Prestige et luttes sociales en Galice: la mobilisation permanente

Prestige et luttes sociales en Galice: la mobilisation permanente

Depuis un certain temps, la Galice est devenue l’un des épicentres des mobilisations sociales de l’Etat espagnol. La grève générale du 15 juin 2001, un an avant celle de tout l’Etat (le 20 juin dernier), a inauguré un nouveau cycle de luttes syndicales. Quelques mois plus tard, c’était à nouveau dans les universités galiciennes qu’a éclaté le mouvement mouvement galicien, qui s’est étendu très rapidement au reste de l’Etat, a été le seul à impliquer tous les groupes universitaires dans l’action collective et pas seulement les étudiants! Le véritable soulèvement de masse, provoqué par l’accident maritime du Prestige, a montré une fois de plus la maturité du processus de mobilisation en Galice.


Sans doute, les grandes manifestations de Madrid et de Barcelone ont été les exemples les plus importants de mobilisations sociales, parce qu’ils ont été les plus massifs et se sont déroulé dans les principaux centres du capitalisme de la péninsule. Mais cela n’est qu’un reflet partiel de la réalité. Si l’on considère le rapport entre le nombre de manifestants et la population totale, ou bien entre ce même indicateur et l’ampleur du réseau associatif impliqué dans le processus de mobilisation, on constate que la Galice représente l’un des foyers les plus importants – sinon le plus important – de la nouvelle vague de mobilisation qui traverse actuellement l’Etat espagnol.

Auto-organisation

Pourquoi cela? La configuration des mouvements sociaux galiciens (participation de masse, ampleur des réseaux sociaux impliqués, etc.) y est sans doute pour quelque chose. Mais ce qui est le plus important, c’est leur autonomie par rapport aux institutions. L’auto-organisation s’est manifestée par la création spontanée de nombreaux groupes de nettoyage – les «chapapotistas» – qui ont su réagir vite et efficacement, mieux que l’armée.


De même, les mouvements sociaux de Galice se sont distingués par la radicalité de leurs confrontations avec l’autoritarisme et la violence (pas seulement policière, mais aussi médiatique) des autorités régionales de Manuel Fraga et étatiques de José María Aznar, ainsi que par l’originalité de leurs initiatives. Ils ont su met-tre en scène mille et une façons de contester le pouvoir (pas seulement par des manifestations classiques, mais aussi grâce à toutes sortes d’interventions sur le net, par des chaînes humaines et des spectacles culturels.)

Toujours plus loin…

Les mobilisations sociales de Galice ont suscité la solidarité du reste de l’Etat espagnol (et même d’Europe), ce que n’ont pas réussi à obtenir d’autres nations et régions lorsqu’elles en avaient eu besoin. En réalité, les Galicien-nes sont en train de se penser comme une nation constituante, qui défend des intérêts universels, et non plus seulement comme un sujet identitaire, sensible au patriotisme populiste des organisations nationalistes traditionelles (Bloc Nationaliste Galicien, Front Populaire Galicien ou NÓS-UP). Ils/elles se méfient des partis politiques parlementaires de gauche (PSOE et Bloc Nationaliste Galicien), qui ont vu dans les mobilisations populaires une opportunité fondamentale pour gagner les prochaines élections municipales, et qui essaient à tout prix de contrôler le mouvement social. Ils/elles ont compris qu’il faut s’opposer radicalement au productivisme capitaliste afin de mettre un terme aux écocides maritimes. Ils/elles en ont assez enfin de la droite postfranquiste qui les a gouvernés pendant des décénnies en jouant du clientélisme et de la corruption politique.


Raimundo Viejo Viñas


Pétrole et écocides maritimes

60% du pétrole consommé par l’Union Européenne est transporté par des tankers qui croisent au large des côtes du Portugal, de l’Espagne et de la France. La densité de ce trafic accroît la probabilité des accidents. Cependant, la plus grande partie des rejets de pétrole à la mer sont le fait du dégazage intentionnel et illicite, c’est-à-.dire du «fonctionnement normal du système».

Les accidents

Le «Prestige» n’a pas été l’accident le plus important en terme de volume de brut rejeté à la mer, mais son impact social et politique a été démultiplié par l’incurie des décideurs. En effet, les autorités espagnoles ont ordonné le remorquage du tanker en haute mer, où il a sombré, à 270 km. des côtes de Biscaye. L’obturation partielle des fissures, réalisée par le Nautilus, ne devrait durer qu’un an, après quoi, le Prestige va continuer à relâcher du pétrole dans la mer pendant une période illimitée.