Chantage européen sur les services publics du Tiers-monde

Chantage européen sur les services publics du Tiers-monde

L’un des principaux objectifs de la mondialisation capitaliste est la privatisation des services publics dans le monde entier, non seulement dans les domaines des transports, des communications et de l’énergie, déjà largement ouverts aux investisseurs, mais aussi dans ceux de l’éducation, de la santé, de l’aide sociale, de la protection de l’environnement, des services municipaux, etc. Il s’agit d’ouvrir de nouveaux champs, aussi vastes que rémunérateurs, à la valorisation du capital, et ceci au prix d’un accroissement important des inégalités sociales.


Les grandes sociétés multinationales, qui produisent et vendent des services pour le profit, ont tissé des alliances avec les gouvernements nationaux pour imposer une série de règles qui favorisent leurs intérêts et pénalisent ceux des salarié-e-s et des usagers-ères, notamment des pays les plus pauvres. C’est le sens de l’accord négocié actuellement à Genève, au sein de l’OMC – le fameux Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS). Bien entendu, les grandes puissances du Nord, qui défendent les intérêts de leurs multinationales, disposent d’un rapport de force écrasant pour imposer leurs vues au reste de la planète. C’est aussi cela, l’impérialisme. Il est aussi européen!

Le chantage de l’UE

En effet, l’Union Européenne n’est pas de reste par rapport aux Etats-Unis. Des fuites viennent en effet de rendre publiques les prétentions de l’UE à l’égard de 109 pays du Tiers-Monde (y compris les 50 pays les moins développés). Il s’agirait en substance de dealer une réduction des subsides à l’agriculture européenne (une exigence avancée par la plupart des partenaires commerciaux de l’UE) – qui pénalisent les exportations des pays du Sud – contre la privatisation des services publics des pays les plus pauvres au profit des investisseurs européens.


Selon Barry Coates, du Mouvement pour le développement mondial, «l’UE lie explicitement ses demandes à l’agriculture, affirmant qu’elle exige des compensations en faveur de ses sociétés des services avant de renoncer à ses subventions agricoles. Cela montre pourquoi elle a gardé ses exigences secrètes – son agenda n’est pas en faveur du développement»1.

Main basse sur l’eau

Bruxelles entend gagner d’importants nouveaux marchés pour ses sociétés de banque, de télécommunication, mais aussi pour celles qui vendent d’autres services. Par exemple, l’UE s’intéresse vivement à la privatisation de l’eau potable des pays les plus pauvres, afin de vendre cette précieuse substance à une partie des 1,2 milliard d’être humains qui vivent avec moins d’un euro par jour.


Dans ce sens, l’UE revendique l’ouverture du marché de l’eau pour ses investisseurs, en Bolivie, à Panama et à Trinidad, en dépit des grèves et des luttes sociales qu’ont suscité jusqu’ici les tentatives de privatisation de l’eau dans ces trois pays.


S’ils acceptaient ces prétentions, les pays pauvres se trouveraient les mains liées pour l’avenir et se verraient interdire toute re-nationalisation des secteurs ouverts aux investisseurs étrangers. En effet, les dispositions prévues par l’AGCS sont juridiquement irréversibles. Nous devons refuser ce chantage impérialiste, développé dans les coulisses de l’AGCS.


Jean BATOU

  1. Larry Elliott et Charlotte Denny, «EU’s secret plans hold poor countries to ransom», The Guardian, mardi 15 février.