Tunisie

Tunisie : Des luttes et des mobilisations sociales permanentes

Le 17 janvier, une grève générale a été massivement suivie à travers le pays. Huit ans après la révolution, les Tunisien·ne·s connaissent toujours la pauvreté et le chômage tandis que leur gouvernement se plie aux politiques d’austérité du FMI.

A l’appel de la puissante centrale syndicale de l’UGTT, plus de 677 000 travailleurs·euses ont manifesté pour l’augmententation des salaires des employé·e·s du secteur public. Cette grève était la plus importante depuis l’assassinat du député et militant de gauche du Front populaire, Chokri Belaid, en février 2013. Elle a paralysé le pays en touchant l’aéroport, les ports, les écoles, les hôpitaux, les médias publics et les bureaux du gouvernement.

Le peuple veut toujours la chute du régime

Le Fonds monétaire international (FMI) et le gouvernement tunisien étaient les principales cibles des manifestant·e·s, avec des slogans du type «Dégage, gouvernement du FMI», «Chahed, ô lâche, le peuple tunisien n’accepte pas l’humiliation», mais aussi le fameux «le peuple veut la chute du régime». Les grévistes reprochaient notamment au premier ministre Youssef Chahed de céder aux directives du FMI. Certain·e·s ont arboré des portraits de la directrice du FMI, Christine Lagarde, barrés d’une croix rouge, tandis que le journal de la centrale syndicale UGTT brandissait en une un photomontage montrant Youssef Chahed en marionnette de Lagarde.

Le pays, lourdement endetté auprès de bailleurs étrangers, a obtenu du FMI un nouveau prêt de 2,4 milliards d’euros sur quatre ans en 2016. En échange, il s’est engagé à appliquer d’importantes mesures néolibérales et d’austérité. Le FMI fait notamment pression pour que le gouvernement gèle les salaires du secteur public dans le cadre de réformes visant à réduire le déficit budgétaire du pays. Le gouvernement envisage donc de diminuer la masse salariale du secteur public à 12,5% du PIB en 2020, contre 15,5% actuellement.

Le lendemain de la grève du 17 janvier, l’UGTT a décrété une deuxième grève générale dans le secteur public les 20 et 21 février prochains. L’instance administrative de la centrale syndicale a pris cette décision après l’échec des négociations avec le gouvernement sur l’augmentation salariale de plus de 750 000 fonctionnaires.

Une situation sociale terrible

Si des droits démocratiques politiques ont été acquis en Tunisie depuis le début du processus révolutionnaire en décembre 2010, les richesses du pays restent entre les mains d’une élite, et les habitant·e·s des zones périphériques se sentent exclu·e·s et abandonné·e·s. Le chômage est deux à trois fois plus élevé dans les banlieues pauvres et les villes de l’intérieur du pays que les 15,5% enregistrés au niveau national. Il est aussi plus important chez les jeunes diplômé·e·s.

Le pouvoir d’achat réel aurait quant à lui diminué de 40% depuis 2014, selon l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES), un think tank sous tutelle de la présidence de la République. De manière générale donc, le niveau de vie des classes populaires tunisiennes s’est détérioré.

D’ailleurs, fin décembre 2018, des manifestations importantes ont eu lieu à Kasserine et dans ses environs (centre-ouest de la Tunisie) après la mort d’un journaliste dans la nuit du 24 au 25 décembre. Abdel Razzaq Zorgu, qui s’est immolé par le feu, couvrait les protestations de chômeurs·euses depuis plusieurs semaines. Les manifestant·e·s dénonçaient l’extrême pauvreté, les humiliations récurrentes des forces de police, le chômage de masse et les inégalités sociales qui pèsent sur la région, l’une des plus pauvres du pays. Après avoir été l’une des villes-clés dans le processus révolutionnaire tunisien, Kasserine attend toujours plus de justice et d’égalité sociale.

Joseph Daher


Solidarité internationaliste avec Nizar Amami

Nous exprimons notre soutien à Nizar Amami, député du Front populaire (FP) à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), membre du Conseil central du FP et coordinateur de la Ligue de la gauche ouvrière, et à sa famille, qui sont aujourd’hui menacé·e·s par des campagnes médiatiques du mouvement fondamentaliste islamique. Ces intimidations rappellent celles qui ont précédé les assassinats de deux dirigeants du FP, Chokri Belaid et Mohamed Brahimi.

Au nom des libertés démocratiques les plus élémentaires, Rémy Pagani, maire de Genève, et des élus·e·s de plusieurs cantons ont appelé les autorités tunisiennes ainsi que le président de l’ARP à tout mettre en œuvre pour assurer la protection de Nizar Amami et de sa famille. JD