Soudan

Entre espoirs et méfiances

Un accord entre le Haut Conseil militaire, au pouvoir depuis la chute du dictateur Omar al-Bachir, et l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), coalition menant les négociations pour le mouvement populaire, a été conclu le vendredi 5 juillet.

Soudan. Veillée à Karthoum, juillet 2019

Les classes populaires soudanaises continuent néanmoins de réclamer un «gouvernement civil» et le scepticisme règne quant aux promesses des hauts dirigeants militaires.

L’instance de transition sera composée de cinq militaires et six civil·e·s, dont cinq issu·e·s de l’ALC. Ce sont d’abord les militaires qui vont présider la transition pendant 21 mois, avant que les civil·e·s ne prennent la relève pour les 18 mois restants.

Si l’accord de vendredi représente une percée, il est loin d’avoir réglé toutes les questions. Les deux camps ont d’ailleurs décidé de retarder la formation d’un conseil législatif, dans lequel l’ALC demande 67 % des sièges. De plus, des organisations féministes ont soumis un mémorandum officiel à l’ALC exigeant que la moitié des sièges de l’autorité de transition soit attribuée à des femmes à ses trois niveaux: souverain, exécutif et législatif.

De même, le Conseil militaire de transition réclame l’immunité de ses membres contre toute poursuite liée aux effusions de sang commises avant l’accord, une demande refusée pour l’instant par l’ALC.

Maintenir la pression

Plus généralement, de nombreux·euses opposant·e·s au sein du mouvement de contestation doutent de la sincérité du Haut Conseil militaire à respecter ses engagements.

Le Parti Communiste soudanais a notamment exhorté les manifestant·e·s à maintenir la pression sur la junte militaire en continuant les mobilisations. Le parti a également ajouté qu’il était nécessaire de négocier la fin de la guerre civile, le retrait des troupes soudanaises du Yémen et la fermeture des bases militaires étrangères. Le général Dagalo, nouvel homme fort du pays, avait auparavant assuré à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis qu’il continuerait à soutenir leur guerre contre le Yémen. Environ 14 000 soldats soudanais y sont déployés.

Des dizaines de milliers de Soudanais·es ont manifesté le 15 juillet à Khartoum et dans d’autres villes du pays pour rendre hommage aux 130 manifestant·e·s tués le 3 juin lors de la répression dans la capitale contre un rassemblement demandant aux dirigeants militaires un pouvoir civil.

Le Conseil de transition militaire est l’acteur de la contre-révolution, aucune confiance ne peut lui être accordée. Seules les mobilisations et la pression du mouvement populaire permettront aux classes populaires soudanaises d’obtenir le changement véritable pour lequel elles luttent courageusement depuis des mois.

Joe Daher