CICR et WEF

CICR et WEF : Même combat?

Peter Maurer, président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), siège également au World Economic Forum de Davos (WEF). Des critiques internes dénoncent ce mélange de fonctions.


Fabio Chironi

Ancien diplomate suisse, avec notamment un poste auprès de l’ONU à New York, Peter Maurer a fini Secrétaire d’État aux affaires étrangères à Berne. Autant dire qu’il est rompu aux relations internationales et aux moyens pour défendre les intérêts économiques de la Suisse.

Depuis qu’il est président du CICR, Maurer a doublé la puissance financière du Comité, dont le budget est passé de 1 à 2 milliards de francs. Son élection à la direction du WEF avait été gardée secrète durant une année, entre novembre 2014 et novembre 2015, puis entérinée avec effet rétroactif par la direction du CICR. Malgré les critiques, son mandat au WEF a été renouvelé en juin 2017 lors d’une séance à huis clos.

Résultat: le président du CICR siège au WEF à côté de différentes industries d’armement, notamment Textron Defense Systems, fabriquant de bombes à fragmentation, ou encore du cimentier Lafarge, dont les actes sordides en Syrie et au Nigéria défraient la chronique.

En 2015, Maurer s’est rendu en Chine alors même que le CICR ne peut toujours pas y visiter les détenu·e·s politiques ou issu·e·s de minorités persécutées (tibétains, ouïgours). Ce n’était pas le sujet de son séjour. Il y assistait au défilé militaire pour la commémoration de la victoire contre le Japon aux côtés des généraux chinois. Les Japonais·es ont dû apprécier la « neutralité » du CICR.

Une interview de Maurer en 2015 dans La Tribune de Genève portait un titre qui résume parfaitement la ligne de conduite du personnage: « Le CICR, poisson pilote des firmes dans les zones de crise ».

Malgré ses révélations et ses actes, Maurer connaît depuis une totale impunité. Ancien délégué du CICR avec 35 ans d’activité à son actif, Thierry Germond lui écrit en 2015 pour dénoncer sa double appartenance. M. Germond reprend la plume un mois plus tard pour s’adresser aux membres de l’assemblée du CICR, constituée de citoyen·ne·s suisses coopté·e·s. Toujours pas de réaction. Le 1er décembre 2016, 25 responsables envoient une nouvelle lettre à Maurer. Sans succès. En mai 2018, ce sujet est repris dans un article du Temps, mais aucun autre média ne continue l’enquête. Absence de réaction dans le monde politique aussi. L’assemblée du CICR reste muette et a étouffé la contestation interne. La loi du silence couvre aussi les méthodes brutales du directeur. Pour Thierry Germond, « la vraie raison des actions de Maurer est de promouvoir les intérêts de la Suisse et de l’économie suisse et une idéologie ultralibérale qui souhaite l’influence du milieu économique sur la décision politique » (Le Monde, 30.11.2018).

José Sanchez