Pour une vraie stratégie nationale de lutte contre la pauvreté

Parus début juillet, les derniers chiffres de l’Office fédéral de la statistique (OFS) signalent une pauvreté en forte hausse en Suisse. L’œuvre d’entraide Caritas a sonné l’alarme à ce sujet réclamant une stratégie nationale pour y faire face.

Femme avec enfant. Photo: Marco Loaiza

Les familles monoparentales sont les plus touchées par la pauvreté. Photo: Marco Loaiza

Avec une hausse de 615 000 à 675 000 personnes directement touchées, dont 165 000 personnes en emploi, le taux de pauvreté a crû en 2017, passant de 7,5 % à 8,2 % de la population du pays. Il s’agit donc d’une augmentation de l’ordre de 10 % en une année seulement, ceci dans une situation de conjoncture économique prétendument «favorable».

Les personnes les plus touchées sont – sans surprise – les familles monoparentales (avec à leur tête surtout des femmes) et les chômeuses et chômeurs. Les données de l’OFS indiquent aussi que, durant les 4 dernières années analysées, pas moins de 12,8 % de ces personnes ont plongé sous le seuil de pauvreté pendant une année entière
au moins.

Or ce seuil de pauvreté est calculé de manière assez restrictive d’après les normes de la Conférence suisse des institutions d’aide sociale (CSIAS). Qu’on en juge: en 2016 ce seuil était en moyenne fixé à 2247 francs de revenu par mois pour une personne seule et à 3981 francs de revenu mensuel pour deux adultes avec deux enfants.

Les femmes sont en première ligne

En parallèle, le taux d’aide sociale pour toute la population, 3,3 % en 2017, serait resté globalement stable depuis 2005. Les dépenses pour le chômage ne connaissent elles non plus pas de hausse malgré un nombre de plus en plus élevé de personnes au chômage (au sens du Bureau international du travail – BIT). De 1996 à 2018, ce taux de chômage est en effet passé de 3,7 à 4,7 % avec une plus forte progression pour les jeunes de 15 à 24 ans. En 2018 les femmes étaient plus touchées que les hommes avec un taux de 5,1 %. Les personnes étrangères le sont bien plus que les Suisses avec un taux de 8,2 %.

Les emplois à bas salaires (moins de 4335 francs par mois pour une semaine de 40 h, soit moins des deux tiers du salaire brut médian) représentent plus de 10 % de tous les postes de travail en Suisse. Ils sont en bonne partie concentrés dans la restauration, l’hébergement et le commerce de détail. Ces postes sont occupés aux deux tiers par des femmes et pour moitié environ par des étrangers·ères.

Un engagement formel en passe d’être violé

Or la Suisse s’est formellement engagée, en signant l’Agenda mondial 2030 pour le développement durable à: «Réduire de moitié au moins d’ici 2030 la proportion d’hommes, de femmes et d’enfants qui vivent dans la pauvreté sous tous ses aspects, telle que définie par chaque pays et quelles qu’en soient les formes.»

Mais les paroles sont une chose, les actes en sont une autre. La situation actuelle va à rebours de cet objectif, comme l’illustrent les données publiées par l’OFS. L’œuvre d’entraide Caritas a dénoncé a contrario, dans un communiqué cinglant en date du 4 juillet dernier, le retrait malvenu du Conseil fédéral, intervenu l’an dernier, de la politique de lutte contre la pauvreté, qui voit celle-ci être renvoyée à la seule charge des cantons et des communes. Ceci à un moment, convient-il de rajouter, où les réformes fiscales favorables aux grandes entreprises viennent priver ces collectivités publiques des moyens nécessaires.

Un programme qui s’impose

Quoi qu’il en soit, Caritas exige en urgence et à juste titre, une «stratégie nationale de lutte contre la pauvreté» à tous les échelons, avec comme priorités notamment la garantie du minimum vital et des possibilités de forma-
tion continue.

Dans ce sens, il faut barrer la route à l’austérité et au démantèlement des prestations sociales et des moyens consacrés à la formation. Il faut renverser la vapeur et mettre les ressources nécessaires à disposition pour répondre aux besoins sociaux croissants de la population, pour assurer des retraites décentes pour toutes et tous plutôt que de démonter celles-ci et d’augmenter l’âge de la retraite. Il est indispensable d’imposer un salaire minimum qui permette de vivre dans des conditions décentes. Nous devons créer des emplois d’utilité sociale et qui répondent à l’urgence écologique, fournir des logements bon marché répondant aux besoins de la population…

Bref, un programme antilibéral de gauche s’impose. Venez y travailler avec nous.

Pierre Vanek