Soudan

Une crise révolutionnaire profonde

Après avoir eu raison d’Omar el-Béchir, destitué le 11 avril après 30 ans de règne autoritaire, les mobilisations populaires débutées en décembre 2018 se poursuivent pour obtenir un changement de régime.

Manifestation à Khartoum. Photo: Ola Alsheikh Photography

Le haut commandement de l’armée soudanaise a annoncé la mise en place d’un Conseil de transition militaire pour deux ans et diverses mesures pour tenter de mettre fin aux protestations. Les mobilisations se sont néanmoins poursuivies de manière massive le jour même de la destitution d’el-Béchir, avec notamment des milliers de soudanais·es violant le couvre-feu imposé par les nouvelles autorités et se rassemblant devant le QG de l’armée à Khartoum pour réclamer un gouvernement civil.

Le samedi 13 avril, c’était au tour du général Awad Ibn Ouf, nommé à la tête du Conseil de Transition militaire, de démissionner après une journée au pouvoir. Le Général Abdel Fattah al–Burhane a été nommé à sa place.

Pour tenter d’apaiser les manifestant·e·s, le général al-Burhane a annoncé une série de mesures en guise de concessions: la levée du couvre-feu et la libération de tous les manifestant·e·s arrêté·e·s ces dernières semaines. Il s’est également engagé à faire juger les personnes ayant tué des protestataires. Pour tenter d’afficher sa bonne volonté face aux manifestant·e·s, le Conseil militaire a également annoncé la démission de Salah Gosh, chef du puissant service de renseignement soudanais (NISS). Il a promis qu’un gouvernement civil serait formé après des consultation avec l’opposition – sans toutefois donner de calendrier – et que la période de transition ne dépasserait pas deux ans.

Les mobilisations continuent

Cependant, les mobilisations n’ont pas cessé, bien au contraire. Elles demandent notamment la dissolution du Conseil de Transition Militaire. Dans un communiqué publié le dimanche 14 avril, l’Association des professionnels soudanais, un des fers de lance de la contestation populaire, appelle la population à poursuivre le vaste sit-in de protestation lancé le week-end dernier et « à exercer toute forme de pression pacifique pour atteindre les objectifs de la révolution ». Des milliers de manifestant·e·s étaient toujours rassemblé·e·s devant le QG de l’armée à Khartoum pour maintenir la pression, au lendemain de l’engagement pris par le général Burhane « d’éliminer les racines » du régime d’Omar el-Béchir.

Les concessions faites par le Conseil de Transition Militaire face aux mobilisations populaires ne diminuent pas les aspirations des manifestant·e·s à un changement radical de régime politique. Les masses populaires soudanaises ont appris de l’expérience politique égyptienne et ont démontré qu’ils et elles ne se faisaient aucune illusion par rapport au rôle contre-révolutionnaire joué par la haute hiérarchie militaire soudanaise.

Joe Daher