Mouvement anti-guerre britannique, trois questions à Lindsay German

Mouvement anti-guerre britannique, trois questions à Lindsay German

Lindsey German est porte-parole de Stop the War Coalition (STWC) et responsable politique du Socialist Wokers Party (SWP). Julie Duchâtel s’entretient avec elle du bilan et des perspectives immédiates de Stop The War Coalition (STWC) en Grande-Bretagne*.

Comment qualifies-tu la manifestation du 15 février en Grande Bretagne et dans le monde? Quels sont les messages délivrés?

Avant tout, la manifestation qui s’est tenue en Grande Bretagne est évidemment un énorme succès. C’est la plus importante que ce pays ait jamais connue depuis 1945. C’est aussi une journée mondiale historique, car c’est la première fois que des manifestations anti-guerres réunissent dans le monde entier autant de monde et en même temps. Cela aura un effet sur les gouvernements. En Turquie par exemple, les manifestations ont influencé le parlement dans sa décision de ne pas permettre l’arrivée de troupes américaines sur le sol turc. Nous pouvons donc affirmer que le peuple peut faire la différence. Cependant, Blair continue à soutenir la guerre, même si le Pape, l’archevêque de Canterburry et Mandela s’y opposent. Des cibles sont déjà visées et les troupes sur place sont prêtes. En parallèle, la mobilisation s’intensifie. Nous devons maintenant défier le gouvernement de Blair pour stopper la guerre.

A ce propos, qu’entends-tu par «défier le gouvernement»? Quelles sont les actions prévues par Stop The War Coalition, en particulier pour ce qui est des manifestations étudiantes et lycéennes et des mobilisations de travailleuses et de travailleurs?

Par défier le gouvernement, j’entends une série d’actions, outre celles envisagées si la guerre éclate. Le

5 mars, les collégiens, lycéens et étudiantEs universitaires doivent organiser des grèves et rassemblements partout en Angleterre. C’est vraiment un changement notable car nous avons à faire à une jeunesse de plus en plus radicale. Elle saisit parfaitement l’impact déstabilisateur de la guerre sur la région du Moyen-Orient et elle a conscience et dénonce l’effet des énormes dépenses militaires sur l’état du secteur de la santé, la dégradation de l’éducation dans ce pays. Par exemple, des études ont montré que les dépenses que Blair veut engager pour cette guerre (de l’ordre de cent milliards de livres sterling) pourraient sauver 30 millions de vies par l’emploi de différentes mesures sanitaires et sociales.


Plusieurs actes de désobéissances civiles sont déjà prévus le 21 mars. En ce qui concerne la mobilisation des travailleuses-eurs, je ne sais pas ce que cela va donner étant donné, qu’ici, de telles grèves de solidarité sont illégales. On a des difficultés à mobiliser tous les syndicats pour cela. Mais il est certain que si la guerre éclate, des grèves spontanées naîtront.


Un autre instant crucial, et à mon sens un pas en avant dans le mouvement anti-guerre, est la convocation de l’Assemblée du Peuple (People’s Assembly) le 12 mars, à Westminster, face au Parlement à Londres. Il s’agit de réunir un corps de délégué-e-s des communautés locales, de différentes organisations et associations, de syndicats, des représentants de mosquées et des églises, etc. Cette Assemblée du Peuple, réunie pour la première fois, a pour but de faire entendre la «vraie» voix du peuple de Grande Bretagne, devant l’institution qui devrait la représenter mais qui ne le fait pas. Il s’agira non seulement de s’opposer à la guerre mais d’aller plus loin dans la remise en cause des institutions telles qu’elles sont, de leur fonctionnement et de s’interroger sur le type de démocratie dans laquelle on vit. Le gouvernement est manifestement isolé de la population. L’Assemblée du Peuple est un moyen d’approfondir la manifestation du 15 février.

Concernant la Coalition contre la guerre elle-même, quels secteurs de la société représente-t-elle? Quel lien établissez-vous entre STWC et le mouvement socialiste et anti-capitaliste?

Nous sommes arrivés à regrouper un maximum d’organisations dans la coalition et il ne manque presque personne: nous avons les libéraux démocrates, les églises et autres organisations religieuses, la majorité des syndicats, les étudiantEs, etc. Maintenant l’enjeu central est de créer des groupes locaux en vue de renforcer les grèves en cas de guerre et aussi de soutenir l’Assemblée du Peuple, car je le répète, c’est un pas en avant dans les revendications du mouvement.


En ce qui concerne les liens avec le socialisme, beaucoup de personnes dans la coalition sont profondément socialistes. Nous avons fait accepter quelques arguments socialistes au sein de la coalition. Nous avons soulevé des problématiques clés comme le fonctionnement de la démocratie, l’allocation discrétionnaire d’un important budget gouvernemental à l’armée. Les idées socialistes ont été marginalisées pendant une longue période et discréditées par tout ce qui s’est passé en URSS. Maintenant, nous faisons face à un mouvement de masse et la gauche a toujours été très impliquée dans sa construction. Les gens qui y participent prennent conscience de la nécessité de certaines idées socialistes comme l’égalité, etc. De plus, nous allons vers un renouveau des idées marxistes de base comme le contrôle par les travailleuses-eurs, la production pour les besoins… Enfin, de plus en plus de personnes se rendent compte des liens entre la guerre, l’impérialisme, la mondialisation et le capitalisme et il faut continuer à faire apparaître au grand jour ces connections.


Entretien réalisé par Julie DUCHÂTEL


* Cet entretien a été réalisé le 3 mars.