Pour sortir du nucléaire autrement... que par un Tchernobyl!

Pour sortir du nucléaire autrement… que par un Tchernobyl!

Le 18 mai on vote, on vote même beaucoup en Suisse. Parmi les 9 objets fédéraux soumis aux suffrages des électeurs-trices se trouvent les deux initiatives antinucléaires Sortir du nucléaire et Moratoire plus.


La première de ces initiatives prévoit la mise hors service de trois anciens réacteurs Beznau I et II, ainsi que Mühleberg, au plus tard deux ans après la votation populaire, ainsi que l’arrêt de Gösgen et de Leibstadt trente ans après leur mise en service, soit dans une dizaine d’années. Elle prévoit l’interdiction du «retraitement» du combustible nucléaire. Processus qui a pour fin l’extraction de plutonium permettant notamment, au choix, la production d’armes atomiques ou la relance bombes «civiles» comme feu le surgénérateur Superphénix de Creys-Malville aux portes de Genève. Elle impose également les droits de codécision des collectivités locales en matière de stockage de déchets et la prise en charge par les exploitants de tous les frais en rapport avec l’exploitation des centrales et leur désaffection…


La deuxième initiative, prévoit un nouveau moratoire de dix ans, avec y compris l’interdiction d’augmenter la puissance des centrales existantes, mesure qui avait été utilisée dans le cadre du programme «Energie 2000» pour contourner le moratoire 1990-2000, elle rend aussi le référendum possible contre toute décision de prolongation de l’exploitation d’un réacteur nucléaire au-delà de 40 ans.

Des millions engagés par le patronat contre les initiatives

En septembre dernier, à la surprise des commentateurs bourgeois, nous gagnions un vote populaire important en obtenant le refus de la LME, loi de libéralisation-privatisation du secteur électrique. Dans cette campagne là, les antinucléaires conséquents de ce pays s’étaient engagés fermement, en faveur d’un contrôle publique et démocratique sur les décisions essentielles en matière d’énergie, et contre les prophètes d’une hypothétique sortie du nucléaire «par le marché», par le «choix des consommateurs». Et aujourd’hui, ce sont en effet les électeurs-trices qui auront le dernier mot, mais dans des conditions difficiles. Le lobby patronal économiesuisse ne ménage pas ses millions pour combattre les initiatives à coup de pubs mensongères.


Les Chambres fédérales, quant à elles, travaillent d’arrache pieds pour accoucher, au cours de cette session, d’une nouvelle Loi sur l’énergie nucléaire (LENu) sensée servir de contre-projet «indirect» aux initiatives. A ce sujet le National vient de voter l’impossibilité pour les cantons de s’opposer à l’implantation d’un dépôt de déchets radioactifs sur leur sol…

L’impasse d’un mode de production

Le vote du 23 septembre 1990 avait vu l’initiative populaire «Halte à la construction de centrales nucléaires» instituant un moratoire de dix ans sur la construction de centrale nucléaires être acceptée par près de 55% des votant-e-s. Ceci alors même qu’elle avait été présentée avant le vote par les autorités comme un pas irréversible vers l’abandon définitif de l’énergie atomique dans ce pays. Au lendemain de ce vote l’éditorialiste du journal ContrAtom (n°12, déc. 1990) appelait les antinucléaires à ne pas céder aux sirènes d’une soi-disant «paix de l’énergie» ou à l’espoir d’un «avènement spontané du règne des énergies renouvelables» auquel se plaisaient à croire certains. Sortir du nucléaire écrivait-il «Cela ne se fera pas sans un profond mouvement impliquant des dizaines de milliers de citoyens à l’échelle du pays, à la fois pour exercer une pression irrésistible sur les politiciens en place et parce que tout ceci ne peut pas venir «d’en haut», il faut en effet, à la base une profonde révolution dans les mentalités et les comportements, fruit d’une prise de conscience de l’impasse dans laquelle nous enfonce notre mode actuel de production et de consommation.»


Aujourd’hui, l’impasse du «mode de production et de consommation» capitaliste est de plus en plus en plus patente, il existe bien un mouvement impliquant des dizaines de milliers de citoyen-ne-s qui est porteur de cette critique, qui s’oppose à la guerre impérialiste pour le pétrole, qui s’oppose à la globalisation capitaliste et aux diktats des marchés incarné par l’OMC… mais ce mouvement est-il capable de se mobiliser – aussi – pour faire la différence et obtenir un double OUI pour Sortir du Nucléaire dans les semaines qui viennent. C’est là en tout cas un enjeu et une orientation sans doute plus importants que de chercher à tout prix à «rassurer» les partis bourgeois et leur clientèle traditionnelle pour gagner quelques pourcent de voix comme cherchent à le faire certains milieux antinucléaires…


Pierre VANEK