Le chef de la femme

Le chef de la femme : Un patriarcat très OEcuménique

Raymond Spira, Le chef de la femme

Raymond Spira, Le chef de la femme. Dieu(x), les femmes et la loi. Berne, Stämpfli, 2019

A

ncien juge au Tribunal fédéral des assurances, membre du Parti socialiste neuchâtelois, Raymond Spira avait déjà rédigé plusieurs ouvrages consacrés à l’histoire chaux-de-fonnière et au droit. Le 14 juin 2019 – jour de la grève féministe en Suisse – les Éditions Stämpfli (à Berne) ont publié son dernier ouvrage consacré au rôle des religions dans la vision patriarcale du monde, «des situations où l’injustice ne résulte pas de la violation de la loi mais de son application» (Arcinfo, 20.6.2019).

Le tour d’horizon effectué par Raymond Spira est extrêmement vaste: il remonte à l’Antiquité babylonienne et gréco-romaine. Puis il décrit les conceptions des trois religions monothéistes (judaïsme, christianisme et islam), reléguant systématiquement la femme dans une position inférieure à celle de l’homme: «Pour les croyances religieuses que j’ai passées en revue, la réponse est clairement oui. La ‹ parole de Dieu › concernant les femmes est exclusivement celle des hommes» (Arcinfo, 20.6.2019). Cette parole a influencé la législation d’États se disant séculiers (comme la Suisse): «On en retrouve les traces dans les lois civiles. Ainsi de l’article 213 du Code Napoléon de 1804 dont les rédacteurs se réclamaient de saint Paul: ‹ Le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son mari ›, tandis qu’un siècle plus tard le législateur suisse composait ce bel alexandrin: ‘Le mari est le chef de l’union conjugale’».

À noter que la révision du droit matrimonial suisse supprimant cette formule avait rencontré l’opposition de Christoph Blocher.

Hormis de faire le point sur l’œcuménisme du patriarcat, Raymond Spira pointe le problème que pose l’invocation des racines judéo-chrétiennes, par opposition à d’autres religions. Aux tenant·e·s desdites «racines», on est tenté d’opposer une célèbre citation biblique: «Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil à toi?» (Évangile de Luc, 6, 41).

Hans-Peter Renk