Le vrai visage du néolibéralisme «réellement existant»

Après l’utilisation des drones dans les guerres du 21e siècle, Grégoire Chamayou (chercheur au CNRS) analyse comment les classes dominantes ont répondu, depuis un demi-siècle, à la contestation de leur pouvoir. Ainsi, il décrit la stratégie de la multinationale Nestlé contre ses contestataires.

Mais l’impulsion de cette réponse des dominants est venue des États-Unis. « Partout, ça se rebiffait. Les années 1970, a-t-on dit à droite et à gauche, du côté de Samuel Huntington [ndr: penseur conservateur] comme de Michel Foucault, ont été ébranlées par une gigantesque crise de gouvernabilité. » La réaction s’est incarnée dans les politiques néolibérales menées aux États-Unis (Reagan), en Grande–Bretagne (Margaret Thatcher) et au Chili (Pinochet), laboratoire depuis 1973 du « libéralisme autoritaire ».

Autoritaire car, « contrairement aux idées reçues, le néo-libéralisme n’est pas animé d’une ‘phobie d’Etat’ unilatérale. Les stratégies déployées pour conjurer cette crise convergent bien plutôt vers un libéralisme autoritaire […]. Un ‹ Etat fort › pour une ‹ économie libre › », prêché par divers penseurs comme Carl Schmitt, Friedrich von Hayek, Ludwig von Mises, Milton Friedman, William Rappard et William Röpke. À l’exception de Schmitt, tous ont fondé la Société du Mont-Pèlerin, officine libérale créée en 1947 en Suisse.

Hormis l’ouvrage de Grégoire Chamayou, on peut lire l’ouvrage de Keith Dixon, Les évangélistes du marché. Paris, Raisons d’Agir, 1998.

Hans-Peter Renk

Grégoire Chamayou
La société ingouvernable. Une généalogie du libéralisme autoritaire.
Paris, La Fabrique éditions, 2018