Une brèche est ouverte

Depuis le 17 novembre, la France vit au rythme d’une profonde contestation sociale. Les « oublié·e·s » de Macron se sont rappelé·e·s au souvenir de son gouvernement.

Le mouvement des Gilets jaunes s’est construit par la base, hors des canaux d’expression traditionnels de la contestation, à partir d’actions et de confrontations contre un projet de taxe présentée comme une nécessité écologique. Le gouvernement a ignoré les ravages causés par des années de chômage de masse, de précarité croissante, de baisse des revenus, de politiques d’austérité et de démantèlement du service public. La fracture sociale s’est élargie jusqu’à devenir insoutenable. Cette contestation a révélé mieux que toutes les études l’étendue des dégâts provoqués par l’évolution du capitalisme.

Aujourd’hui, nul ne peut plus ignorer qu’en France des millions de personnes connaissent des difficultés économiques et sociales au quotidien, qui affectent bien au-delà de la fraction la plus paupérisée du prolétariat.

La colère a libéré et politisé des millions de personnes par la réflexion sur les inégalités et les actions qui ont été organisées. Les citoyen·ne·s du pays ont montré qu’il est possible, en dehors des urnes, de défendre son destin et se confronter au pouvoir politique. Cette politisation a aussi montré la soif de liberté des citoyen·ne·s

par son organisation décentralisée, son refus de s’identifier à des appareils syndicaux et politiques, qui ont souvent bridé et manipulé le mécontentement avec des stratégies trop prudentes ou calculées. La prise en main de leur avenir par la mobilisation est aussi une expérience de liberté, de prise de parole, distante de toute récupération politique.

Pour dénoncer les actions pacifiques comme les piquets et les occupations, le gouvernement de Macron a invoqué le respect des lois. Mais que fait-il du respect des salarié·e·s, des chômeurs·euses et des retraité·e·s? D’une vie et d’un travail dignes?


Paris – Jeanne Menjoulet

Ce qui semblait être un geste de mauvaise humeur s’est traduit au fil des mobilisations comme un large mouvement populaire, contraignant le gouvernement à retirer son projet de taxe. Un objectif qui paraissait impossible à obtenir face à l’assurance et l’arrogance de Macron. La sensibilité aux écarts de revenus et de fortune ont marqué la majorité du mouvement pour l’inscrire dans le courant de la lutte pour la justice sociale et vers une polarisation capital/travail. Les revendications des Gilets jaunes concernent davantage la concentration de richesses et visent une autre répartition, cette fois en faveur de la majorité de la population. Macron a ainsi fait de nouvelles concessions, mais toujours limitées et partielles.

Dans sa majorité, le mouvement des Gilets jaunes se bat pour une amélioration significative et durable pour le prolétariat, et pas seulement pour ses franges les plus pauvres. Pour cette raison, tout est encore possible, surtout lorsque l’on tient compte des projets prévus pour 2019, comme la réforme de l’assurance chômage et des retraites.

Alors que les défaites passées semblaient insurmontables, les Gilets jaunes ont ouvert une période d’espoir. L’ampleur de la lutte et les reculs du gouvernement constituent déjà une victoire, susceptible d’en nourrir d’autres. L’horizon de 2019 doit s’inspirer de cette détermination et de cette volonté afin de mettre en mouvement un maximum de forces revendicatrices, dans le domaine social et écologique.

José Sanchez