Du 14 juin à la Pride

Du 14 juin à la Pride : Un modèle pour réinvestir nos luttes

Le 14 juin, la grève des femmes* / grève féministe a mobilisé plus d’un demi-million de personnes dans les rues suisses. Un mouvement d’ampleur s’il en est, c’est la preuve que l’organisation collective par le bas peut encore et toujours atteindre des résultats qui défient les normes et mettent à mal l’ordre établi. Galvanisé·e·s par ce tour de force magistral des collectifs de femmes* féministes notamment romandes, nous sommes en droit d’attendre et de créer un espace de revendications sur les questions LGBTIQ. Néanmoins cela demande de repenser et réinvestir la notion de Pride.

Grève des femmes, Lausanne, 14 juin 2019. Photo: Gustave Deghilage

Grève des femmes, Lausanne, 14 juin 2019. Photo: Gustave Deghilage

Bien des choses ont été écrites sur Stonewall et il est réjouissant de voir que le mythe fondateur des luttes LGBTIQ met en avant des personnes racisées défiant les normes de genre et le pouvoir de l’État. Mais la juxtaposition de Stonewall et des luttes institutionnalisées actuelles ne fait souvent que souligner le contraste entre la potentialité révolutionnaire des Queers de Christopher Street et le libéralisme des organisations LGBTIQ romandes. Au final, leur héritage emprunte bien plus au courant assimilationniste de Mattachine aux États-Unis et Der Kreis en Suisse qu’il n’emprunte à l’idéal libérateur des luttes pour la destruction de l’ordre cis-hétéronormé.

Face à l’appareil destructeur néolibéral, les outils de lutte se transforment et tentent de se rendre palpable face au capitalisme et à l’idéologie individualiste de nos sociétés. L’identité LGBTIQ n’est plus pensée comme le moyen de créer la collectivité et donc une force politique mais comme une préférence qui fait de nous des consommateurs·trice et pions de logiques productivistes. Ainsi la Pride n’est plus l’espace de revendication pour l’éclatement de l’ordre moral sexuel mais devient une tentative de faire rentrer les LGBTIQ – tout du moins celleux qui en ont les moyens – dans le système. La Pride de Tel-Aviv en étant une démonstration non-négligeable.

Ainsi les associations institutionnalisées se retrouvent dans une situation peu enviable: dépendante de ce paradigme assimilationniste, elles se retrouvent obligées de composer avec des entreprises plus que douteuses, des politicien·ne·s réformistes et les pouvoirs publics pour assurer leurs moyens et les salaires de leurs employé·e·s. La question qui se pose donc est de savoir si ce mal est vraiment nécessaire? Terrifié·e·s face à la possibilité réelle de perdre les acquis, il serait bon de se rappeler nos ressources et notre force collective, de forcer le virage à gauche et de redéfinir l’utopie future plutôt que de promouvoir l’immobilisme. La grève du 14 juin nous en a donné l’exemple.

Sébastien Zurcher

Procter & Gamble: des pactoles sur le dos des femmes

Procter & Gamble, présente à la Pride à Genève, est une multinationale aux activités peu reluisantes. Remise en cause pour le non-respect des droits sociaux d’anciens employé·e·s retraités, l’entreprise est également largement impliquée dans des scandales liés à la déforestation en Indonésie. Chaque année, elle réalise des bénéfices énormes, notamment en faisant des marges indécentes sur des produits cosmétiques destinés aux femmes (taxe rose).

Phillip Morris: quand la Pride devient l’occasion de vendre des clopes

La présence de la multinationale du tabac Phillip Morris n’est pas un hasard lorsque l’on sait que les personnes LGBT*IQ+ représentent une population statistiquement plus encline à consommer ces substances. Leur présence est évidemment bien plus liée à l’opportunité commerciale que peut représenter ce type d’événement qu’aux valeurs que la Pride doit défendre.

Viiv: une pharma qui tue des malades du VIH

Le soutien financier ou la participation au cortège d’entreprises pharmaceutiques, dont l’une, ViiV, commercialise des traitements contre le VIH et a été accusée d’empêcher l’accès à des traitements à prix modérés dans des pays du Sud, sont hautement critiquables. En maintenant des tarifs élevés sur des médicaments indispensables, cette entreprise prive d’accès à des traitements vitaux des personnes vulnérables!

UBS: un million pour des politiciens homophobes

UBS est championne, aux côtés d’autres groupes financiers aussi présents à la Pride, de l’évasion fiscale. Cette évasion génère des manques à gagner pour les collectivités et implique des politiques d’austérité ayant pour effet la baisse des soutiens aux associations LGBTIQ. Si UBS sponsorise des Pride, elle soutient aussi des politiciens opposés à toute avancée des droits des personnes LGBTIQ, notamment aux USA