Andalousie

Andalousie : Que retenir des élections régionales andalouses?

Les dernières élections ont permis à la droite de devenir majoritaire pour la première fois en Andalousie. Entretien avec Ernesto M. Díaz, militant de Anticapitalistas et conseiller municipal Podemos à San Fernando (Cadix).


Santiago Abascal, président et tribun de Vox

Lors des élections au Parlement andalou le 2 décembre, le Parti socialiste (PSOE) a fortement reculé après 36 ans au gouvernement. La coalition Adelante Andalucia de Podemos et Izquierda Unida (IU), avec deux partis andalous, a heureusement un peu progressé. Mais c’est la première fois que la droite est majoritaire en Andalousie. Et le parti franquiste, raciste et machiste Vox a fait une entrée triomphale (12 députés, 11% des votes).

Quelle est ta lecture des résultats électoraux?

C’est très mauvais. La droite – Partido Popular (PP), Ciudadanos (C’s) – a gagné. Avec Vox, le fascisme entre pour la première fois dans un parlement de l’État espagnol. Le PSOE a énormément reculé. Ce sont les pires résultats de son histoire. Ils peuvent annoncer un nouveau recul à l’échelle nationale.

Durant des années, l’électorat socialiste espérait des améliorations des services publics et du niveau de vie. Celles-ci n’ont pas eu lieu et le niveau de vie a empiré. Raison pour laquelle un grand nombre d’électeurs·trices de gauche se sont abstenu·e·s ou ont voté pour C’s. Les résultats de la coalition Andelante Andalucia ne sont pas les meilleurs, mais ils ne sont pas catastrophiques. C’est la seule organisation qui a des revendications à la hauteur des besoins historiques: 7% du PIB pour la santé, 5% pour l’éducation, une banque publique, des inspecteurs·trices du travail pour combattre la fraude sur les lieux de travail.

Les causes du recul sont la profonde démobilisation sociale qu’on observe depuis 2014. Les luttes parlementaires permettent de garder des positions, mais pas d’en conquérir. C’est une leçon importante. Autre élément: la fragmentation de la droite. Dans un contexte de crise et de fragmentation de l’arc parlementaire, le PP et C’s ont tenté de freiner l’avancée de Vox en virant à droite. Finalement, le vainqueur est Vox, une force néofasciste qui met en avant ce que veut une partie de la société: une issue autoritaire à la crise, qui ne cherche pas des solutions collectives et n’est pas soupçonnée de corruption.

Comment comprends-tu les mobilisations postélectorales?

Elles indiquent clairement un changement de tendance. C’étaient des mobilisations de masse, spontanées et éminemment jeunes. Nous n’avons pas su y répondre les 3, 4 et 5 décembre. Mais Podemos, Anticapitalistas, Izquierda Unida et d’autres forces politiques ont accompagné les manifestations. C’était un moment favorable pour tenter d’élargir les expériences de lutte, stabiliser les camps, donner un contenu au mouvement.

Comment définis-tu le parti Vox?

Vox n’est pas le parti classique de l’extrême droite franquiste. Il ne repose pas totalement sur la nostalgie de la dictature. C’est une organisation néofasciste, mêlant des éléments fascistes classiques (l’hypernationalisme ou la xénophobie) à d’autres, plus contemporains (la réduction des dépenses publiques et des mesures hyperautoritaires contre le processus catalan). C’est l’option du grand capital qui commence à se sentir incommodé par certains corsets politiques et démocratiques, et opte pour une issue autoritaire à la crise afin d’augmenter ses bénéfices et ses privilèges. Sa nature de classe se reflète dans ses propositions économiques et fiscales.

Idéologiquement, le parti suppose une radicalisation du catholicisme politique (la famille chrétienne comme seul modèle), en opposition à tous les droits et libertés conquis par le féminisme et les personnes LGTBI. Il représente une menace pour la démocratie. Mais il est faux de le présenter comme une organisation « antisystème »: un gouvernement de Vox représenterait le pire du régime capitaliste.

Pourquoi Adelante Andalucia n’est pas apparue comme une alternative au PSOE?

Je crois qu’objectivement il est apparu comme une alternative. Il y avait une brèche entre les discours de IU et de Podemos. La radicalité des candidat·e·s de Podemos Andalucia n’était pas comparable aux discours néokeynésiens de certains candidat·e·s. Mais nous n’avons pas assez insisté sur quelle société nous voulons construire, en liant ce point aux tâches spécifiques quotidiennes.

Fredric James a réfléchi au rôle que joue l’utopie dans la littérature. Le néolibéralisme détruit les possibilités d’imaginer des mondes alternatifs, et parmi eux le socialisme. Notre rôle consiste au contraire à élargir l’imagination.

Propos recueillis par Juan Tortosa
Traduit du castillan par Hans-Peter Renk
Coupes et adaptation de la rédaction.
Interview intégrale disponible ici