Insoumises: entre îles et elles

Insoumises

 Janvier 1819. Un docteur vaudois du nom d’Enrique Faber se présente à la douane de Santiago de Cuba. Ayant fait valider ses diplômes par les autorités espagnoles de l’île, il ouvre un cabinet médical à Baracoa où il vivra durant cinq ans. Malgré son succès comme médecin, son mariage avec Juana ainsi que l’affirmation de ses convictions anti–esclavagistes dans un contexte colonial tendu provoquent les pires rumeurs et hostilités.

C’est finalement vêtue d’une robe qu’Enrique quitte Cuba, expulsée des territoires espagnols au terme d’un procès scandaleux et de plusieurs mois d’emprisonnement. Car, et c’est bien là le problème – et quel problème! – Enrique est une femme. Ni l’église catholique ni le pouvoir colonial conservateur représenté par les juges – tous des hommes bien sûr – ne lui pardonneront cette offense.

Près de deux cents ans plus tard, alors que la soussignée est en train d’étudier le cinéma à La Havane, elle entend parler de l’histoire de cette compatriote hors normes, considérée aujourd’hui là-bas comme la première femme médecin et le premier cas de mariage lesbien de l’île. Égérie des mouvements LGBTIQ, elle est aussi étudiée à l’université en première année de médecine à Cuba. Frappée par le fait que personne ne connaisse Enrique(ta) en Suisse, Laura Cazador se lance avec le cinéaste cubain Fernando Perez dans l’écriture et la réalisation d’un film basé sur sa vie. C’est ainsi, au détour de destins croisés, d’ailes déployées et d’identités réinventées, baigné d’allers-retours entre deux îles, que nait le long-métrage Insoumises, première co-production helvético-cubaine.

Comment parler de son propre film sans tomber dans l’éloge arrogant ou une injuste distance? Évoquer ceux qui l’incarnent, peut-être? L’actrice française Sylvie Testud restitue, nous semble-t-il, un(e) Enrique(ta) sobre et sans concessions, aux côtés d’une Juana troublante interprétée par la comédienne cubaine Yeni Soria. D’autres acteurs et actrices fantastiques sont à l’affiche, tels le cubain Hector Noas et l’espagnol-genevois Antonio Buil. Enfin, il faut nommer l’équipe qui a rendu possible la réalisation d’un film d’époque dans une île soumise à l’embargo nord-américain et aux caprices météorologiques. Relevons ainsi le travail du directeur de la photographie Raul P. Ureta, qui signe une image dure et poétique de la Cuba du début du 19e siècle.

Le travail de la cinéaste et celui de la journaliste s’arrêtent en même temps ; une fois l’histoire racontée, elle appartient au spectateur–lecteur. On peut découvrir actuellement Insoumises à Genève dans le flambant neuf Nord-Sud et à Lausanne aux Galeries du cinéma. Une sortie dans d’autres cantons romands et en Suisse alémanique est prévue cet automne. Au plaisir d’en discuter prochainement, compañer@s!

Laura Hunter

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