SYRIZA: une leçon amère

Alexis Tsipras à Jérusalem, mars 2019. Photo: Matty Stern

Alexis Tsipras avec Michael Pompeo, Benyamin Netanyahu et le président chypriote Nicos Anastasiades lors du Eastern Mediterranean Leaders’ Summit, Jérusalem, mars 2019. Photo: Matty Stern

En Grèce, les espoirs représentés par SYRIZA semblent bien loin. La droite est de retour. 43 % des votant·e·s se sont abstenu·e·s. Nul·le n’est surpris·e par ce résultat mais le goût reste amer.

Amer parce que les zombies de la Nouvelle Démocratie (ND) s’empressent de s’attaquer aux acquis restants de la classe ouvrière, aux droits des réfugié·e·s, des LGBTIQ et aux libertés démocratiques. ND s’apprête à plonger davantage le pays dans les conflits impérialistes et à mettre en œuvre son projet raciste. Elle se vante d’être le gouvernement de «tous les Grecs». Rien n’est moins vrai. Elle promet déjà des baisses d’imposition pour les entreprises et «la possibilité [!] de travailler sept jours par semaine pour ceux qui en auront… envie».

Mais cette victoire arrive sans surprise après quatre ans de gouvernement SYRIZA qui a mis en œuvre des mesures d’austérité jamais vues auparavant en Grèce, qui ont fauché les salaires et les retraites et poussé des milliers de personnes dans la précarité pour sauver les banques. SYRIZA est devenu le meilleur élève de la Troïka: il a bafoué le non du référendum de juillet 2015, signé l’odieux accord avec la Turquie et la Libye pour empêcher les réfugié·e·s d’entrer en Europe et collaboré avec les criminels Netanyahou et al-Sissi.

Des trahisons beaucoup trop nombreuses pour un parti qui incarnait l’espoir des masses mobilisées et de centaines de milliers de grévistes.

Mais comment est-ce possible que le Premier ministre qui promettait de déchirer les mémorandums soit devenu, selon le Financial Times, un «politicien qui éteint les incendies plutôt que de les attiser»? Blâmer les cyniques carriéristes ne suffira pas pour donner une réponse. Car ses faiblesses étaient finalement celles du réformisme classique: considérer que l’État et les institutions européennes pourraient être convaincues voire réformées. Les deux se sont montrées inflexibles, irréprochables dans leur défense des intérêts capitalistes. La seule véritable option aurait été de les confronter. Mais pour cela il aurait fallu mobiliser le 62 % du Oχι.
Face au dilemme entre mobilisations massives ou négociations, SYRIZA a choisi les négociations.

C’est une leçon qui donne à réfléchir et un avertissement grave aux partis de gauche qui seraient tentés de suivre le même chemin.

Du côté des néonazis de l’AD, la défaite est cuisante. Aux européennes de 2014, AD avait obtenu 537 000 voix. Cette fois-ci, elle n’en obtient «que» 166 000 et avec 2,93 % elle n’entre pas au Parlement. L’activité intransigeante d’un mouvement antifasciste présent à tous les niveaux de la société grecque porte ses fruits. Isolés et exclus de plusieurs institutions municipales, confrontés systématiquement dans les quartiers, battus dans un procès – mené par des antifascistes – qui arrive à sa fin et qui pourrait les envoyer en prison, les fachos se divisent, s’arrachent les cheveux et perdent en force et en légitimité. La lutte n’est de loin pas finie, mais il y a de quoi s’inspirer.

Malheureusement, la gauche de SYRIZA n’a pas pu incarner une alternative cohérente. Pour la période qui s’ouvre, l’unité de la gauche dans les mouvements et les lieux de travail face à la droite et l’UE sera nécessaire. C’est une période d’instabilité qui s’ouvre partout et il faudra saisir les opportunités qu’elle nous offre, sans faire l’économie du bilan des expériences passées.

Dimitris Daskalakis