Etats-Unis : Les socialistes font fort à Chicago

Action en faveur de la réintroduction du contrôle des loyers par la municipalité

Aucune ville n’a vu des succès socialistes aussi forts que Chicago lors des élections du 26 février dernier. La gauche socialiste et le mouvement social progressiste des salarié·e·s et des communautés locales dont elle fait partie y est en bonne position pour mettre en avant des revendications de la classe ouvrière, en opposition à l’austérité cruelle qui a dominé la ville depuis des décennies.

Les élections ont été excellentes pour les candidat·e·s socialistes au conseil de la ville formé de 50 membres, élu·e·s dans 50 circonscriptions urbaines qui toutes devaient renouveler leur représentation par un·e conseiller·ère, dans une élection à la majorité absolue en deux tours. Le deuxième tour aura lieu en avril. La même règle s’applique au poste de maire. L’élection est non–partisane, mais Chicago est dominée par les démocrates.

Les Democratic Socialists of America (DSA) de Chicago ont appuyé 5 candidat·e·s, qui tou·te·s à une exception près se présentent comme socialistes. L’un d’entre elles·eux a remporté son siège à une écrasante majorité, trois autres sont arrivés en tête au premier tour. Ces victoires pourraient permettre la constitution d’une fraction socialiste au Conseil de Ville.

Barrer la route à la gentrification

Le seul socialiste aujourd’hui au Conseil est Carlos Rosa, membre des DSA. La plupart de sa 35^e circonscription est située dans le quartier anciennement ouvrier et latino de Logan Square, en cours de gentrification rapide. Rossana Rodriguez–Sanchez, ancienne enseignante venue il y a dix ans de Puerto Rico est bien placée pour l’emporter dans le premier 2^e tour dans la 33^e circonscription depuis les années 30. Byron Sigcho–Lopez est premier dans la 25^e circonscription centrée sur le quartier historiquement mexico-américain de Pilsen, cible aussi d’une gentrification rapide. Jeanette Taylor est en tête dans la 20^e circonscription. Elle ne s’affiche pas comme socialiste, mais milite depuis longtemps contre la gentrification et pour la défense de l’instruction publique dans le South side un quartier historiquement noir.

Des militant·e·s socialistes ont été employé·e·s et ont joué des rôles clés dans toutes ces campagnes. Ils·elles ont été appuyé·e·s par l’aile gauche du mouvement ouvrier, en particulier par le syndicat des enseignant·e·s de Chicago (CTU) et l’union des familles travailleuses (UWF), bras armé électoral des syndicats de gauche et des organisations des communautés locales.

Mairie: un flic réac, un privatiseur d’écoles et un banquier rejetés

Joe Moreno, qui a présidé à une gentrification massive de la 1^re circonscription a été battu à plate couture par Daniel La Spata, membre des DSA. Maia Hadden une candidate progressiste, soutenue par l’UWF, a battu Joe Moore, un ancien progressiste qui maintenant reçoit des dons énormes dans la 49^e circonscription.

14 candidat·e·s se sont lancé·e·s dans la course à la mairie. Le pire, soit l’élection de l’ancien chef de la police réactionnaire Garry McCarthy, de l’ancien banquier de Goldmann Sachs Bill Daley, ou de Paul Vallas, ancien chef des écoles et exécuteur des basses œuvres en matière de privatisation scolaire du maire Richard M. Daley, a été évité.

Le rôle pivot des grèves des enseignantes

Aucune de ces victoires de gauche n’auraient pu être emportées sans l’élan d’organisation des salarié·e·s qui a transformé Chicago ces dernières années. La grève du syndicat des enseignant·e·s (CTU) en 2012 en a fait le point d’ancrage d’un large mouvement de gauche et de travailleurs·euses.

L’assassinat de Laquan McDonald, par l’officier de police Jason Van Dyke et l’étouffement officiel de l’affaire ont conduit à de larges mobilisations de groupes de jeunes noir·e·s et à des appels, y compris par la CTU, à la démission du maire Emanuel. Ce scandale et ces mobilisations de masse ont conduit à sa chute et animé les débats électoraux de la course à la mairie, obligeant les candidat·e·s à sortir du bois sur les questions policières.

L’énergie engagée dans ces campagnes et d’autres dans la ville – pour des logements abordables, pour les droits des immigré·e·s et bien plus – ainsi que la montée des idées socialistes reflétée par la croissance des DSA après la dernière campagne de Sanders, ont transformé la politique à Chicago. L’organisation du mouvement se renforce dans la ville, malgré les millions dépenser pour les contrer, et la possibilité d’une action politique autonome de la classe ouvrière émerge. À Chicago la gauche a le vent en poupe.

Micah Uetricht pour solidaritéS

Micah Uetricht est rédacteur de la revue Jacobin (jacobinmag.com) et auteur du livre Strike for America: Chicago Teachers Against Austerity. Traduction et intertitres de notre rédaction. Version complète ici.