations massives et répression

Depuis l’annonce de Modi, plus de 500 personnes ont été arrêtées et placées en détention: militant·e·s et dirigeant·e·s politiques, professeurs d’université, syndicalistes, etc. Le 13 septembre, alors que le couvre-feu a été réimposé dans la vallée du Cachemire, deux civils ont trouvé la mort lors d’échauffourées avec les forces de l’ordre. Pour la première fois depuis 1989, les autorités locales ont interdit les rassemblements autour des principales mosquées du Jammu-et-Cachemire à l’occasion de la fête musulmane de l’Aïd.

Cette violente attaque contre les libertés fondamentales ne fait que renforcer un constat: l’Inde se comporte à l’égard du Cachemire comme un colonisateur. Le Premier ministre et son parti, le BJP, sont parvenus à transformer le Cachemire en Palestine. Le moment est venu d’exprimer haut et fort notre solidarité avec le Cachemire et ses habitant·e·s, et de dénoncer le comportement ouvertement impérialiste du gouvernement indien.

Aude Martenot