Après #MeToo, place à #NousToutes!


#NousToutes Paris – Jeanne Menjoulet

À l’occasion de la Journée internationale contre les violences à l’égard des femmes, des millions de personnes ont manifesté leur colère partout dans le monde.

En colère, nous le sommes contre l’oppression patriarcale qui perdure dans toutes les sphères de notre existence. Selon les dernières statistiques de l’ONU, le foyer continue d’être le lieu le plus dangereux pour les femmes. En Suisse, c’est une femme toutes les deux semaines qui meurt sous les coups de son (ex-)conjoint. À ces chiffres s’ajoute un nombre incalculable – et toujours incalculé – d’enfants et de jeunes LGBTIQ rejeté·e·s par leur famille. La précarisation de l’emploi touche de plein fouet avant tout les femmes, surtout celles issues de l’immigration.

En Suisse, la pauvreté est une réalité aussi, qui s’aggrave et touche surtout les mères célibataires et les retraitées. Dans la rue, à l’école ou face aux autorités, nous nous faisons importuner, rabaisser, agresser et discriminer. Et quand on est lesbienne, noire, grosse, trans ou pauvre, cette violence de genre s’exerce d’autant plus fortement.

Le mot d’ordre des milliers de femmes ayant manifesté le 24 novembre était le même: violence contre une, violence contre toutes.

#MeToo a libéré la parole, place maintenant à l’organisation collective de #NousToutes, renforcée par les revendications de #NousAussi et d’autres collectifs de femmes, trop souvent invisibilisées dans des luttes qui se veulent larges. Cette révolte à grande échelle a commencé en Argentine en 2015. Depuis, les mobilisations contre les violences sexistes rassemblent de plus en plus de monde et se multiplient, comme en Espagne, au Chili, en Turquie, en Inde ou en Suisse. Les manifestations du 24 novembre ont démontré que les féministes du monde entier disposent aujourd’hui des forces nécessaires pour se coordonner et se solidariser dans une perspective internationaliste et intersectionnelle.

Si ces marches ont principalement thématisé les violences sexuelles et physiques, elles s’inscrivent aussi plus largement dans un renouveau du mouvement féministe. Le système capitaliste se matérialise sous une forme de plus en plus réactionnaire et néolibérale, dont les femmes sont parmi les premières victimes. Les mouvements actuels ont établi le lien entre l’expérience spécifique de la discrimination et le système qui la produit, et aucun ne compte s’arrêter là. Les #EleNão au Brésil, la Women’s March aux États-Unis, les groupes de femmes kurdes sont autant d’exemples qui montrent que ce sont les féministes qui sont au front et qui ont la capacité de rassembler. Ces récents combats donnent à croire qu’ils ouvriront la voie à une véritable alternative politique, populaire, plus forte que jamais, et à l’échelle internationale.

Renforcé par la transformation collective de l’élan #MeToo, le mouvement féministe est en mesure de questionner nos sociétés capitalistes et patriarcales, qui précarisent, usent et violentent ses membres. Comme c’est le cas pour la Suisse en prévision du 14 juin 2019, ce mouvement est dorénavant partout tourné vers la grève, ceci pour montrer que quand les femmes s’arrêtent, c’est le monde qui s’arrête.

Tamara Knezevic & Marlene Carvalhosa Barbosa