Le grand bond en avant du capitalisme chinois

Le grand bond en avant du capitalisme chinois

Selon le Financial Times, les villes du district de la Rivière Perle en Chine, près de Canton, sont récemment devenues de véritables «ateliers du monde»1. Le district de la Rivière Perle, à peine grand comme la Suisse, compte déjà 30 millions d’emplois industriels, plus que dans toute l’Allemagne… A propos de la portée historique du phénomène, le quotidien de la finance britannique n’hésite pas à invoquer la Manchester de 1845, ni à citer Friedrich Engels.


Shunde est la capitale des fours à micro-ondes, Shenzhen celle des photocopieurs, Dongguan celle des chaussures de sport, Zhongshan celle de l’éclairage électrique et Zhuhai celle des consoles de jeu… Cette région exporte 10 milliards de dollars de marchandises et attire un milliard de dollars d’investissements par mois. En 2002 seulement, les exportations de la province de Guangdong (capitale:Canton), qui comprend le district de la Rivière Perle, ont dépassé celle de la Chine entière pendant les treize années 1978-1990. L’activité du port de Shenzhen a surclassé celle de Rotterdam ou de Los Angeles.

Paradis des investisseurs

Le total des exportations de la Chine, qui a doublé durant les cinq dernières années, a cru de 21% en 2002 pour atteindre 322 milliards de dollars (c’est toujours moins que le déficit commercial US de la même année, dont 20% dépend de ses relations avec la Chine). Sa consommation de fer dépasse désormais celle des Etats-Unis, comme d’ailleurs le montant de ses inverstissements directs étrangers (52,7 milliards de dollars en 2002)!


Pou Chen emploie 110000 salarié-e-s à produire 100 millions de paires de chaussures par an. «Des milliers de jeunes femmes, engagées dans toute la Chine rurale, travaillent sur des lignes de production surchargées, qui serpentent à travers une série de long bâtiments de cinq étages». Il les paie 36 cents (50 centimes) de l’heure pour un travail de 69 heures par semaine et loge les migrant-e-s dans de vastes dortoirs. «En Europe, les gens travaillent cinq jours par semaine, peut-être six heures par jour. Ici, nous avons trois équipes de huits heures par jour», relève Yu Yao Chang, sous-directeur de Galanz, un producteur de fours à mico-ondes.

Exploitation des femmes

Dans le district de la Rivière Perle, les coûts du travail sont parmi les plus faibles au monde: 15% de moins qu’à Shanghai, 30% de moins qu’en Malaysie. Nous avons à disposition «une abondance de jeunes filles avec de bons yeux et des mains fermes», note Mitsuhiko Ikuno, directeur de la production des photocopieurs japonais Ricoh, à Shenzhen. La part des coûts salariaux ne dépasse pas 1% de la valeur des produits exportés. Rien d’étonnant, quand on pense que l’heure de travail est 30 à 40 fois moins chère qu’en Europe ou qu’aux Etats-Unis.


D’autres facteurs jouent aussi un rôle essentiel: abondance de terre et de bras, chaînes d’approvisionnements très performantes, infrastructures de qualité, bienveillance des autorités à tous les niveaux. La concurrence est cependant extrêmement brutale (les prix baissent d’environ 15% par an) et les profits des entrepreneurs sont encore réduits par la ponction des grandes marques, qui détiennent les clés du marché mondial et y sous-traitent leur production.


Jean BATOU

  1. Financial Times, 4 février 2003. Reportage de Dan Roberts et James Kynge.